La dernière visite du Premier ministre, Abdelmalek Sellal, à Ouargla, la région la plus perturbée par des manifestations depuis quelque temps, témoigne de l’importance qu’accorde le gouvernement à la paix sociale en Algérie. Une paix qui semble être très coûteuse pour calmer la population. Mais, certains remettent en cause les différentes solutions et mesures prises par le gouvernement dans ce sens. Ils s’inquiètent surtout du fait que les pouvoirs publics procèdent à chaque crise par l’apaisement conjoncturel, mais aussi, l’achat de la paix sociale au lieu d’apporter des solutions idoines et durables. Lors de sa dernière visite à Ouargla, on retient des déclarations du Premier ministre, concernant la problématique du chômage, qu’elle n’est pas de grande ampleur, et que le taux de chômage dans cette wilaya « est l’un des moins élevés du pays ». «Le président va bien. Il vous demande de travailler et de protéger la République», a lancé Abdelmalek Sellal. Même si la grogne des chômeurs de la ville de Ouargla persiste en 2015, les rassemblements se sont déroulés par intermittence durant l’année 2014 sans trouver réellement écho auprès des autorités qui peinent à répondre aux demandes pressantes d’emploi dans cette région où les entreprises pétrolières ont pignon sur rue. Au mois de janvier 2014, une semaine d’émeutes organisées par de jeunes chômeurs a mal tourné lors de violents affrontements avec la police antiémeute. Des dizaines de manifestants ont été interpellés par les forces de l’ordre alors qu’ils répondaient massivement à l’appel du comité local de la Coordination nationale pour la défense des droits des chômeurs, qui voulait attirer l’attention des plus hautes autorités du pays sur la situation des diplômés sans emploi qui demandaient du travail dans le secteur pétrolier de Ouargla. Un secteur qui, dénoncent-ils, «ne profite qu’aux gens venus du nord du pays ou de l’étranger» malgré l’engagement du gouvernement à prendre en charge leurs revendications et à favoriser l’embauche. Il faut reconnaître que l’année 2014 aura été marquée par des émeutes et des manifestations sociales à travers plusieurs régions du pays. Toutes les franges de la population et des catégories socioprofessionnelles ont fait entendre leur voix et réclamé le respect de leurs droits et l’amélioration de leurs conditions de vie. La mobilisation inédite des policiers qui ont organisé une manifestation à Alger et à Ghardaïa au mois d’octobre est un indice qui ne trompe pas sur le malaise social dans notre pays face aux solutions de replâtrage et les tentatives des pouvoirs publics d’acheter la paix sociale par le biais du versement de subventions et d’augmentations de salaires. Les policiers frondeurs, qui ont manifesté à Alger au mois d’octobre 2014, ont marché jusqu’au Palais du gouvernement pour exiger de meilleures conditions salariales, la réintégration de milliers de policiers «abusivement licenciés» et la création d’un syndicat. Des revendications qui ont dû être satisfaites pour la plupart par le ministère de l’Intérieur qui a préféré céder à la grogne des policiers pour éviter la propagation de cette protesta inédite. En ce début 2015, même si on enregistre moins de mouvements de protestations, il reste que le secteur le plus touché est celui de l’éducation. Ce dernier a connu des perturbations face aux grèves répétées des enseignants. Chose qui a poussé les responsables à prendre des mesures d’urgence pour calmer les esprits et mettre or danger l’année scolaire. Le malaise social s’exprime souvent par des mouvements de protestation et de grèves qui touchent toutes les catégories : chômeurs, travailleurs précaires, médecins, infirmiers et corps communs de la santé publique, enseignants de l’éducation nationale, fonctionnaires du Sud et des Hauts-Plateaux, ingénieurs du nucléaire, avocats… Les fermetures de routes et les sit-in devant les sièges des Assemblées populaires communales (APC) et autres institutions de l’État se poursuivent aux quatre coins du pays pour tenter d’arracher du travail, un logement, des augmentations de salaires, une amélioration du statut…
L’année 2011 aura battu tous les records en nombre de mouvements de protestation.
Rien qu’à Alger, les services de sécurité ont comptabilisé pas moins de 600 actions de rue, entre marches et rassemblements en 2011. Etudiants, médecins, travailleurs communaux, ceux du port d’Alger, de Sonatrach, du complexe El-Hadjar…la colère n’a épargné aucun secteur. Tout le monde se jette dans l’arène de la contestation. Les sit-in et autres mouvements de contestation étaient devenus quasi quotidiens. Le dialogue social avait été rompu à tel point que la rue reste l’unique et seul moyen de faire entendre sa voix. A Alger, les forces de l’ordre sont en alerte maximale depuis les émeutes de janvier 2011. Les fourgons de police constituaient le décor général de la capitale. Plusieurs points chauds ou «quartiers généraux» de la contestation ont été recensés. Les émeutes se sont multipliées également dans certaines régions du pays. À Béjaïa, la route qui relie la capitale des Hamadites à Sétif était souvent fermée par des citoyens en colère. À Boumerdès, les émeutes du chômage ont fait tache d’huile. À Annaba, de violents affrontements ont opposé, ces derniers jours, des centaines de femmes et hommes aux forces de l’ordre. A Blida, un affichage de listes des bénéficiaires de logements sociaux avait tourné aux émeutes. C’est dire que les mouvements de débrayage dans le secteur de la Fonction publique et dans le secteur économique se multipliaient d’une façon incroyable. Situation paradoxale. Au moment même où les pouvoirs publics multiplient des mesures d’apaisement sociales de tous genres, voilà que des initiatives et des appels à la contestation viennent de remettre en cause tout ce qui a été fait. Le secteur de la santé vit au rythme des contestations grandissantes. Les praticiens généralistes et spécialistes de la santé publique avaient, eux aussi, rejoint le mouvement de grève initié le 28 février de la même année par les médecins résidents.Le secteur des communes n’est pas resté à l’écart de cette vague de protestation. Une grève avait secoué également les communes depuis maintenant plus de deux semaines. Les dockers du port d’Alger avaient également entamé une grève illimitée pour faire entendre leurs voix et dénoncer leurs conditions sociales déplorables. Familles victimes du terrorisme, patriotes et groupes de légitime de défense (GLD), les malheureux de la décennie noire, ne cessent de manifester à Alger pour réclamer un statut particulier. Les pompiers se sont mis également de la partie. Même la Sonatrach n’était pas épargné par la contestation.
I. B.
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