Après s’être félicité, lundi dernier, des nouvelles mesures de protection des femmes contre la violence, introduites dans le projet de loi modifiant et complétant le Code pénal, les membres du Conseil de la nation ont adopté, à l’unanimité jeudi, ledit projet de loi.
Une étape vient d’être, enfin, franchie, en matière du respect des droits des femmes, par cette nouvelle législation, criminalisant toutes les formes de violence faite aux femmes, qu’elle soit de nature verbale, physique ou morale.
Son adoption par les membres du Conseil national, lors d’une séance plénière présidée par Abdelakader Bensalah, président de cette institution, a coïncidé, faut-il le souligner, avec la Journée internationale des Droits de l’Homme, célébrée le 10 décembre de chaque année. Après avoir été au centre d’un débat houleux, initiée par les acteurs politiques du courant islamiste, voyant dans les textes juridiques «une dislocation de la famille», pensant qu’ils sont les dépositaires de la famille algérienne, bloquée, après près de huit mois de son adoption par le Parlement, mars dernier, les sénateurs l’ont adoptée, à leur tour, jeudi dernier. Le ministre a défendu son projet de loi, devant les députés mars dernier, et, huit mois après, devant les sénateurs, indiquant aux premiers que «la violence contre les femmes dans notre société existe et s’amplifie», et de lancer aux députés islamistes que «les versets coraniques protègent l’honneur de la femme, et ne permettent pas d’accepter ce phénomène», il s’est félicité de l’adoption du projet de loi par le Conseil de la nation, texte qu’il qualifie de «révolutionnaire». À la bataille qu’a menée le ministre, des associations de défense des droits des femmes et celles des Droits de l’homme ont, eux aussi, mené la bataille pour l’ inscription du projet de loi criminalisant toutes les formes de violence contre la femme, à la session d’automne du Conseil de la nation, tout en appelant ses membres à son adoption. Déclarant que les nouvelles dispositions, contenues dans la nouvelle loi qui vient d’être adoptée, sont de nature «à garantir la protection des droits de la femme en Algérie», le ministre de la Justice, garde des Sceaux n’a pas manqué de rappeler la mort tragique de Razika Chérif, tuée par un automobiliste à M’sila, parce qu’elle a affronté son agresseur, en refusant de se soumettre et de se plier à ses «avances». La victime serait, peut-être, encore parmi nous, aujourd’hui, si la violence verbale, physique et morale contre la femme était incriminée, bien avant cet incident, la loi, est la dissuasion et la prévention des crimes et des délits. La défunte Razika a décidé de se défendre, au péril de sa vie, et aux autres femmes violentées de se défendre, par la force de ces nouvelles lois, dès leur entrée en vigueur, qui ne devrait pas tarder, faut-il l’espérer. Les représentants de la société civile, dont les associations de défense des droits de la femme et de lutte contre la violence, en général, et, en particulier, celle à l’encontre des femmes ont salué, mars dernier, l’adoption dudit projet de loi par les députés. Considérant qu’un «pas important» venait d’être franchi, par son adoption par les parlementaires, notamment en matière du respect de la femme et de la promotion de l’égalité, entre femme et homme, «beaucoup reste à faire», selon elles. Les nouvelles dispositions juridiques stipulent que «quiconque porte volontairement des coups à son conjoint, et en fonction des blessures», risque l’emprisonnement et «la réclusion à perpétuité» en cas de décès de la victime. Des peines de prison sont prévues également pour, cite-t-on, «quiconque exerce sur son épouse des contraintes, afin de disposer de ses biens ou de ses ressources financières», pour ne citer qu’eux. Dans un autre article, la loi criminalise toute forme de violence, qu’elle soit verbale, psychologique ou de la maltraitance, notamment en cas de récidive, précisant que cette agression peut prendre plusieurs formes, dont des agressions physiques n’entraînant pas forcément des blessures «visibles». Aussi, il y a eu l’amendement de l’article 330 du Code pénal ayant trait à «l’abandon» de famille pour que l’épouse ne soit «pas privée» de ses biens et ses ressources financières. Les dispositions relatives à la protection de la femme, contre la violence sexuelle, ont trait à l’introduction d’un nouvel article «criminalisant toute agression attentant à l’intégrité sexuelle» de la victime. Et, il est aussi question de l’amendement de l’article (341 bis) en vue d’alourdir la peine prévue pour harcèlement sexuel. Le texte de loi comprend, par ailleurs, un article qui criminalise et lutte contre le harcèlement contre les femmes dans les lieux publics, dont l’alourdissement de la peine, si la victime «est mineure.» Il est à souligner qu’avec l’adoption, par les deux Chambres, du projet de loi criminalisant toutes les formes de violence contre la femme, l’Algérie est devenue le deuxième pays du Maghreb arabe, après la Tunisie, à criminaliser les violences contre les femmes. Ne perdant pas de vue la portée et le poids de la mentalité qui prévaut dans les rapports de la société et en son sein, demeure en deçà des avancées enregistrées du rôle de la femme algérienne, dans la vie politique, économique et sociale, du pays, du Mouvement national à la guerre de Libération et à nos jours. Les membres du Sénat ont appelé avec insistance au renforcement du rôle des élites, notamment éducatives et religieuses dans la prévention et la sensibilisation aux dangers de la violence en général, et celle qui se manifeste contre les femmes, en particulier. D’autant plus que les statistiques, celles du secteur de Tayeb Louh, indiquant que des 7 737 affaires enrôlées ayant trait à la violence contre la femme, en 2014, 767 parmi elles concernaient le milieu du travail. De son côté, la Police judiciaire de la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN) fait état de plus «de 7 300 cas de violence faite aux femmes, au cours des neuf premiers mois de l’année en cours, 5 350 cas ont trait à la violence physique», selon la commissaire Hayet Slatnia de la Police judiciaire (DGSN). Il est à noter que la notion de «pardon» de l’épouse-victime de violence mettra fin aux poursuites judiciaires, dans les cas les moins graves, mais elles sont maintenues, bien qu’allégées, dans les plus graves, comme ceux cités auparavant. Pour le ministre, cette introduction en question (le pardon, ndlr) met fin aux poursuites judicaires dans pareils cas «est de nature à préserver la cohésion de la famille», a-t-il fait savoir, lundi dernier, devant le Sénat.
Karima Bennour