Le maréchal Khalifa Haftar, qui mène une offensive militaire contre Tripoli, a reçu « gracieusement » des équipements militaires de la part des Émirats arabes unis, a révélé hier mercredi, Le Canard Enchaîné, précisant que ce pays du Golfe et l’Arabie saoudite « ont soutenu Haftar à la fois en dollars et en armements ».
Citant un rapport du Renseignement militaire français, l’hebdomadaire satirique a précisé que les Émirats ont « gracieusement » offert à Haftar quatre hélicoptères d’attaque au sol, Mi-24 achetés en Biélorussie, une demi-douzaine d’avions légers américains AT-Avitractor, transformés pour l’attaque au sol, un bon nombre de blindés de transport de troupes Panther T-6, fabriqués en Inde par la société Minerva et plusieurs dizaines de blindés à roue Typhoon, une production du groupe canadien Strait , qui en avait naguère vendu 500 aux Émirats.
Le journal a ajouté que Moscou, un autre fournisseur « complaisant », a récemment livré cinq hélicoptères Mi « flambant neufs ». Concernant la position de la France sur ce qui se passe en Libye, Le Canard Enchaîné a indiqué que si le président Emmanuel Macron a démenti le soutien de la France à Haftar, mais le reproche du Premier ministre libyen, Fayez al-Sarraj, poursuit-il, « ne l’empêche vraiment pas de dormir, et il n’éprouve aucune honte à figurer parmi les parrains d’un va-t-en guerre ». Pour le journal « c’est grâce à lui que le France se retrouve en brillante compagnie : l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l’Égypte, trois excellents clients des marchands d’armes français ».
Le Canard Enchaîné rappelle que cette « malheureuse » Libye, que la guerre franco-britannique de 2011 « a transformée en paradis pour les terroristes de Daech et d’Al-Qaïda, hérite donc aujourd’hui d’une guerre civile ». Il estime, dans ce contexte, que les trois parrains de Haftar « parient sur l’avenir en se montrant fort généreux », ajoutant que « s’ils espèrent le voir bientôt devenir le maître incontesté de l’ancien fief de Kadhafi, ils n’en lorgnent pas moins ses riches ressources pétrolières déjà tombées sous son contrôle ».
M. B.
FAYEZ AL-SARRAJ DéNONCE
«Paris et d’autres pays fournissent un soutien à Haftar»
Le président du Conseil présidentiel du Gouvernement d’union nationale libyen (GNA), Fayez al-Sarraj a dénoncé le soutien « non proportionné » de la France à Khalifa Haftar, se disant « surpris » et « perplexe » face à la position française en Libye. « Nous sommes surpris et perplexes face à la position de la France », a déclaré Al-Sarraj dans un entretien au journal du soir Le Monde publié mardi dernier, indiquant que Paris « fournit également un soutien à Haftar avec d’autres pays », sans les citer. Pour le président du Conseil présidentiel libyen, « le soutien non proportionné de la France à Haftar est ce qui l’a décidé à passer à l’action et à sortir du processus politique », indiquant qu’il s’en est inquiété auprès du président Emmanuel Macron : « Comment un pays qui aspire à la liberté, aux droits humains et à la démocratie peut-il avoir une position si peu claire à l’égard de notre peuple qui aspire aux même valeurs »? s’est-il demandé, faisant observer que plutôt de « développer notre relation et notre partenariat, nous nous inquiétons de la réputation de la France dans l’opinion publique » du fait de sa position « non claire » et de son « manque de solidarité », a-t-il ajouté. Rappelons que l’émissaire de l’ONU en Libye, Ghassan Salamé, a indiqué, le 18 avril dernier, que l’offensive lancée par les troupes de Khalifa Haftar contre la capitale libyenne Tripoli avait abouti à une « impasse » et il a mis en garde contre un « embrasement généralisé » dans le pays. Dans ce climat de crise diplomatique entre les deux pays, Fayez al-Sarraj n’a pas désavoué son ministre de l’Intérieur, Fathi Bach Agha, qui a décidé de suspendre « tout lien » avec la partie française. Dans un communiqué publié par son service de presse, le ministre de l’Intérieur, Fathi Bach Agha, a ordonné « la suspension de tout lien entre son ministère et la partie française dans le cadre des accords sécuritaires bilatéraux (…) à cause de la position du gouvernement français soutenant le criminel Haftar qui agit contre la légitimité ». À ce sujet, le PM libyen, qui semble embarrasser selon le journaliste du Monde, a indiqué que « c’est sa décision en tant que ministre, c’est sa prérogative », a-t-il dit, soulignant qu’il ne s’agit rien de plus qu’une crise dans nos relations » qui peut être surmontée « si la France prend la bonne position ». Critiquant également l’attitude des États-Unis qui soutiennent Khalifa Haftar pour « lutter contre le terrorisme et sauvegarder les champs pétroliers, le chef du gouvernement d’entente nationale (GNA) a souligné que « le conflit actuel oppose les tenants d’un régime militaire et autoritaire à ceux d’un État civil garantissant les libertés ». Il appelle à un cessez-le-feu mais admet en même temps que la reprise, à court terme, de discussions politiques « sera difficile ». « Il est sans aucun doute impossible de renouer le dialogue politique dans le contexte des combats », a-t-il estimé en soutenant ses propos par une interrogation : « Comment voulez-vous demander à quelqu’un qui défend sa maison attaquée de déposer les armes en plein combat ? ». Pour lui, la priorité du moment est « d’arrêter les combats et la souffrance de la population », exprimant son scepticisme quant à la reprise des discussions « avec quelqu’un qui décide subitement de détruire les efforts de paix et de conquérir le pouvoir par les armes ». Au moins 264 personnes, dont des civils, ont été tuées et 1 266 autres blessées depuis le 4 avril dans les combats en Libye, où les forces de Khalifa Haftar tentent de conquérir la capitale, selon un bilan, mardi, de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Khalifa Haftar a lancé le 4 avril une agression sur Tripoli, siège du GNA, reconnu par la communauté internationale.
R. I.