L’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et le Koweït ont accordé une aide de 2,5 milliards de dollars à la Jordanie, en proie à une grave crise économique qui a provoqué une vague de manifestations.
«Sur la base des liens fraternels étroits (…) et aussi des valeurs et principes arabes et islamiques, il a été acté que les trois pays fourniront une aide économique à la Jordanie d’un montant total de 2,5 milliards de dollars», a indiqué hier matin l’agence officielle saoudienne SPA. L’enveloppe, annoncée à l’occasion d’un sommet des quatre pays dans la ville sainte de La Mecque, comprend un acompte versé à la Banque centrale de Jordanie, des garanties pour la Banque mondiale «dans l’intérêt de la Jordanie», un soutien budgétaire étalé sur cinq ans et le financement de projets de développement, selon l’agence. La rencontre s’est déroulée à l’invitation du roi Salmane d’Arabie saoudite et en présence du roi Abdallah II de Jordanie et de dirigeants des Emirats et du Koweït. Abdallah II a «remercié» le roi Salmane pour avoir organisé ce sommet et les trois pays pour «l’ensemble de l’aide visant à surmonter cette crise». Pour Lori Boghardt du Washington Institute for Near East Policy, «la rapidité et la vigueur avec laquelle les Etats du Golfe ont répondu est un témoignage très clair de leur inquiétude et de leur détermination à étouffer dans l’oeuf l’agitation en Jordanie», a-t-elle commenté pour l’AFP. «Ils vont faire tout ce qu’ils peuvent pour empêcher un nouveau Printemps arabe à leur porte», a-t-elle estimé. La Jordanie, alliée de Washington et engagée auprès du Fonds monétaire international (FMI) à mener des réformes structurelles en échange d’un prêt de 723 millions de dollars, vient d’être secouée par d’importantes manifestations contre des hausses de prix à répétition et un projet de loi fiscale. Ce mouvement de protestation populaire contre l’austérité a conduit à la démission du Premier ministre jordanien Hani Mulqi. Pour calmer la rue et la classe moyenne, son successeur Omar al-Razzaz, qui doit encore former un gouvernement, a décidé de retirer le projet de loi controversé. L’économie jordanienne traverse une période difficile –la Banque mondiale évoque une «faible perspective de croissance en 2018»–, 18,5% de la population est au chômage et 20% vit à la limite du seuil de pauvreté.
Le poids des réfugiés
L’accueil de centaines de milliers de Syriens ayant fui la guerre pèse aussi lourdement sur les finances publiques et Amman appelle régulièrement la communauté internationale à une aide plus importante sur ce dossier.
La cheffe de la diplomatie européenne Federica Mogherini a annoncé dimanche une nouvelle aide de 20 millions d’euros à la Jordanie, «destinée à soutenir des projets en faveur des tranches les plus vulnérables de la société». Présente dimanche à Amman, Mme Mogherini a assuré que l’Union européenne (UE) «veut soutenir la Jordanie par tous les moyens possibles, notamment économiques et financiers». L’UE soutient la Jordanie dans différents secteurs d’activité –notamment hydraulique, énergétique et humanitaire– pour un montant total d’un milliard d’euros depuis 2016, a précisé Mme Mogherini, insistant sur le rôle «vital» de la Jordanie dans la région.
Liée à l’UE par un accord d’association depuis 2002, la Jordanie — pays frontalier de la Syrie, d’Israël, des Territoires palestiniens, d’Irak et d’Arabie saoudite–, bénéficie depuis fin 2010 d’un «statut avancé», ce qui ouvre la voie en particulier à des avantages commerciaux supplémentaires.
Classe moyenne excédée
Après une semaine de manifestations, les autorités jordaniennes ont dû reculer sur un projet de loi fiscale décrié. Selon des analystes, les Jordaniens, toutes classes sociales confondues, sont épuisés par des hausses de prix à répétition.
Depuis janvier, le prix du pain a augmenté de 100%, le carburant a été majoré à cinq reprises et les factures d’électricité ont augmenté de 55% depuis février. Médecins, avocats ou entrepreneurs, c’est aussi une classe moyenne excédée qui a été au coeur des récentes manifestations contre la vie chère. Durant une semaine, ils ont été plusieurs milliers à battre le pavé une fois la nuit tombée, réclamant en priorité le retrait du projet de loi sur l’impôt sur le revenu.
«Dans d’autres pays, des mouvements de contestation comme celui-ci peuvent sembler ordinaires mais, en Jordanie, s’opposer publiquement au pouvoir relève de l’acte de bravoure», affirme Rahmé Jaafar qui n’a pas raté une seule manifestation.