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GHAZA : Quand l’aide devient un champ de tir

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Tant que la communauté internationale ne traduira pas ses mots en actes, la faim, les bombes et le silence continueront de tuer, lentement et implacablement, un peuple qui, depuis des générations, se bat pour sa simple survie. Dans un silence international assourdissant, Ghaza sombre chaque jour un peu plus dans l’indicible. Alors que les bombardements israéliens continuent de ravager la bande de Ghaza, l’Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) alerte désormais sur un drame parallèle : la famine qui s’installe comme une arme de plus, invisible mais tout aussi meurtrière. Dans une déclaration publiée vendredi sur ses réseaux officiels, l’UNRWA a qualifié la situation alimentaire à Ghaza de « catastrophique », révélant que des civils tombent inconscients dans les rues, affaiblis par la faim et l’épuisement. « Les habitants de Ghaza font face à une disparition totale de tout : nourriture, médicaments, tout manque », avertit l’agence. La dignité humaine elle-même est « arrachée » à ceux qui survivent encore, humiliés lors des distributions d’aide, lorsqu’ils ne sont pas pris pour cibles en tentant de s’approcher d’un camion transportant quelques sacs de farine. Selon des témoignages recueillis par Médecins Sans Frontières (MSF) et d’autres ONG présentes dans l’enclave, des files interminables se forment autour des points de distribution de l’aide autorisée au compte-gouttes par Israël. Pour beaucoup, ce sont les dernières chances de trouver un morceau de pain ou un peu de riz. Mais s’approcher de ces points de distribution est devenu un acte à haut risque. Vendredi, Abdallah Hamad, agent d’entretien pour MSF, a été abattu alors qu’il attendait de recevoir une aide alimentaire à Khan Younès, dans le sud de Ghaza. Avec lui, au moins quinze autres Palestiniens ont perdu la vie, et plusieurs dizaines ont été blessés. Les équipes médicales de l’hôpital Nasser décrivent une scène d’horreur : « Des corps jonchaient le sol, des sacs de farine déchirés, tachés de sang, dispersés parmi les restes humains». Un coordinateur d’urgence de MSF à Ghaza, Aitor Zabalgo, résume la scène : « Des familles entières désespérées pour un sac de farine ont été prises pour cible. Ceux qui portaient un sac sur la tête ou sur l’épaule étaient visés délibérément. C’est une politique de famine organisée, méthodique».

Insoutenable bilan macabre
Alors que la guerre d’extermination se poursuit, le ministère de la Santé de Ghaza a publié samedi son bilan actualisé : 57 338 morts et 135 957 blessés depuis le 7 octobre 2023. Rien que ces dernières 24 heures, 70 personnes ont été tuées et 332 blessées dans les frappes israéliennes qui s’abattent sans relâche sur tout le territoire. Derrière ces chiffres, des vies, des familles brisées, des mères qui enterrent leurs enfants à même le sable faute de ciment pour construire des tombes dignes. Plus de 743 Palestiniens ont été tués en attendant de l’aide humanitaire, alors qu’ils n’espéraient qu’un sac de farine ou une boîte de conserve pour survivre quelques jours de plus.

Des frappes qui ne cessent jamais
Dans la nuit de vendredi à samedi, les bombardements israéliens ont ciblé plusieurs quartiers densément peuplés. À l’est du quartier Tuffah, des raids aériens ont réduit en poussière des maisons déjà fragilisées par des mois de guerre. À Khan Younès, des tentes de déplacés ont été frappées en plein milieu de la nuit, tuant au moins neuf personnes qui croyaient avoir trouvé un refuge précaire. Au nord, à Rafah, près d’un centre de distribution affilié à une société américaine, huit Palestiniens ont été tués et plus de 40 blessés. À Zaytoun, une école qui accueillait des dizaines de familles a été touchée : cinq morts supplémentaires, principalement des femmes et des enfants.

Quand la famine devient une stratégie
La faim n’est plus un effet collatéral de la guerre, mais bel et bien une arme utilisée pour briser la population. Plusieurs organisations internationales accusent Israël de pratiquer un blocus si strict qu’il prive Ghaza de toute capacité à importer de quoi nourrir ses deux millions d’habitants. Quelques convois humanitaires parviennent encore à passer, mais sont souvent détournés, retardés ou visés. L’UNRWA, MSF, la Croix Rouge et d’autres ONG rappellent que le droit international humanitaire interdit de recourir à la famine comme méthode de guerre. « Nous voyons des enfants qui meurent de faim dans les bras de leurs mères, dans des rues où plus personne ne circule par peur des bombardements. Les hôpitaux manquent de tout, même d’eau potable », témoigne un médecin du Croissant Rouge.

Des pertes du côté israélien… minimisées
Pendant ce temps, l’armée israélienne se félicite de contrôler « 65 % de la bande de Ghaza », selon ses propres termes. Mais sur le terrain, les combats sont loin d’être terminés. Depuis la reprise de l’offensive en mars dernier, 33 soldats israéliens ont été tués dans des accrochages avec la résistance palestinienne. Vendredi, l’armée israélienne a reconnu la mort de deux de ses soldats et la blessure grave de deux autres, à la suite de combats violents dans le sud et le nord de Ghaza. Le ministre de la Défense, Yisrael Katz, a concédé un « jour difficile » pour l’armée. La résistance palestinienne, notamment la branche armée du Hamas et les Saraya al-Qods du Jihad islamique, revendiquent régulièrement des embuscades, des frappes de mortier et des destructions de blindés. À l’est de Ghaza, une opération a visé un char Merkava avec un missile Yassin 105 et un poste de commandement israélien avec des obus de mortier. Des images diffusées sur les réseaux sociaux montrent des soldats israéliens en fuite, abandonnant armes et matériel.

Famine, épidémies et cadavres sous les décombres
Dans les rues de Ghaza, la survie est devenue un combat de chaque instant. Des centaines de milliers de personnes vivent sous des tentes de fortune, sans eau potable, sans sanitaires, exposées aux intempéries, aux épidémies et aux frappes. La municipalité de Ghaza a annoncé réduire ses services essentiels, faute de carburant et de personnel. Les ordures s’amoncellent, l’eau potable se fait rare, les maladies se propagent. Les nappes phréatiques sont polluées, les stations de dessalement à l’arrêt. Les pompiers et la Protection civile peinent à atteindre les zones bombardées : « Des corps restent coincés sous les gravats pendant des jours, parfois des semaines», confie Mahmoud Basal, porte-parole de la défense civile. Face à ce tableau, Basal appelle la communauté internationale à imposer une « trêve humanitaire immédiate et totale » pour permettre l’acheminement de l’aide, le rétablissement des infrastructures vitales et la recherche des corps encore sous les décombres.

À travers le monde, les voix s’élèvent
Des manifestations s’organisent dans plusieurs capitales pour réclamer un cessez-le-feu immédiat, la fin du blocus et la levée des entraves à l’aide humanitaire. Pourtant, sur le terrain, les convois sont rares, les permis sont limités, et les ONG continuent de perdre des membres tués alors qu’ils essaient simplement de sauver des vies. Dans un communiqué poignant, MSF a déclaré : « Nous refusons de détourner le regard. Nos équipes continueront de soigner, de témoigner, même si elles doivent payer le prix fort». Pendant ce temps, à Ghaza, la population résiste, jour après jour, entre bombes et famine. Les regards sont vides, mais la dignité, malgré tout, reste debout.
M. Seghilani

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