L’heure des comptes a-t-elle sonné en Algérie pour tous ceux qui ont touché à l’argent public, autrement dit à l’argent du peuple ? Le mouvement populaire a-t-il sonné le glas à l’encontre des responsables, des oligarques et les hommes d’affaires véreux qui ont profité de leur proximité avec le pouvoir pour s’enrichir sur le dos du peuple ?
En tous les cas, les évènements s’accélèrent et la justice a pris les devants de la scène en entamant l’ouverture des dossiers liés dans des affaires de corruption, de malversations, trafic d’influence, détournement des deniers publics, et enfin le transfert de fonds vers les banques étrangères. En un mot : c’est la guerre déclarée contre une corruption à grande échelle. À l’heure actuelle, des poids lourds du monde des affaires et de la politique ont été mis en prison, d’autres ont été entendus par les juges d’instruction et ont été relâchés : certains sont sous contrôle judicaire en attendant les conclusions des enquêtes enclenchées par les services compétents et donc leur jugement. C’est ainsi que dans le sillage du « Hirak », la justice a ciblé des personnages politiques ou hommes d’affaires qui ont été, à un moment donné, les piliers du régime en place. Ils se pavanaient en seigneurs comme étant des intouchables et profitaient des protections des tenants du pouvoir. Il faut aussi admettre que tout cela n’a été possible que grâce à la formidable révolution pacifique du peuple algérien qui a ébranlé le pouvoir en place et toutes ses certitudes d’impunité. Des sommes en milliards dilapides, transfert illicite de devises vers l’étranger, des chiffres portés à la connaissance de l’opinion publique qui dépassent tout entendement pour le citoyen «lambda».
Récemment, l’expert algérien en économie, Mohamed-Cherif Benmihoub révèle qu’au cours des 20 ans de règne de l’ex-président Bouteflika, «30% des dépenses publiques ont été détournés». Face à ce pillage systématique de l’argent du peuple, les Algériens, médusés par tant de scandales, se demandent comment cela a pu avoir lieu ? Vingt ans de dilapidation ont failli mettre le pays en ruine si ce n’est la révolution pacifique du peuple sorti un 22 février 2019 pour dire non à ce pouvoir et à sa continuité.
Dans ce formidable élan libérateur du « Hirak », il s’en trouve que la justice a brisé les chaînes, où elle fut longtemps prise en tenaille par ce système prédateur, corrupteur et corrompu. La traque des grosses fortunes suspectées de fraude et d’illégalité n’est plus une vue de l’esprit, c’est une réalité qui se déroule devant de millions d’Algériens qui demandent justice. Une justice qui, sous la pression du «HIRAK », déclenche une vaste opération «main propre» contre l’argent sale des hommes d’affaires et autres oligarques qui ont construit des empires financiers sur le dos des Algériens avec la complicité des hommes du pouvoir. Autrement dit des décideurs, ceux qui avaient le pouvoir de faire et de défaire comme bon leur semble, croyant que le pays était une propriété privée qui leur appartient sans partage.
Aujourd’hui, force est de dire qu’ après avoir mesuré l’ampleur des irrégularités et des abus, la justice resserre le cordon sur ces milliardaires qui ne sont plus au-dessus de tout soupçon, mais bien impliqués dans des grosses malversations qui ont fait des dégâts abyssaux au Trésor public. Ce à quoi nous assistons aujourd’hui, c’est l’histoire d’une relation compliquée avec l’argent. Celui, volatilisé de l’État algérien, vingt ans durant, fonctionnaires et responsables gouvernementaux ont dépensé sans compter. Vingt années de faste pour les prédateurs des fonds publics, passés sous des financements occultes, qui ont terni le développement du pays et le bien-être des populations. Le tout, favorisé par une manne pétrolière qui leur paraissait éternelle.
Seulement voilà, ces années d’insolentes prospérités et d’insouciance sont devenues un véritable cauchemar pour tous ceux qui ont touché à l’argent du peuple, dont ses richesses ont été dilapidées par des responsables publics qui n’avaient aucune obligation de rendre des comptes, et le cercle de la rapine s’est agrandi pour les copains et les coquins, d’autant qu’aucun objectif précis de développement n’était adossé aux crédit alloués à ces hommes d’affaires, l’argent coulait à flot pour ces nouveaux seigneurs.
Ce sont en fait des crimes économiques qui se sont déroulés sous le fondement de « l’omerta ». Le summum de la gabegie, c’est que ces hommes d’affaires, qui n’ont que le nom, professent leurs fortunes attentatoires au su et au vu de tout le monde. C’est ce qui a provoqué le courroux et l’irascibilité du peuple qui exige désormais des comptes à l’encontre de tous les prédateurs, y compris les responsables politiques, coupables de mauvaise gestion, doivent être jugés.
En tout état de cause, la justice a du pain sur la planche, le coût de la fraude généralisée n’a pas encore été cerné, et qui se rapporte aux surfacturations, aux marchés fictifs, aux pratiques abusives dans la passation des marchés publics , créances douteuses détenues par des entreprises sur l’État, abus de pouvoir et d’influence … Reste la question que tout un chacun se pose : quel sort pour ces milliards disparus dans la nature ? Retrouveront t-ils un jour le chemin des caisses de l’État ? L’avenir nous le dira, et à la justice donc de mener sa mission jusqu’au bout.
Par Mâalem Abdelyakine