La notion de marché public embrasse un vaste champ sémantique qui va de la construction d’un édifice public à la démolition ce cet édifice exigé par son état de vétusté, en passant par une multiple d’autres opérations comme la réhabilitation, la restauration, l’aménagement, la rénovation, l’entretien etc.
Mais la question n’est pas seulement dans la définition de ce concept aux acceptions nombreuses qui, comme on vient de le voir, le rendent si complexe, mais dans aussi et surtout son évolution depuis 1962 à nos jours :
Histoire d’une législation
L’expert et formateur Mouloud Sabri, qui animait jeudi dernier un séminaire sur la nouvelle réglementation en matière de marchés publics, résume cela en un mot : produire suffisamment de biens pour satisfaire la demande et contribuer ainsi à l’atténuation des tensions sociales.
D’où la nécessité d’adapter les règles qui gèrent ces marchés juteux.
La première réforme datait de 1967, selon le conférencier. Il fallait une réglementation pour mettre fin à une réglementation héritée de l’ère coloniale et qui avantageait trop les entreprises étrangères. Cette période va donc de 1962 à 1967. Les nouveaux textes législatifs sont mis en place en vertu de l’ordonnance 67-90 du 17 juin 1967. Mais une nouvelle adaptation du code des marchés s’imposait, une fois de plus, à la faveur du système politique inspiré du socialisme porté par le décret 82-145 du 10 avril 1982.
En 1991, un nouveau décret est promulgué, c’est le 91-434 du 09/11 91 qui amène une troisième refonte consécutivement au nouveau choix politique du pays qui l’orientait vers l’économie de marché. Cette période, qui va donc de 1982 à 1991, ouvre la voie à la privatisation et le marché aux entreprises privées. Les choses s’accélérant et l’Algérie négociant son adhésion à l’OMC, il fallait revoir notre réglementation en vue de la mettre au goût du jour.
C’est la refonte portée par le décret présidentiel 2-250 du 24 07 2002. Et puis, cette adhésion devenant effective ou presque, il fallait réformer cette réglementation qui ne répondait plus au contexte du moment. Et c’est un deuxième décret présidentiel qui sort sous le n° 10-236 du 07 10 2010. Enfin, avec le séisme financier qui a fortement secoué le monde, la nécessité s’est faite sentir à travers le décret présidentiel 15-250 qui annonce, pour janvier prochain, la mise en place de nouvelles dispositions pour la gestion des marchés publics.
Deux soucis apparaissent en filigrane dans ces textes : le besoin de contrôler les fonds publics dont le flux a augmenté dans d’énormes proportions et la nécessité de limiter de façon draconienne l’importation, voire à la supprimer carrément dans le cas où sa nécessité n’est pas avérée,
Il était temps. Une gestion rationnelle est équitable de ces marchés créateurs de richesse et d’emplois s’impose d’autant plus qu’elle est commandée à la fois par l’obligation de résultats et celle de la moralisation de ce segment clef de notre économie.
Une part colossale des dépenses d’équipements
A moins d’être servi par des fiches comptables et de les consulter avec beaucoup de propos et de compétence, il est difficile de dire avec précision les sommes colossales consacrées à des projets faramineux comme les barrages ( celui de Koudiet Acerdoune, par exemple), l’autoroute Est-Ouest (sans cesse en réparation et de toute façon non encore livrée dans sa totalité) ou celui du dédoublement du chemin de fer qui est sur le point de voir le jour. Mais il y a les autres projets comme les constructions de routes, d’hôpitaux, d’écoles, de lycées, de réseaux d’AEP, d’électrcité, de gaz, de téléphone, qui pour être de faible envergure ne sont pas moins budgétaires. Les plus modestes se chiffrent en milliards de dinars.
Une simple sortie sur le terrain permet de se rendre compte des sommes qui sont ainsi dépensées pour la concrétisation de ces programmes quinquennaux qui s’inscrivent dans le cadre de faire entrer le progrès dans tous les foyers ou de relancer la croissance économique du pays.
Quelques statistiques livrées en cette journée de vulgarisation permettent d’approcher la vérité. Ainsi, par exemple, cette part représentait entre 1985 et 1989 un taux de 34% du PIB. Elle tombe à 23% entre 1991 et 2000. On comprend que cette période était la plus sombre de notre histoire. Le terrorisme avait frappé au cœur notre économie et menacé nos institutions et nos valeurs. Signe d’amélioration de la situation économique nationale, la croissance revient exactement au point où elle était entre 85 et 89. Mais dès 2004, elle devait faire un bond formidable, portée par deux ambitieux programmes quinquennaux. En effet, entre 2005 et 2009 et de 2010 à 2015, elle devait atteindre 50% du PIB !
Quant à la part d’investissement public, elle reste timide surtout entre 92 et 97, où, étant le contexte économique fragilisé par la noire décennie, elle stagne à hauteur de 7, 3% du PIB. Elle triple presque entre 2005 et 2009 avec 20% du PIB. Le commentaire qui accompagne ces statistiques note que cette part représentait presque le 1 /4 de l’activité économique du pays ». Alors qu’à propos de la période allant de 2010 à 2014, le même commentaire ajoute que la tendance haussière se maintient « dans le cadre du programme de consolidation de la relance économique,», le fameux PCRE. Le prochain programme quinquennal portera forcément la marque de la crise actuelle.
