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Migrants : beaucoup de bruit pour rien

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À la sortie du sommet européen ; convoqué en urgence après la série de naufrages meurtriers de ces derniers jours, François Hollande a déclaré : «la France est prête à prendre sa part, et même plus que sa part» aux opérations en mer. Avec un objectif humanitaire affiché, les chefs d’État sont tombés d’accord pour tripler le budget européen des opérations de l’agence européenne de surveillance aux frontières, Frontex, en Méditerranée, et pour renforcer le nombre de navires et d’avions en mer. Une telle décision permet d’»aller au-delà» des moyens alloués à l’opération italienne de sauvetage, Mare Nostrum, a annoncé le président français. Lancée en octobre 2013 après le naufrage de Lampedusa, l’opération avait permis de sauver près de 400 personnes par jour et d’arrêter 351 trafiquants avec un budget de 9 millions d’euros par mois, avant d’être arrêtée en octobre à la faveur du lancement de l’opération européenne Triton aux moyens beaucoup plus limités (65 membres du personnel, 4 avions, 1 hélicoptère, 4 navires de pleine mer, 1 bateau de patrouille côtière, deux navires de patrouille côtière pour l’ensemble des 24 pays européens). À première vue, la France contribue de manière importante à ce renforcement. François Hollande s’est ainsi engagé à «doubler le nombre d’experts, déployer un navire-patrouilleur, un navire-remorqueur de haute mer et des avions de surveillance» dans ces opérations menées par Frontex.

Une confusion sur les moyens
Or, un document récapitulatif de la Commission européenne, intitulé «Les engagements des États membres pour renforcer les opérations conjointes en Méditerranée», sème la confusion sur la contribution exacte de la France. Selon ce dernier, l’avion de surveillance F-406 ne sera disponible que 15 jours en septembre et le navire-patrouilleur de 54 mètres ne le sera que 30 jours en novembre. Aucune mention n’est faite d’un bateau-remorqueur. Entre le 1er février et le 31 décembre 2015, la France n’avait prévu qu’un avion de surveillance et trois experts sur place. L’Allemagne et le Royaume-Uni sont logés à la même enseigne. Tandis que le conservateur David Cameron a annoncé en pleine campagne électorale, à son arrivée au sommet européen, la participation de son navire amiral de la Royal Navy, le HMS Bulwark, aux opérations de sauvetage, le document fait mention de manière assez vague d’un «porte-hélicoptères». Angela Merkel, qui assure n’offrir qu’une «frégate et un navire d’approvisionnement», voit son pays s’engager sur dix bateaux et un navire. Des différences qui montrent combien les contributions des États membres sont encore susceptibles de changer. D’autant que, selon ce document, seuls 15 pays européens sur les 28 États ont donné leurs contributions exactes ce jeudi avec plus ou moins de précisions.

Le début des tractations
Cette confusion sur les contributions met en doute le sauvetage «rapide» des migrants. Ainsi, un diplomate belge prévoit le déploiement d’»un bateau de commandement» et d’»équipes de protection des navires pour la «mi-mai». Plusieurs hélicoptères lettons ne seront disponibles qu’à partir de juin, voire août. Et les experts de Frontex, de la Commission et de l’Italie ou de la Grèce auront du pain sur la planche ! Mis à part la France, peu de pays précisent le but de leurs engagements.
Les navires de la marine anglo-saxonne iront-ils dans les eaux italiennes, principale route migratoire vers l’Europe où plus d’un millier de personnes sont mortes ces derniers jours, soutenir une opération Triton dont le mandat, limité à 30 milles, n’a toujours pas été révisé ? Ou plutôt dans les eaux grecques avec l’opération Poséidon pour surveiller la venue de navires marchands transportant des migrants ? À moins qu’ils ne soient déployés pour la «possible mission» militaire de lutte contre les trafiquants pour laquelle la France et le Royaume-Uni ont promis de demander une résolution devant les Nations unies. Enfin, ce renforcement concerne aussi des experts sur terre qui devraient être déployés dans ces opérations.
Les experts français pourraient ainsi aller rejoindre la petite équipe déjà sur place qui s’occupe de contrôler l’enregistrement effectif des migrants dans la base de données Eurodac de demandes d’asile, en Italie. En filigrane, les cinq États qui reçoivent le plus de demandes d’asile (Allemagne, Suède, France, Hongrie, Royaume-Uni) veulent faire pression sur l’Italie pour améliorer le système d’enregistrement des demandes d’asile dans la base de données européenne Eurodac. L’Italie est, en effet, mise en cause pour laisser passer les migrants afin de ne pas avoir à prendre en charge leurs demandes. «Ça doit changer», a martelé Angela Merkel en conférence de presse «Les règles de l’asile ne sont pas toujours suivies et l’Italie n’enregistre toujours pas les migrants», a-t-elle affirmé, tout en évitant, comme son homologue français, l’idée d’une révision du système de Dublin.
La question est en effet renvoyée à la Commission européenne, qui doit présenter, le 13 mai, les prochaines mesures législatives sur la migration pour les cinq années à venir. L’issue du scrutin britannique pourrait jouer. David Cameron a accepté le déploiement de son porte-avions de la Royal Navy dans les opérations de sauvetage en mer, à condition de ne pas recevoir plus facilement des «demandes d’asile»… Le marchandage se poursuit donc de part et d’autre de la Méditerranée.

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