La présidente sud-coréenne est devenue le symbole d’une classe politique corrompue, entretenant des rapports malsains avec le gratin économique.
Elle bénéficiait jusqu’alors d’une popularité enviable. La présidente sud-coréenne Park Geun-hye, icône conservatrice, faisait même figure de
« princesse » aimée du peuple, certains observateurs prêtant des caractéristiques royales à sa famille. Puis un scandale de corruption poussant des dizaines de milliers d’habitants de Séoul à sortir dans les rues a précipité sa chute. Vendredi, elle a été destituée par un vote parlementaire.
Park Geun-hye, 64 ans, fille du dictateur militaire Park Chung-hee, a passé le plus clair de son enfance sous le feu des projecteurs alors que son père présidait à la métamorphose économique de la Corée du Sud, entre 1961 et 1979. Les images d’une fillette grandissant à la Maison bleue, la présidence sud-coréenne l’ont rendue attachante aux yeux des Sud-Coréens. Ses deux parents furent assassinés, ce qui lui valut la sympathie accrue de l’opinion publique. Celle-ci voyait en elle une jeune femme vertueuse qui avait su surmonter une histoire personnelle tragique. La mère de Mme Park fut assassinée en 1974 et son père fut tué cinq ans plus tard par le chef des services de sécurité. Durant la vingtaine d’années qui ont suivi, elle est restée discrète. En 1998, elle fut élue députée à un moment où la Corée du Sud était sous le coup de la crise financière asiatique.
Elle avait immédiatement séduit les Sud-Coréens conservateurs les plus âgés, qui considéraient qu’elle avait les qualités de chef d’État de son père, de même que les capacités à relancer une économie en crise. Sa carrière politique s’est toutefois toujours déroulée à l’ombre de l’héritage paternel – loué pour avoir sorti le pays de la pauvreté mais critiqué pour les abus des droits de l’homme commis par son régime.
Première femme présidente
Son père s’était emparé du pouvoir lors d’un coup d’État militaire et a régné d’une main de fer. Mme Park a été poursuivie par ce souvenir, ses opposants lui reprochant d’avoir hérité de l’intolérance de l’ancien dictateur envers les voix dissonantes. Ce qui ne l’a pas empêchée de séduire une base électorale solide, avec une série de victoires qui lui ont valu le surnom de « Reine des élections ». Elle est devenue la première femme présidente en 2012 et son assise politique lui a permis de faire face à une série de crises, dont le naufrage tragique du ferry Sewol, dans lequel 304 personnes avaient péri en 2014, en grande majorité des lycéens.
Elle ne s’est jamais mariée, ce qui participait également de son pouvoir d’attraction sur un pays où nombre de dirigeants se sont retrouvés englués dans des scandales de corruption impliquant des membres de leur famille. D’où le choc que constitua la révélation de l’influence extraordinaire sur la présidente de sa confidente et vieille amie Choi Soon-sil, qui attend aujourd’hui son procès pour extorsion et abus de pouvoir.
Des excuses télévisées
Le scandale a également mis en lumière les relations de Park avec le défunt père de cette confidente de l’ombre, un mystérieux chef religieux. Dans les années 1970, il avait été accusé de se servir de ses liens avec Park pour extorquer de vastes quantités d’argent aux entreprises sud-coréennes. Le parquet accuse Choi d’avoir emboîté le pas à son père avec la complicité de Mme Park, et d’avoir forcé les conglomérats sud-coréens à « donner » des millions de dollars à des fondations douteuses.
L’affaire a précipité dans la rue des millions de manifestants. Au bord des larmes, la présidente a présenté plusieurs fois ses excuses lors d’adresses télévisées, se dépeignant comme une figure esseulée dont le principal tort était d’avoir trop fait confiance à son amie. Las, l’opinion publique a plutôt vu son isolement comme le résultat de son arrogance détachée. Park, qui était déjà le premier chef d’État en exercice à être la cible d’une enquête pénale, affronte la perspective de devenir la première présidente démocratiquement élue à être mise dehors.