Abdel Fattah al-Sissi, élu avec 97% des voix, est officiellement le nouveau président égyptien et se fixe pour tâche prioritaire la lutte contre le terrorisme et la relance d’une économie sinistrée grâce à la générosité sans limites de l’Arabie saoudite. Pour Riyad qui a décrété une lutte sans merci contre les Frères musulmans, inscrits sur la liste des mouvements terroristes, l’Égypte est le rempart et le point de départ d’une lutte contre une organisation et ses démembrements qui lui conteste son leadership sur le monde arabo-musulman. Ceci dit, Riyad qui veut jouer les beaux rôles, peut craindre un sévère retour de manivelle d’autant qu’elle a dépêché une véritable légion de djihadistes lutter en Syrie. Ce retour de manivelle est déjà perceptible pour ce qui est des djihadistes européens, en réalité des apprentis terroristes endoctrinés, défaits par l’armée syrienne et qui se retournent contre leur patrie d’origine ou d’adoption. Ce qui fait le lit de l’extrême droite et qui explique en partie les poussées électorales à la faveur des élections locales ou européennes de partis politiques nationalistes a idéologie raciste et surtout islamophobes. Pour revenir à L’Égypte, l’officialisation de la victoire de Sissi par la Haute commission électorale égyptienne a provoqué la joie de millions de partisans du maréchal, qui sont descendus fêter la victoire de leur champion sur toutes les grandes places du pays. Le discours d’Abdel Fattah al-Sissi a été bref et sobre. Il a remercié les Égyptiens qui lui ont fait confiance, mais également tous ceux qui ont participé à la présidentielle, ainsi que son adversaire Hamdine Sabahi, nassérien de gauche. «Une nouvelle page est ouverte», a déclaré Sissi dans son allocution télévisée. Une page qui «nécessitera beaucoup de travail et d’union pour réaliser un avenir meilleur», a conclu le nouveau président. Plus que le taux écrasant d’électeurs s’étant exprimés en sa faveur, c’est le nombre absolu de voix obtenues par Abdel Fattah al-Sissi qui fait la joie de ses partisans : 23 780 000 voix sur 24 578 000 bulletins valides. Il s’agit quasiment du double des voix obtenues en 2012 par Mohamed Morsi, le président des Frères musulmans destitué par son ministre de la Défense, le général -entre-temps devenu maréchal-, Sissi. Le nombre de votants lors des présidentielles de 2012 (26,3 millions) et de 2014 (25,5 millions) est très proche, mais le taux de participation a été inférieur lors de ce dernier scrutin. 52% des inscrits avaient voté en 2012, contre 47% en 2014. Une baisse que les observateurs attribuent à trois facteurs. D’abord, le résultat était connu d’avance du fait de la popularité de Sissi. Ensuite, le fait qu’il y ait quelque 5 millions d’Égyptiens travaillant loin de leur lieu de résidence -notamment dans le tourisme- qui n’ont pas pu voter lors de ce scrutin alors qu’en 2012, ils pouvaient voter sur leur lieu de travail. Troisième et dernier facteur pouvant expliquer cette participation en baisse : l’appel au boycott lancé par les Frères musulmans et les forces révolutionnaires. Ces dernières se sont surtout exprimées par le biais des bulletins invalidés, soit plus d’un million. La victoire attendue de Sissi a aussi donné lieu a la promesse d’un vrai cadeau royal saoudien pour le 7e président de la République égyptienne. Dans son message de félicitations, le roi Abdallah a appelé à la tenue d’une «Conférence des amis de l’Égypte» pour aider ce pays à sortir de la crise économique. «Les frères et amis donateurs qui en ont les moyens doivent aider l’Égypte arabe et musulmane à sortir du tunnel de sa crise économique et retrouver sa force». L’Arabie saoudite, les Émirats et le Koweït ont accordé à l’Égypte une aide de plus de 12 milliards de dollars dès la destitution du président Mohamed Morsi. Un Frère musulman mal vu par les pays du Golfe, Qatar excepté. Et c’est justement au Qatar, allié des Frères musulmans, que le roi Abdallah a adressé une menace implicite : «Ceux qui n’aideront pas l’Égypte, alors qu’ils en ont les moyens, ou s’ingèreront dans ses affaires intérieures se seront attaqués à l’islam et à l’arabité, ainsi qu’à l’Arabie saoudite». «C’est une question sur laquelle aucune concession ne sera faite», a conclu le souverain wahabite. Ce qui n’est pas de bonne augure pour Doha, même si Saoudiens et Qataris se retrouvent dans le même camp pour combattre Bachar al-Assad en Syrie.
M. B.