La présidente de gauche est empêtrée dans la crise économique et le scandale de corruption Petrobras. À São Paulo, un million de personnes ont défilé. Quelque 1,5 million de Brésiliens, dont un million à São Paulo, ont manifesté dimanche dans tout le Brésil pour réclamer la destitution de la présidente de gauche Dilma Rousseff, empêtrée dans la crise économique et le scandale de corruption Petrobras. Ces manifestations sont les plus importantes enregistrées depuis la fronde sociale historique qui avait ébranlé le géant émergent d’Amérique latine en juin 2013. À São Paulo, mégapole de 11 millions d’habitants et fief de l’opposition, une foule gigantesque en jaune et vert envahissait à perte de vue l’immense avenue Paulista et les rues adjacentes dans le centre-ville, entonnant l’hymne brésilien et réclamant la destitution de la présidente, réélue de justesse fin 2014 pour un second mandat. La police militaire a d’abord évalué la foule à 240 000 manifestants, puis à 580 000 et enfin à un million, sur son compte Twitter. Certains manifestants arboraient des tee-shirts portant l’inscription «Basta ! Tous dans la rue, réveille-toi, Brésil. Dilma dehors !» «Nous voulons maintenant la destitution de Dilma Rousseff», a déclaré Rubens Nunes, un avocat de 26 ans, conseiller juridique du mouvement Brésil libre, à l’origine de cette manifestation officiellement apolitique.
La manifestation monstre de São Paulo se déroulait pacifiquement, à l’image des autres marches organisées depuis le matin dans 74 villes de ce pays continent de 202 millions d’habitants. Selon des estimations de la police militaire ville par ville, les cortèges, convoqués sur les réseaux sociaux par des mouvements citoyens officiellement apolitiques, ont notamment rassemblé 45 000 personnes dans la capitale Brasília, 24 000 à Belo Horizonte (Sud-Est), 15 000 à Rio de Janeiro.
«Intervention militaire maintenant»
Des marches de moindre ampleur ont été enregistrées dans le Nord et le Nord-Est, à Salvador de Bahia, Recife ou Belém, villes traditionnellement acquises au Parti des travailleurs (PT) au pouvoir. À Rio, de nombreux manifestants réclamaient même une intervention militaire pour mettre fin à 12 ans de pouvoir du PT, le jour-même où le pays célébrait le 30e anniversaire de retour de la démocratie après une longue dictature militaire entamée en 1964. Rita Souza, une productrice de télévision âgée de 50 ans, arborait une pancarte réclamant une «Intervention militaire maintenant». «Je ne demande pas un coup d’État, mais une intervention constitutionnelle pour appeler à de nouvelles élections propres, sans urnes électroniques, sans manipulation du PT. Qu’ils s’en aillent tous à Cuba», a-t-elle déclaré. La popularité de Dilma Rousseff a chuté de 19 points en février à seulement 23 %, alors que les nuages s’accumulent sur tous les fronts pour la présidente. La septième puissance économique mondiale est au bord de la récession. L’inflation grimpe (7,7 % sur 12 mois), les déficits publics se sont creusés et le réal s’est déprécié de 30 % en 12 mois face au dollar. Revenant sur ses engagements électoraux, la présidente s’est résolue à mettre en place un ajustement budgétaire douloureux, critiqué par une partie de son propre camp politique.
Troisième tour électoral
À ce contexte s’ajoute la tension politique avivée par les ramifications politiques du vaste scandale de corruption qui ébranle le géant étatique Petrobras et les principales entreprises de construction du pays. La justice enquête sur 49 politiciens soupçonnés d’avoir touché des pots-de-vin de Petrobras, pour la plupart membres de la coalition au pouvoir, dont 22 députés, 13 sénateurs et deux gouverneurs en fonctions. Dilma Rousseff a défendu le droit à manifester dans une vidéo postée sur Facebook. Elle avait souligné il y a quelques jours qu’il n’était pas possible d’organiser un troisième tour électoral dans la rue, qui supposerait une «rupture démocratique». Dilma Rousseff suivait dimanche la situation depuis Brasília et devait s’exprimer en fin d’après-midi, selon certains médias brésiliens. La gauche accuse l’opposition de velléités «putschistes». Elle s’était mobilisée, vendredi, à l’appel de syndicats et d’organisations proches du PT, lors de manifestations pour défendre la présidente, Petrobras et la démocratie, qui ont rassemblé 175 000 personnes selon les organisateurs, 33 000 selon la police.