L’Égypte fait partie des États où la Russie – isolée et critiquée dans la crise en Ukraine – tente de pousser ses pions sur les plans diplomatique et économique. Cette visite d’État de deux jours est la première de Vladimir Poutine en 10 ans. Il avait rencontré au Caire, en 2005, le «raïs» Hosni Moubarak, contraint d’abandonner le pouvoir début 2011 au terme d’une révolte populaire dans la lignée des Printemps arabes. Le président Vladimir Poutine doit arriver lundi soir au Caire pour tenter de renforcer l’influence de la Russie en Égypte, pays dont les relations avec le grand allié américain sont légèrement assombries par l’implacable et sanglante répression visant toute opposition.
Le plus peuplé des pays arabes
Les experts estiment que le plus peuplé des pays arabes, traditionnellement allié de Washington, fait partie des États où la Russie – isolée et critiquée dans la crise en Ukraine – tente de pousser ses pions sur les plans diplomatique et économique. Le nouveau chef de l’État, Abdel Fattah al-Sissi, ex-chef de l’armée, est arrivé au pouvoir après avoir destitué et fait arrêter mi-2013 son prédécesseur, le président islamiste Mohamed Morsi. Abdel Fattah al-Sissi est accusé par les ONG internationales de défense des droits de l’homme de diriger un régime plus répressif encore que celui de M. Moubarak.
1 400 manifestants pro-Morsi tués
Depuis l’éviction de Mohamed Morsi, premier président élu démocratiquement en Égypte, policiers et soldats ont tué plus de 1 400 manifestants pro-Morsi. Plus de 15 000 de ses partisans ont été emprisonnés et des centaines condamnés à mort dans des procès de masse expéditifs. Abdel Fattah al-Sissi a été élu président haut la main en mai 2014, mais après avoir éliminé de la scène politique toute opposition, islamiste, puis laïque et libérale, notamment les mouvements de la jeunesse révolutionnaire de 2011. En 2013, les capitales occidentales avaient d’abord dénoncé – du bout des lèvres souvent – la brutalité de la répression, et Washington, principal pourvoyeur de fonds du Caire, avait gelé son aide. Cette aide, essentiellement militaire, a été restaurée en 2014. Et M. Sissi, devenu président, a été reçu en grande pompe dans plusieurs capitales européennes, dont Paris et Rome.
Al-Sissi s’était rendu à Moscou déjà en février 2014
Moscou, qui n’a jamais émis la moindre réserve sur les droits de l’homme depuis la chute de Morsi, est apparue dès l’été 2013 comme la principale capitale non arabe à soutenir le nouveau pouvoir issu de l’armée. Alors ministre de la Défense, Abdel Fattah al-Sissi s’était rendu à Moscou en février 2014. Après son élection, il avait rendu visite à Vladmir Poutine dans sa résidence d’été à Sotchi en août. Dès la première visite, les deux hommes avaient discuté de la livraison d’armements russes à l’Égypte, en proie à une vague sans précédent d’attentats visant les forces de l’ordre, perpétrés par des groupes djihadistes en représailles à la répression visant les manifestants islamistes. «Poutine continue de tirer profit des ambiguïtés et des contradictions des politiques occidentales à l’égard du Moyen-Orient», analyse Anna Borshchevskaya, spécialiste de la Russie au Washington Institute For Near East Policy.
Livraison de systèmes de défense antiaérienne
«Aussi longtemps que Washington critique le recul de l’Égypte sur le plan démocratique (…), cela laisse la porte ouverte à Poutine (…) pour renforcer son influence au détriment des intérêts américains», conclut Mme Borshchevskaya. Le Kremlin a indiqué, dimanche, que «les deux dirigeants vont accorder un soin tout particulier à renforcer les liens commerciaux et économiques entre les deux pays». La coopération sera également au cœur des discussions, selon Moscou, notamment «une coopération accrue pour lutter contre le terrorisme international». Les deux présidents évoqueront aussi les conflits en Syrie, Irak, Libye et la crise israélo-palestinienne, a précisé le Kremlin, qui anticipe «la signature d’accords sur des investissements». En septembre, des médias russes avaient assuré que l’Égypte et la Russie s’étaient accordées sur la livraison de systèmes de défense antiaérienne, d’hélicoptères et d’avions de combat pour 3,5 milliards de dollars, financés par l’Arabie saoudite. Depuis, plus rien n’a filtré sur le sujet.