La capitale allemande accueille depuis jeudi une série d’événements culturels et politiques consacrés à la lutte du peuple sahraoui contre l’occupation marocaine. Point d’orgue de cette mobilisation, l’exposition photographique « 50 ans d’occupation – 50 ans de résistance » s’est ouverte à Berlin, mettant en lumière la culture sahraouie et retraçant un demi-siècle de lutte pour l’autodétermination et la liberté.
Selon l’Agence de presse sahraouie (SPS), cette exposition vise à marquer le cinquantième anniversaire de l’occupation du Sahara occidental tout en invitant la société civile allemande à s’interroger sur une réalité coloniale longtemps ignorée des sphères médiatiques, politiques et culturelles. L’exposition s’articule autour de trois volets principaux. Le premier célèbre le rôle central des femmes sahraouies dans le combat pour la liberté, qu’elles mènent dans les camps de réfugiés, les territoires occupés ou la diaspora. Cette section présente notamment la série d’illustrations « Femmes sahraouies remarquables » de l’artiste Gaëtan Pellatier, qui rend hommage à leur courage et à leur ténacité face à l’occupation. Le second volet expose des extraits du roman graphique « Assez d’attente » de l’artiste Fain, racontant l’histoire de l’occupation marocaine du Sahara occidental et ses origines historiques. Enfin, le troisième espace rend hommage aux héros du camp de protestation d’« Gdeim Izik », démantelé violemment par l’armée marocaine en 2010, à travers des documents, des photos et des panneaux retraçant le sort des prisonniers politiques sahraouis détenus dans les geôles marocaines. L’exposition restera ouverte à Berlin jusqu’à la fin du mois de novembre, en parallèle des Semaines de solidarité avec la résistance sahraouie, transformant la capitale allemande en un véritable forum sur la justice, la mémoire et la liberté.
Les juristes rappellent la responsabilité historique de l’Espagne
Dans le prolongement de cette mobilisation, la juriste espagnole Inés Miranda, présidente de l’Association internationale des avocats pour le Sahara occidental, a publié un texte dans la revue La Marea rappelant que le Sahara occidental demeure un territoire non autonome selon les Nations unies, et que le référendum d’autodétermination constitue un droit légal du peuple sahraoui. Elle souligne qu’avant son retrait en 1975, l’Espagne aurait dû organiser ce référendum, conformément aux résolutions onusiennes, et reste donc juridiquement responsable de la situation actuelle. En vertu des articles 74 et 75 de la Charte des Nations unies, Madrid demeure la puissance administrante du territoire, faute d’avoir transféré cette responsabilité avec l’aval de l’Assemblée générale. Inés Miranda rappelle également que la Cour internationale de Justice a confirmé en 1975 que le Sahara occidental n’était pas une « terre sans peuple » et qu’aucun lien de souveraineté ne reliait le Maroc au territoire. « La souveraineté des peuples n’est pas négociable », insiste-t-elle, ajoutant que le Maroc viole le droit international en menant une guerre d’occupation et en exploitant les ressources naturelles d’un territoire qui ne lui appartient pas. Elle dénonce en outre les accords commerciaux conclus entre l’Union européenne et le Maroc, incluant illégalement les ressources sahraouies, alors que la Cour de justice de l’Union européenne a jugé à plusieurs reprises que ces accords ne pouvaient s’appliquer au Sahara occidental sans le consentement de son peuple, représenté par le Front Polisario. La juriste pointe aussi la violation du droit international humanitaire à travers les procès de militants sahraouis par des tribunaux marocains, sans compétence légale sur un territoire occupé.
L’ONU réaffirme le droit à l’autodétermination
De son côté, le professeur de droit international Ander Gutiérrez-Solana, de l’Université du Pays basque, a rappelé dans un article publié sur le même site que les Nations unies ne reconnaissent pas la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. Il précise que le renouvellement annuel du mandat de la MINURSO (Mission des Nations unies pour le référendum au Sahara occidental) confirme le caractère central du référendum dans la mission de l’ONU. Selon lui, la résolution 2797 du Conseil de sécurité, adoptée le 31 octobre dernier, « ne nie en rien le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination », mais réaffirme au contraire les principes de la Charte des Nations unies, dont le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
L’Allemagne au rythme de la solidarité sahraouie
Outre l’exposition principale, plusieurs villes allemandes accueillent depuis le début du mois des activités culturelles et militantes pour faire connaître la cause sahraouie. À Berlin, le festival culturel Infream a projeté trois documentaires consacrés à la lutte du peuple sahraoui : Guerrières du désert, Femmes des tentes et Une vie dans l’attente. Une conférence sur la présence coloniale au Sahara occidental a également été organisée. Deux soirées culturelles ont suivi : la première sur le journalisme d’investigation clandestin dans les territoires occupés, mettant en avant le courage des reporters sahraouis face à la censure marocaine ; la seconde, intitulée « Sahara occidental – la guerre oubliée », a dénoncé la marginalisation de la question sahraouie dans les médias internationaux et les violations persistantes des droits humains. À Hambourg, une soirée a exploré l’histoire du colonialisme espagnol et de l’occupation marocaine, accompagnée d’une présentation photographique du projet « Assez d’attente » illustrant la dimension humaine et politique du conflit. À Leipzig, le centre Zwei E.K. a projeté le film documentaire « Haïou – la chanteuse rebelle Mariem Hassan et la lutte du Sahara occidental », retraçant la vie de l’artiste emblématique qui transforma sa musique en hymne à la résistance et à l’identité sahraouie. Enfin, à Kassel, Göttingen et Münster, des conférences ont exploré les symboles de la résistance, la mémoire collective et la persistance d’un colonialisme que les Sahraouis combattent depuis un demi-siècle avec dignité et persévérance. À travers ces multiples événements, l’Allemagne se fait l’écho d’une lutte souvent étouffée, rappelant qu’au cœur du désert vit un peuple qui réclame encore le droit de choisir librement son avenir. L’art, le droit et la mémoire y deviennent les armes d’une résistance qui, malgré un demi-siècle d’occupation, ne s’éteint pas.
M. Seghilani












































