Les deux grands gagnants des Golden Globes se font maintenant face dans la course pour la récompense suprême.
En plus d’être une des rares cérémonies de remise de prix où les convives sirotent du champagne en direct live, les Golden Globes ont pour particularité de couronner non pas une, mais deux œuvres dans la catégorie meilleur film – les nominés étant répartis entre les catégories «meilleur drame» et «meilleure comédie ou comédie musicale». Ce qui a pour conséquence de mettre deux films dans la lumière et de faire grimper la côte de chacun auprès des bookmakers cherchant à déterminer qui finira par remporter l’Oscar. Les Globes ne sont certes pas un indicateur infaillible (l’an dernier, les lauréats The Revenant et Seul sur Mars avaient finalement perdus aux Oscars face à Spotlight ; idem l’année précédente, quand Birdman avait été préféré à Boyhood et The Grand Budapest Hotel), mais ils permettent néanmoins de dessiner des tendances. Et depuis hier soir, la tendance se résume en trois mots : La La Land. La comédie romantique et musicale de Damien Chazelle a triomphé en remportant sept prix sur sept nominations, faisant tomber le record précédemment détenu par Midnight Express et Vol au-dessus d’un nid de coucous (six Golden Globes chacun). Favori de la saison des prix depuis sa présentation au Festival de Toronto en septembre dernier, où il avait remporté le Prix du public (comme les oscarisés Slumdog Millionaire, Le Discours d’un roi et 12 Years a slave avant lui), le film avec Emma Stone et Ryan Gosling fait donc la course en tête.
Golden Globes so black
Son seul rival sérieux, à ce stade, est donc Moonlight, vainqueur hier du prix du « meilleur drame », une catégorie supposée plus prestigieuse dont les lauréats, jusqu’à une époque pas si lointaine (les années 90) finissaient quasi systématiquement par remporter l’Oscar (La Liste de Schindler, Le Patient Anglais, Titanic, American Beauty…). Cette chronique de la vie d’un jeune Noir grandissant dans la misère et vivant mal son homosexualité, a fait chavirer la critique américaine (il était dans quasiment tous les tops 10 de la presse US en décembre dernier) et a révélé en Barry Jenkins un cinéaste à suivre, sorte de néo-Gus Van Sant captant avec sensibilité le passage du temps et la lumière caressante des crépuscules de Floride. Son film semble être une alternative d’autant plus crédible à La La Land que le buzz médiatique dont il a bénéficié, survient après des Oscars 2016 marquée par la polémique « Oscars so white » (beaucoup de très bons films réalisés ou interprétés par des artistes noirs, comme Creed – l’héritage de Rocky Balboa ou N.W.A. – Straight Outta Compton avait été «oubliés» par l’Académie au moment des nominations). Moonlight est une odyssée intime donnant à voir et à ressentir l’expérience noire américaine de façon inédite. De quoi permettre à l’Académie de faire amende honorable après ses errements de l’an passé ? Hier soir, la cérémonie des Golden Globes a également été marquée par le triomphe de nombreuses œuvres «noires» (ou concernées par la question noire), de Moonlight, donc, aux séries Atlanta (meilleure comédie télé), The People vs O.J. Simpson (meilleure mini-série) et Black-ish (meilleure actrice comique pour Tracee Ellis Ross).
En ce temps de levée de boucliers anti-Trump (les discours de Meryl Streep et Isabelle Huppert ont prouvé que le Hollywood libéral n’avait pas dit son dernier mot), les Oscars vont-t-ils préférer l’option politique et «sociétale» (on ne peut bien sûr pas réduire Moonlight à des questions de représentation, mais c’est en partie ainsi que son succès aux Oscars serait reçu) ou bien l’option «classics» (La La Land, film hollywoodien sur Hollywood, réactivant le genre moribond de la comédie musicale et la nostalgie de l’âge d’or) ? Voilà de quoi faire durer le suspense jusqu’au 26 février. Même si La La Land part quand même avec un sérieux atout dans sa manche : c’est un véritable chef-d’œuvre.