Le secteur de la Justice a été ébranlé hier par une grève illimitée des magistrats à laquelle a appelé le syndicat de cette corporation, pour montrer son «mécontentement» du dernier mouvement dans le corps de magistrature, opéré par le ministre Belkacem Zeghmati. Selon le Syndicat national des magistrats (SNM), le taux de suivi de la première journée de grève était de 96%, et ce, malgré que le ministère ait signalé la veille que «la loi organique portant statut des magistrats interdit au juge de participer à une grève ou d’y inciter, et que cela est considéré comme un abandon de poste».
Bien que le nombre des adhérents à ce syndicat est de 1 660 juges, sur un total de 6 376 magistrats (chiffre du ministère arrêté au 19 février 2018), les différentes juridictions du pays ont été paralysées, notamment à Alger, où les affaires ont été reportées à des dates ultérieures. Seule exception à Tindouf, ou les magistrats se sont démarqués de ce débrayage. Dans un communiqué rendu public, hier, et signé par Abdelouahab Berrouk, les magistrats de cette wilaya ont déclaré que, le communiqué du SNM « ne les représente pas ». Ils ont souligné qu’il n’y a pas eu de session extraordinaire du Conseil national du SNM et qu’aucune décision n’a été prise. « Nous avons contacté plusieurs membres du Conseil national du syndicat, et il s’est avéré qu’il n’étaient pas au courant de cette réunion, de laquelle, nous sommes plusieurs à nous démarquer. Nous nous démarquons aussi du contenu du communiqué, car, nous n’avons pris aucune décision», peut-on lire dans le document. Toutefois, cette grève reste un fait inédit dans l’histoire de la justice algérienne, les magistrats ont, ainsi, boycotté les audiences, et se sont abstenus de les couvrir. Sur ce, toutes les affaires ont été reportées au niveau des tribunaux, des cours et de la Cour suprême, hormis les affaires en référé d’heure à heure. Les magistrats se sont, en outre, abstenu de signer les certificats de nationalité, les extraits de casiers judiciaires et tout autre document hormis les permis d’inhumer. Seule dérogation de ce débrayage, les magistrats vont examiner les prolongations de placement en détention et demandes de libération, tout au long des jours que durera celui-ci. Le SNM a, par ailleurs, notifié les magistrats de la nécessité d’être présents sur leur lieu de travail tout au long de la période de la grève.
Rappelons que, le Conseil national du SNM s’est réuni samedi, en session extraordinaire après le vaste mouvement opéré dans le corps des magistrats et qui a touché 2 998 juges. Le Syndicat des magistrats a demandé au ministère de la Justice de geler ce mouvement, en menaçant d’une grève illimitée. En réponse à cette montée au créneau du SNM, le ministère de la Justice avait réagi dans la soirée de samedi, laissant entendre que la grève à laquelle a appelé le syndicat était illégale. Le ministère a rappelé qu’il est « interdit au magistrat de mener toute action individuelle ou collective susceptible d’arrêter ou d’entraver le travail judiciaire », et qu’il est également « interdit à tout magistrat de participer ou d’inciter à la grève, qui est considéré comme une négligence de son poste de travail ». S’agissant du mouvement annuel des magistrats approuvé par le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) », le département de Belkacem Zeghmati a insisté sur le fait qu’il a été précédé par des réunions des membres du bureau permanent du CSM, qu’ils ont été informés du contenu du mouvement et que les membres du CSM l’ont « approuvé à l’unanimité ».
Le communiqué assure le Conseil est composé d’une majorité de magistrats élus et que le « Syndicat national des magistrats a approuvé le critère fondamental retenu pour ce mouvement, à savoir l’ancienneté de cinq ans dans la même juridiction ». Cette approbation du SNM a eu lieu le 18 septembre dernier en présence du ministre bien que, souligne le communiqué, « la loi n’oblige pas d’associer le syndicat aux travaux de préparation du mouvement». En outre, souligne le communiqué, la loi a fixé les règles du droit de recours légal devant le CSM au sujet du mouvement et les «magistrats qui s’estiment lésés peuvent faire valoir ce droit en application des dispositions de l’article 26».
Lamia Boufassa