Le patriarche frontiste refuse de baisser les armes. À trois mois des régionales, le psychodrame politico-familial qui mine le FN est loin d’être terminé. Marine Le Pen le chasse par la porte, il revient par la fenêtre : Jean-Marie Le Pen, exclu jeudi du Front national, continue à se démener comme un beau diable, décidé à se battre jusqu’au bout en justice et à peser sur l’avenir du parti qu’il a fondé. À trois mois des régionales où elle se présente dans la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, la présidente du FN espérait pourtant avoir tourné la page de ce psychodrame politico-familial qui agite son parti depuis cinq mois. Mais le patriarche frontiste ne l’entend pas de cette oreille : «C’est moi qui suis le Front national, je suis chez moi au Front national», a-t-il clamé vendredi. Après avoir dénoncé jeudi, un «guet-apens» et un «assassinat politique», il a continué vendredi, d’exercer sa verve sur les plateaux de radio et de télévision. Il a aussi fait part de son intention de participer aux universités de rentrée du parti début septembre. «Il n’a pas à venir aux universités de Marseille», a rétorqué le numéro deux du FN, Florian Philippot. «Ça va être rock’n’roll, il va y avoir du sport», prédit Stéphane Ravier, sénateur FN des Bouches-du-Rhône.
Le pari de Marine Le Pen et Florian Philippot
Entré en politique en 1956, Jean-Marie Le Pen va occuper, comme il le fait depuis le début de la crise début avril, les terrains judiciaire et médiatique. Il a déjà fait annuler sa suspension comme adhérent, fait rejeter le congrès postal et annoncé un recours en justice contre la décision d’exclusion. Accompagné de son nouvel avocat, Frédéric Joachim, il se bat pied à pied. Ce pourfendeur de l’Europe a même été jusqu’à invoquer l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme pour réclamer la publicité des débats du bureau exécutif…
Pour le chercheur Sylvain Crépon (université de Tours), Marine Le Pen va continuer à traîner ce «boulet». «Il a besoin d’exister dans les médias à tout prix, quitte à ce que cela nuise au parti», explique Sylvain Crépon. Le «pari» fait par Marine Le Pen et Florian Philippot est que cette exclusion va être «profitable» à l’avenir du FN. Quel va être l’impact sur les militants et élus du FN ? Il est «très difficile de quantifier» des départs et ensuite d’en «cerner» les raisons, qui peuvent être «assez plurielles», selon Sylvain Crépon.
À l’épreuve des régionales
Un constat partagé par Jean-Yves Camus, autre spécialiste du FN. « Il faudra voir aux régionales combien d’électeurs frontistes se détournent de leur formation », a-t-il dit vendredi, sur France Inter. En excluant Jean-Marie Le Pen, ajoute-t-il, l’idée est « d’attirer des déçus de la droite conservatrice qui jusqu’ici, tout en partageant certaines des options frontistes (…), se disaient que tout de même les déclarations de Jean-Marie Le Pen, sur le point de détail de l’histoire, notamment, faisaient un peu désordre». «Est-ce qu’il dispose du pouvoir politique de constituer une alternative à la direction en place du FN (…) avec une nouvelle génération susceptible de prendre la relève. Peut-être qu’elle existe, mais pour le moment elle n’est pas structurée et n’a pas de champion », selon Jean-Yves Camus. En mai, Jean-Marie Le Pen avait annoncé la création d’une formation politique, non concurrente du FN. Rien n’est venu. À plus long terme, souligne l’historien Nicolas Lebourg dans une tribune sur slate.fr, « il peut y avoir un trouble de l’électorat conservateur. Marine Le Pen a besoin d’en arracher une partie pour réussir le premier tour de l’élection présidentielle de 2017». « La principale ressource du FN, c’est la radicalité, et dans l’entourage très proche de Marine Le Pen, il y a des gens qui n’ont rien à envier à son père », rappelle aussi Sylvain Crépon. Rival à droite de Marine Le Pen pour les régionales, l’ex-ministre Xavier Bertrand (Les Républicains) souligne que les propos de Jean-Marie Le Pen sont les mêmes depuis 30 ans : « Cela ne gênait personne au FN, et surtout pas sa fille, qui a attendu qu’il lui donne son héritage, mais maintenant qu’elle a le pouvoir à l’intérieur, ça ne va plus et ça la gêne. » Jean-Marie Le Pen pourrait-il se relancer en Paca, où sa petite-fille Marion Maréchal-Le Pen a été investie ? «Non, je n’ai pas cette intention» , a-t-il assuré jeudi soir.