Enfin et pour aller nous-mêmes de notre commentaire, ce qu’il y a lieu de remarquer c’est que ni le terrorisme, ni la crise qui frappe le monde entier de plein fouet, encore moins une réglementation héritée de l’ère coloniale et globalement et outrageusement favorable aux entreprises étrangères n’ont réussi à endiguer la volonté de l’Etat à moderniser et à créer des richesses grâce à ses marchés publics comme il a été souligné avec insistance, servent le citoyen.
Des critères indiscutables
La salle de conférence, ce jeudi matin, est pleine. Beaucoup de personnes sont debout. On pouvait remarquer la présence du wali qui n’a pu boycotter cette rencontre qui revêtait une importance capitale, puisqu’elle concernait tous les chefs de daïra, tous les P/APC, tous les entrepreneurs et tous les fonctionnaires de la wilaya. Mais les obligations que lui faisaient les festivités l’avaient empêché de suivre cette journée d’étude sur la réglementation des marchés publics ainsi que des services publics. Tout au plus a-t-il assisté à la distinction de trois jeunes promoteurs sur le point de lancer leurs propres projets et les assurer de son soutien dans leurs nouvelles entreprises. La séance de travail se poursuivant après le départ du wali, le conférencier a abordé les trois critères qui doivent prévaloir pour remporter en principe un marché. Ils sont au nombre de trois : la liberté, l’égalité et la transparence.
Ceux qui ne connaissent pas la façon dont s’attribuaient les marchés dans certaines wilayas peuvent évidemment sourire. Concernant le premier critère basé sur le libre accès à la commande publique, le problème ne se posait généralement pas. Il y a, au contraire, intérêt pour le secteur qui avait des projets à soumettre à la consultation à ce que toutes les entreprises participent à la soumission. C’était une rentrée d’argent pour ce secteur. Mais c’est avec les deux paramètres que les choses prennent une autre direction : l’égalité et la transparence. C’est à ce moment qu’on peut sourire. Croire que la nouvelle réglementation va mettre fin à des pratiques maffieuses vieilles de plusieurs années, c’est méconnaitre la gangrène qui attaque notre tissu social depuis des décennies.Quoi qu’il en soit, le conférencier semble confiant. Il insistait même sur la candidature de tous les entrepreneurs à tous marchés publics. C’est ce qu’il appelait «le libre accès à la commande publique.» Et de souligner que ledit accès «doit être libre et impartial.» En d’autres termes, l’administration qui gère ces marchés ne doit pas dresser d’obstacles devant les entrepreneurs «gênants». La mise en œuvre de ce principe de libre accès consiste en «une large publicité, à l’accès facile à la documentation de la consultation, à la clarté des besoins exprimés dans le cahier des charges, le délai de préparation d’offres adéquat.etc
Notion de marchés publics et définition
Le second critère devient presque facultatif dès lors que la mise en application du premier est rigoureusement observée. On aura, pour reprendre l’expression de notre expert, «traité tous les candidats au même pied d’égalité ». On aura alors diffusé «les informations dans les mêmes conditions», réalisé «une publicité appropriée (nationale et locale», veillé à «l’application stricte de la méthodologie de notation sur la base des critères » arrêtés etc. Ce principe s’appelle l’égalité d’accès à la commande publique.
La transparence des procédures devient elle une simple formalité dès lors que les deux premiers principes sont scrupuleusement appliqués. On aura alors mis en place des «procédures claires et détaillées», procédé à «l’application préalable des cahiers des charges» et à «l’ouverture des plis en séance publique», fourni «les mêmes réponses aux demandes d’explications des candidats» etc. Mais tous ces principes démocratiques, toute cette clarté dans les procédures pour garantir la plus complète transparence dans le traitement objectif des candidatures ne serait rien si «le droit de recours pré-contractuel» n’est pas reconnu et respecté. En cas de litige, l’entrepreneur contestataire peut saisir aussitôt la commission chargée d’examiner les recours. En dernier ressort, il peut introduire une action en référé auprès de la justice pour obtenir l’annulation des résultats. Le second volet de cette longue intervention que nous retiendrons de préférence à d’autres en raison de son caractère vulgarisateur et pour sa thématique liée à un sujet d’actualité brûlant (le code des marchés) est d’ordre didactique, car il établit une sorte de lexique emprunté au jargon administratif qu’il s’agissait de clarifier pour mieux cerner la problématique liée au marché public.
Ainsi, résulte-t-il de « la précision de la notion de marché public» cinq éléments essentiels qui la distinguent «des autres contrats administratifs : 1)- il (le marché public) est conclu à titre onéreux ; 2)-contracté avec un opérateur économique régi par la législation commerciale ; 3)-doit satisfaire un besoin du service contractant ;4)-doit correspondre à un type de prestation (TFES) ; 5)-et comporter des procédures adaptées dites TIS ». Il nous faut nous contenter de cette précision qui intéresse le marché public.
La suite pourrait avoir un effet contreproductif, car les notions développées concernent les entrepreneurs seuls et entrent par là dans le cadre de leur formation. Pour nous résumer, il nous faut rappeler que la nouvelle réglementation des marchés publics arrive à point nommé pour mettre cet outil de production au service des entreprises privées ou étatiques, sans exclusive aucune, lesquelles, par leurs compétences avérées doivent fournir une prestation de qualité destinée avant tout à satisfaire le citoyen.
Quant aux fonds colossaux que les marchés publics mettent en mouvement, la nouvelle réglementation donne une place de choix à la Cour des comptes pour veiller à leur affectation rationnelle et transparente.
Ali D.