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MIMOUNA HADJAM, PRÉSIDENTE DE L’ASSOCIATION AFRICA, À LA COURNEUVE, FRANCE, AU « COURRIER D’ALGÉRIE » : «Ici on a beaucoup à apprendre du Mouvement populaire citoyen de l’Algérie »

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Rencontrée au siège de son association Africa, situé au cœur d’un quartier d’une des cités de la Courneuve, à Paris, sa présidente a bien voulu nous accorder un long entretien, qui paraît en deux parties et dans lequel elle parle de l’attachement des «Courneuviens», selon son propos, à l’Algérie et son peuple, pays d’origine de bon nombre parmi les habitants, dont elle-même.

Entretien réalisé par Karima Bennour – 1ère Partie

Ayant commencé son combat très jeune, elle a été, depuis, sur les sentiers et chemins de toutes les luttes et les actions de soutien aux causes justes. L’accompagnement social, les droits des femmes, lutte contre le racisme et l’exclusion, le soutien scolaire, solidarité avec la lutte du peuple palestinien, le travail de mémoire, dont la commémoration du 17 octobre 1961, celle organisée, en 2012, a vu l’affichage, sur les murs du siège d’Africa, de la liste des Algériens assassinés à Paris par les autorités françaises, le combat pour la défense de l’égalité. Et pour ses membres, les actions d’Africa sont proposées à tout individu sans exception et c’est à l’association «de faire preuve d’adaptation et d’innovation pour être au plus prêt des besoins exprimés » lit-on dans le rappel du fondement statutaire d’Africa. La naissance d’Africa, apprend-on, s’est faite le 17 décembre 1987, dans un contexte raciste, marqué par l’avènement de l’extrême droite, en France, dans les années 80. Cette volonté de créer Africa répondait à la volonté d’«un groupe de jeunes, issues de l’immigration algérienne, de lutter contre le racisme, et la décision était prise par ces jeunes, femmes et hommes, de s’organiser «de manière autonome, et Africa a vu le jour depuis». De grandes figures ont fait le déplacement pour aller à la rencontre d’Africa et des habitants de la Courneuve, pour n’en citer qu’Angela Davis, Leïla Chahid, Gisèle Halimi, Djamel Allam, Josiane Balasko, Marie-Georges Buffet,

Le Courrier d’Algérie : Dernièrement, votre association a initié une rencontre-débat sur le mouvement populaire pacifique d’Algérie, pour lequel nombreux ont fait le déplacement au siège d’Africa, pouvez-vous nous dire comment l’idée vous est venue pour organiser cette évènement?
– Mimouna Hadjam : Depuis que le mouvement a commencé en Algérie, on réfléchissait à faire quelque chose pour montrer et exprimer notre solidarité avec l’Algérie, pays dont bon nombre de nous sont originaires mais pas que au-delà, il y a aussi les liens importants entre les citoyens «Courneuviens» et ses environs qui sont restés quand même attachés à leurs pays d’origine et au combat démocratique en Algérie. Donc voilà, nous voulions organiser quelque chose à la fois dynamique, active et politique, à l’image du mouvement populaire pacifique du peuple algérien, depuis le 22 février dernier, et qui a stupéfait le monde entier, par sa richesse, son action pacifique, sa diversité et surtout par son nombre, l’ensemble du peuple à travers le pays et à notre niveau, notamment dans notre quartier nous avons essayé de reproduire un peu ça. Lors de notre rencontre, juin dernier, nous avons invités deux intervenants, (une femme et un homme) du collectif de la révolution du sourire, comptant parmi les organisateurs des rassemblements des dimanches, à la Place de la République, et Stalingrad, (France), de soutien au mouvement du peuple algérien pour le changement du système politique en Algérie.

– En quoi cette rencontre a été fructueuse pour votre association et notamment les Courneuviens pour reprendre votre terme ?
-La présence de nos invités a permis outre un échange entre eux et l’ensemble des présents, solidaires, avec le mouvement pacifique des Algériennes et Algériens, mais aussi l’occasion pour eux de poser des questions par rapport à l’avenir du mouvement, sur fond des expériences vécues du peuple algérien, notamment depuis le 5 octobre 1988, et surtout que le peuple est sorti, d’une guerre (dit : guerre civile), une guerre qu’ont mené les terroristes contre le peuple algérien, beaucoup de question ont été posées à cette occasion outre l’échange dont je vous ai fait part auparavant. Pour les plus âgés d’ente eux, les souvenirs des évènements d’octobre 88 et les années 90 sont encore là, et les questions revenaient souvent, sur ces périodes, notamment de savoir quelles sont les capacités actuelles des islamistes sur la scène algérienne et de ses possibilités à pénétrer le mouvement et de le récupérer, à un moment, selon l’évolution de la situation…etc. Les femmes et leurs situations et leur rôle, ont fait l’objet aussi de débat et d’échanges, lors de cette rencontre qui a vu une forte présence de citoyens de la Courneuve et environs. Autre question qui a également marqué le débat de cette rencontre; la définition des priorités dans le combat pacifique du peuple algérien pour la liberté et la démocratie.

