Détonations sourdes, nuages de fumée épaisse : les islamistes de Boko Haram retranchés dans la ville nigériane de Gamboru, à la frontière avec le Cameroun, ont été pilonnés dimanche après-midi par des hélicoptères de combat de l’armée tchadienne. Deux appareils ont bombardé pendant deux heures les positions des islamistes qui tiennent cette ville, située à la frontière camerounaise, a constaté un journaliste de l’AFP depuis la ville voisine de Fotokol. «Nous sommes déterminés à combattre l’ennemi», a déclaré après les bombardements le commandant du contingent tchadien à Fotokol, le général Ahmat Darry Bazine, devant les caméras de la télévision nationale. «Le moral (des troupes) est très haut», a-t-il assuré, flanqué de lunettes de soleil et la tête entourée d’un chèche, assis au milieu de ses hommes dans la brousse. Gamboru, déjà bombardée samedi par l’aviation tchadienne, est séparée par un pont de 500 mètres de Fotokol, où sont massées troupes tchadiennes et camerounaises. «La localité est sous le contrôle de Boko Haram. Ils sont dans toute la ville, se cachent dans les maisons et ont placé des snipers partout», a expliqué à l’AFP un officier de l’armée tchadienne, sous couvert d’anonymat. «À travers ces bombardements, nous cherchons à neutraliser l’ennemi pour ouvrir la voie en vue de libérer Gamboru» lors d’une opération terrestre, a-t-il ajouté. Boko Haram a lancé dimanche une nouvelle offensive contre Maiduguri, son ancien fief du nord-est peuplé d’un million d’habitants,une offensive que l’armée dit avoir repoussée avec l’aide des milices. Toujours dans cette zone, au moins sept personnes ont été tuées dimanche par un attentat-suicide visant une réunion au domicile d’un homme politique à Potiskum et deux explosions ont fait au moins cinq morts dans la ville de Gombe. D’importantes forces camerounaises et tchadiennes, équipées de blindés et d’artillerie, sont arrivées dans Fotokol ces derniers jours. Des soldats du Bataillon d’intervention rapide (BIR, unité d’élite de l’armée camerounaise) contrôlent l’accès du pont qui relie les deux villes.
«Beaucoup» d’islamistes tués
«Nous voyons de plus en plus de troupes arriver à Fotokol. Elles augmentent tous les jours», avait indiqué samedi à l’AFP un habitant, Aisami Bukar. Samedi, deux avions de combat tchadiens ont déjà bombardé Gamboru et ses environs. «Pendant près d’une heure, tout ce que nous avons entendu était des explosions et on pouvait voir des avions larguer des bombes de l’autre côté de la frontière, à Gamboru», avait raconté Aisami Bukar.
Ces raids aériens ont fait suite à des combats jeudi et vendredi entre islamistes armés et soldats tchadiens à la frontière. Le bilan provisoire de ces combats était, vendredi soir, de «trois morts et 12 blessés» au sein de l’armée tchadienne et de 123 islamistes tués, avait indiqué l’état-Major, précisant que les militaires avaient été tués «par des engins explosifs de fabrication artisanale». Dimanche soir, le général Darry Bazine a fait état de «175 à 200» combattants tués dans les bombardements. «Nous avons riposté de manière très rigoureuse» à des tirs de mortiers, a-t-il dit, et «il y a eu beaucoup, beaucoup de morts» du côté de Boko Haram. Selon l’hôpital militaire de N’Djamena, un soldat blessé lors de ces attaques est décédé samedi, portant le bilan des pertes tchadiennes à quatre morts. Le Cameroun a déployé dans la région de l’Extrême-Nord, frontalière du Nigeria, ses troupes d’élite à l’été 2014 pour contrer les islamistes nigérians. Depuis, Yaoundé avait sollicité à plusieurs reprises un soutien de la communauté internationale pour faire front. Le Tchad a répondu à cet appel et dépêché mi-janvier un important contingent au Cameroun pour aider son voisin à contrer les raids meurtriers de Boko Haram sur son sol. L’Union africaine a appelé vendredi et samedi à la mobilisation en Afrique contre les islamistes nigérians lors d’un sommet à Addis Abeba et demandé la mise en place d’une force régionale de 7 500 hommes. Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a apporté samedi son soutien à la formation d’une telle force en dénonçant la «brutalité sans nom» des combattants de Boko Haram, qui multiplient des exactions de grande ampleur, qualifiées par Washington et Paris de «crime contre l’Humanité».