L’ONU et le président irakien ont appelé hier les forces de l’ordre à la retenue après la mort la veille de deux manifestants dans des violences en Irak, que le Premier ministre et les forces de sécurité ont imputé à des «saboteurs».
Mardi, pour la première fois depuis la mise en place du gouvernement d’Adel Abdel Mahdi, il y a quasiment un an, plus d’un millier de manifestants se sont rassemblés à Bagdad et dans plusieurs villes du sud. Cette contestation sociale est inédite, car elle n’est pas née à l’appel d’un parti ou d’un leader religieux, mais a réuni des mécontents qui protestent tant contre l’indigence des services publics que contre le chômage galopant ou la récente mise à l’écart d’un général populaire. Les manifestations ont été dispersées par la force, d’abord avec des canons à eau, des grenades lacrymogènes et des balles en caoutchouc. Puis, dans la capitale, des tirs à balles réelles des forces de l’ordre ont résonné pendant des heures dans l’ensemble du centre, où se trouve la place Tahrir, départ traditionnel des cortèges. Deux manifestants ont été tués et 200 personnes blessées, en grande majorité des civils, selon des responsables de la Santé. Hier matin, les forces antiémeute sont massivement déployées aux abords de la place, dont tous les accès ont été bloqués, a constaté un photographe de l’AFP. Dans la nuit, alors que les proches du manifestant tué à Bagdad l’enterraient dans son quartier de Sadr City, remuant bastion chiite, le porte-parole du ministère de l’Intérieur Saad Maan a dénoncé «des saboteurs» cherchant à «propager la violence». Peu après, le président Barham Saleh a répliqué sur Twitter que «manifester pacifiquement» était «un droit constitutionnel». «Et les forces de l’ordre sont là pour protéger les droits des citoyens», a-t-il souligné. «Nos jeunes veulent des réformes et du travail, c’est notre devoir de satisfaire ces demandes légitimes», a encore écrit M. Saleh, alors que le pays est sorti fin 2017 de sa dernière guerre, celle contre le groupe Etat islamique (EI), avec une économie exsangue et un chômage de 25% parmi les jeunes. De son côté, la représentante de l’ONU en Irak, Jeanine Hennis-Plasschaert, s’est dite «très inquiète» et a exhorté «les autorités à la retenue». La Commission des droits de l’Homme du Parlement a elle dénoncé une «répression» qui constitue «une faute» et dont «les responsables devront rendre des comptes». Le patron du Parlement a réclamé une enquête, de même que Moqtada Sadr, très influent leader chiite devenu héraut des anticorruption. A l’inverse, M. Abdel Mahdi a salué «la grande responsabilité et la retenue des forces armées» face à «des agresseurs (…) ayant délibérément fait des victimes parmi les manifestants innocents». Ce communiqué a suscité des commentaires enflammés sur les réseaux sociaux mercredi matin, alors que des politiciens ont apporté leur soutien aux manifestants.