La plus haute autorité chiite d’Irak a plaidé vendredi pour le renouvellement de la classe politique en demandant de ne pas reconduire «corrompus» et «incapables» aux élections législatives du 12 mai. Ces élections seront les premières tenues depuis la «victoire» annoncée sur les jihadistes du groupe Etat islamique (EI) en Irak, classé comme le 12e pays le plus corrompu au monde et où la population accuse la quasi-totalité des dirigeants d’impéritie et de corruption. Un haut responsable de la commission électorale, qui organise et supervise le scrutin, a affirmé à l’AFP qu’il y avait «beaucoup de nouveaux candidats mais ce n’est pas la majorité». Il s’est dit incapable de donner un pourcentage. Dans son prêche prononcé dans la ville sainte chiite de Kerbala, au sud de Bagdad, lors de la grande prière hebdomadaire du vendredi, Abdel Mehdi al-Kerbalaï, le représentant du grand ayatollah Ali Sistani, a appelé les Irakiens à «éviter de tomber dans les filets de ceux qui veulent vous duper, parmi ceux que vous avez déjà connus (au pouvoir) et les autres». Il ne faut pas, a-t-il exhorté, reconduire des «candidats et des têtes de listes qui ont occupé des postes de responsabilité dans les législatures précédentes» et se sont révélés «des incapables et des corrompus». Semblant insister sur ce point, il a réitéré ces propos à deux reprises.
Soutien du Premier ministre
S’ils n’ont rien de contraignants, les avis du grand ayatollah Sistani font généralement autorité parmi les chiites, environ deux tiers des Irakiens. Il avait ainsi mobilisé, après l’offensive fulgurante de l’EI en juin 2014, des dizaines de milliers de volontaires dans les rangs des unités paramilitaires qui ont aidé les forces irakiennes à défaire l’organisation jihadiste chassée en 2017 de tous les centres urbains d’Irak. Pour le politologue Aziz Jaber, ce discours vise «les têtes de listes qui ont occupé des postes au gouvernement et des parlementaires comme les vice-présidents Nouri al-Maliki ou Iyad Allawi», tous deux têtes de listes.
Parmi les numéro un des principales listes du pays figurent également le Premier ministre sortant Haider al-Abadi, accusé par ses détracteurs de manquer de fermeté face à la corruption. Dans un communiqué, M. Abadi a dit «soutenir totalement» les propos du cheikh Kerbalaï, déclenchant les commentaires ironiques d’internautes soulignant qu’il était lui aussi un «sortant».
«Rien n’oblige» à voter
Vendredi après-midi, plusieurs milliers de partisans de la liste inédite formée par l’influent leader chiite Moqtada Sadr avec les communistes se sont réunis dans le centre de Bagdad. Face à eux, le représentant de M. Sadr a lancé: «N’essayez pas ceux qu’on a déjà essayés», faisant écho à l’appel du grand ayatollah Sistani. Lors des premières élections tenues après la chute du dictateur Saddam Hussein consécutive à l’invasion américaine de l’Irak de 2003, le grand ayatollah Sistani s’était prononcé clairement pour une liste, une alliance des forces chiites, qui l’avait emportée. Depuis, il n’a pas soutenu de partis en particulier, mais avait déjà exhorté les Irakiens en 2014 à voter en masse contre les «visages de mauvaise augure pour le pays».
Là, il n’avait pas été écouté, car à l’issue du scrutin, beaucoup de sortants avaient été réélus et le Premier ministre Maliki avait même été reconduit avant d’être remplacé par M. Abadi. En outre, cheikh Kerbalaï a rappelé que «le vote est un droit pour tous, mais rien n’y oblige», ce qui laisse présager «un possible boycott des élections», note le politologue Ouathiq al-Hachémi. Près de 24,5 millions d’électeurs départageront le 12 mai près de 7.000 candidats qui s’affrontent pour 329 sièges au Parlement. A l’issue de ce scrutin mêlant proportionnelle et quotas imposés, les listes victorieuses devront s’allier pour former une coalition de gouvernement.
Cette année pour la première fois, les forces chiites se présentent en rangs dispersés, jusqu’au parti Daawa de MM. Maliki et Abadi, qui sont concurrents pour ce scrutin.