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Coupures d’Internet, faible débit et institutions administrative et financière obsolètes : Les quatre obstacles au développement du secteur du e-commerce en Algérie

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À partir de 1er janvier 2021, les commerçants et manufacturiers seront dans l’obligation de se doter de moyens de payement électronique suite à la généralisation de l’utilisation des codes barres à tous les produits.

Alors que les autorités publiques brandissent très haut cet enjeu qui apparait comme l’une des solutions pour éviter le naufrage des activités commerciales, à l’ère de l’épidémie de coronavirus, et aussi de mieux contrôler les marchés et éviter l’évasion fiscale et fausses déclarations. Or, à l’approche de cette échéance, la perspective se complique : les coupures récurrentes d’internet, le très faible débit – l’Algérie figure dans le bas de classement mondial dans ce domaine – et les retards dans la numérisation de l’administration, sont des facteurs qui risquent de torpiller cet objectif. Cela rappelle la volonté des autorités de généraliser l’usage des TPE dans tous les commerces, il y a deux ans de cela, avec le résultat que l’on connait aujourd’hui : en dehors des bureaux de postes et agences bancaires, il est difficile de trouver un TPE. L’Association nationale des commerçants et artisans algériens (ANCA), qui a créé récemment une commission pour encourager, sensibiliser et former sur le e-commerce, a rédigé un rapport consacré aux obstacles au développement et de généralisation de commerce électronique dans le pays. Le rapport qui sera remis avant octobre aux ministères des Finances et du Commerce, aborde quatre défis, qui sont aujourd’hui les principaux obstacles susceptibles d’entraver cette démarche : la nécessité de mettre fin et de trouver une solution aux coupures récurrentes d’internet ; booster le débit internet, aller vers une administration digitale ou de zéro papiers ; et aussi la création d’un environnement propice au développent du système bancaire et des institutions financières. Le rapport de l’ANCA s’appuie sur les propositions de ses commissions nationales spécialisées dans chaque secteur d’activité, mais aussi celles des chefs d’entreprises nationales. Pour atteindre les objectifs de digitalisation prônés par le gouvernement, l’ANCA a appelé les autorités à suivre une approche graduelle et progressive dans l’application des mesures de l’obligation de généralisation des moyens de payement électronique dans tous les commerces. « Nous proposons que l’obligation touche dans un premier temps les centres commerciaux et les bureaux d’études. Ensuite, après trois mois, la généralisation s’étendra aux espaces commerciaux et grossistes, et dans six mois, touchera les autres commerces. Il faut souligner que les pays qui sont leaders dans ce domaine, ont mis trois à quatre ans avant d’arriver à une généralisation totale. Ils ont adopté une démarche d’étape par étape », a expliqué Hadj Tahar Boulenouar, président de l’ANCA, lors d’une conférence hier consacrée au développement de e-commerce. Il prévient contre la précipitation, en notant l’expérience de 2018 de vouloir généraliser d’un coup l’usage des TPE, mais qui a bouté sur un échec cuisant. « On n’a pas pris tout le temps nécessaire et le résultat est qu’aujourd’hui 90 % des Algériens n’ont pas de carte de payement », a-t-il regretté. Cependant, les entraves freinant cette généralisation ne sont pas uniquement techniques, mais d’autres facteurs interviennent aussi, fait observer Boulenouar. « Il y a des parties, disons des issabat [bandes], barons, lobbys, qui ne souhaitent pas la réussite de la digitalisation de l’Algérie. Ce sont ceux qui disent à la veille de l’adoption de chaque loi qu’il “n’est pas encore le temps pour l’appliquer”. Car cela ne les aide pas. La numérisation des activités commerciales signifie l’obligation de transparence, et eux sont contre », a précisé Boulenouar. « Nous sommes avec la décision des autorités de généraliser le e-commerce, mais en suivant une méthode graduelle et des conditions : bien sensibiliser le citoyen et le commerçant et l’amélioration de la performance des banques », explique-t-il. « L’épidémie de coronavirus nous a montré le rôle primordial du e-commerce, comme elle a démontré l’impuissance de notre administration et du système bancaire. Pour exemple, parmi les commerçants, il y ceux qui ont fermé et restés sans travail pendant plusieurs mois. Mais il y a aussi ceux qui ont tiré leur épingle de jeu en écoulant leurs marchandises via les réseaux sociaux », a-t-il indiqué. Pour Amine Senoussi, responsable de la Commission du e-commerce à l’ANCA, « l’année 2018 a vu l’avènement de “semi e-commerce” en Algérie, c’est-à-dire l’opérateur fait une offre sur Facebook et quand le client fait son choix, il doit payer ce service en cash, une fois arrivé ». Tout en soulignant l’absence de data-centers en Algérie, poussant les opérateurs nationaux à domicilier leurs sites internet à l‘étranger, Senoussi fait souligner qu’ « on ne peut encourager le e-commerce et imposer en même temps des taxes à hauteur de 70 % sur les produits électroniques notamment les PC, car ce matériel représente la base logistique ». Tahar Adlène, qui dirige « Rouaya Store », une start-up qui pilote une plateforme lancée durant l’épidémie de Covid-19 visant à créer des échanges sûrs et fiables entre le client et le commerçant, qui a signé récemment une convention avec l’ANCA pour fournir des formations sur le e-commerce, a insisté sur la promotion de « la culture du e-commerce » chez le citoyen. « Le problème d’absence de confiance est un des facteurs qui bloquent le développement du e-commerce. Il y a eu beaucoup de victimes de magouilles et de pratiques d’escroquerie durant ces derniers temps sur les sites d’achat en ligne. Des plaintes ont été même déposées au niveau de la Police. Donc, il faut sensibiliser le citoyen et lui montrer comment faire ses achats en ligne d’une manière sûre, organisée et sécurisée », a-t-il indiqué. Il a tiré également l’attention sur l’ambigüité qui caractérise certains articles de la nouvelle loi sur le e-commerce, notamment sur le volet des taxes : les commerçants craignent surtout les conséquences de l’abandon du système d’impôt unique forfaitaire pour un système se basant sur les revenus réels. Il faut rappeler que l’ANCA a lancé un programme de sensibilisation et de formation au niveau national au profit des commerçants dans la perspective de mieux comprendre ces usages et faire réussir le e-commerce. Un défit pas facile à relever : « il faut savoir que 70 % des commerçants ne maîtrisent même pas l’usage de PC », illustre Boulenouar.
Hamid Mecheri

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