-Quelles ont été les questions qui revenaient le plus lors du débat ?
-Qu’est-ce qui est le plus important aujourd’hui, l’éternel débat qu’on retrouve dans tous les mouvements sociaux ou il y a le combatprioritaire et les autres multi-combats qui doivent s’agréger tout autour. Et le combat prioritaire en Algérie, étant le changement du système politique en place, et puis le règlement des autres questions suivra. Je vous ferais remarquer que parmi les femmes présentes, les plus âgées avançaient qu’il était hors de question de relayer les luttes essentielles pour l’émancipation de la société au second plan ou à un autre combat, en avertissant de ne pas tomber dans les erreurs du passé qui, au fil du temps, on a vu le recul du rôle et de la place de la femme, dans le début des années 80, processus qui a été sanctionné par l’adoption d’un code de la famille qui enchaîne la société algérienne à ce jour, en dépit des amendements opérés, ces dernières années, alors que la Constitution consacre l’égalité entre les citoyens, (hommes et femmes). L’idée qui s’est dégagée, à ce propos, c’est que les femmes sont présentes dans les manifestations et c’est dans la logique des choses qu’elles portent parmi les slogans brandis, leurs préoccupations et revendications. … Pour mes membres de l’Association Africa et moi-même, il est important pour nous dans le cadre de nos activités et nos missions de développer ce type d’activités dans nos quartiers, parce que dans les manifestations importantes en général, on retrouve plutôt des militants, des militantes des personnes convaincues et sensibilisées et dans nos quartiers, on retrouve quand même, beaucoup de gens qui vont pas dans les manifestations pour de multiples raisons et qui ne se posent des questions. L’ensemble des présents, près d’une centaine de personnes de tous âges et de différents profils ont été unanimes à dire que «l’ex-président Bouteflika a fait beaucoup de mal à l’Algérie et à son peuple».

-La rencontre a-t-elle débouché sur d’éventuelles initiatives similaires ou autres actions dans le futur ?
-À cette occasion, nous avons tenu à donner la parole à des acteurs politiques, ici en France, comme des élus, nous vivons en France et nous sommes régis par des institutions du pays, telle le président du conseil départemental , le Maire de la ville, la députée de la circonscription qui ont apporté leur soutien et se sont aussi engagés à développer des actions de solidarité. À titre d’exemple, à la Courneuve, son Maire a lancé un projet de jumelage avec la ville de Béjaïa, un projet sur lequel nous avons travaillé des années durant pour le voir se concrétiser. Nous voulions que ce projet de jumelage ne soit pas à l’image de ceux lancés habituellement, des relations entre les responsables et les chefs de villes, nous le voulions un jumelage concret, un échange entre militants, des sportifs, des hommes et de femmes de culture, etc. Puis c’est pour des échanges d’expériences entre là-bas et ici. Je pense que c’est important, d’autant plus que depuis le 22 février, le peuple algérien a donné un modèle et a montré la voie de comment devraient être menées les luttes, il vivait étouffé et sous le silence, croyait-on, il a été capable, plus tard de mener pacifiquement son mouvement, des semaines voire des mois, à ce jour, spontanément au début, et au fil du temps, l’organisation se construisait par lui et autour de lui, des acteurs politiques, des jeunes de quartiers, syndicalistes et membres de la société civile, alors que nous ici, en France, je peux vous affirmer qu’on est un peu en panne. Et de là les échanges d’expériences sont importants, moi quand je vois, à titre d’exemple, les manifestations du mouvement des gilets jaunes, où certains parmi eux brandissent le drapeau algérien, pour dire que la lutte du peuple algérien est un exemple pour nous, il y a beaucoup de choses à apprendre sur le mouvement citoyen algérien. Les gens d’ici sont agréablement surpris par le niveau de civisme et l’esprit animant les manifestants des vendredis en Algérie, le nettoyage des rues et des boulevards, le soutien et la solidarité qui se manifestent entre les marcheurs, des revendications exprimés avec humour, leur comportements et réaction pacifiques au moment où des éléments de la police opèrent des interpellations et des arrestations, en scandant «marche pacifique» sans se laisser glisser sur la voie de la violence, lors de leurs marches populaires des vendredis, en Algérie, bref on a beaucoup de choses à apprendre, c’est vraiment un mouvement citoyen.
K. B.

Paraîtra la 2ème partie de cet entretien dans notre édition de mercredi prochain

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