Le cyclone Mocha a fait au moins 60 morts en Birmanie, selon des responsables locaux et des médias soutenus par la junte mardi, tandis que la population tentait de remettre en état les habitations dévastées en espérant recevoir de l’aide.
Avec des vents soufflant jusqu’à 195 km/h, Mocha s’est abattu dimanche entre Sittwe, capitale de l’Etat Rakhine en Birmanie, et Cox’s Bazar au Bangladesh voisin, où sont installés des camps de Rohingyas, minorité musulmane apatride, qui ont fui les violences de l’armée birmane. Vingt-quatre villageois sont morts à Khaung Doke Kar et 17 à Bu Ma, près de Sittwe, ont indiqué à l’AFP des responsables locaux et des habitants.
« Il y aura d’autres morts car plus d’une centaine de personnes sont portées disparues », prévient Karlo, chef de Bu Ma. Treize personnes ont été tuées dans l’effondrement d’un monastère dans le canton de Rathedaung, au nord de Sittwe, et une femme est morte dans une localité voisine dans l’effondrement d’un édifice, a rapporté mardi la chaîne de télévision publique MRTV. Le dernier décompte établi lundi par la junte faisait état de cinq morts et d’un nombre non précisé de blessés. On ignore si certains des morts de ces localités étaient inclus dans ce décompte. L’AFP était en attente mardi d’un décompte actualisé, sollicité auprès d’un porte-parole de la junte.
Mocha, plus grosse tempête en plus d’une décennie dans la région, a également ravagé des villages et des camps rohingyas dans l’Etat Rakhine. Mardi matin, des habitants de Bu Ma arpentaient le bord de mer en quête de parents disparus depuis le passage du cyclone, ont constaté des journalistes de l’AFP.
« On a tardé à décamper »
Non loin, Aa Bul Hu Son, 66 ans, venait d’inhumer sa fille, neuvième membre de sa famille tué par le cyclone. « Je viens de trouver son corps dans le lac du village et je l’ai enterrée immédiatement », confie-t-il à l’AFP. Fichier vidéo
« Je n’étais pas en bonne santé avant le cyclone, on a tardé à décamper », explique-t-il. « Nous allions partir, soudain les vagues ont surgi et nous ont emportés (…) J’ai perdu ma femme, quatre filles, trois fils et une petite-fille ». Les communications se rétablissaient lentement mardi à Sittwe où vivent environ 150.000 personnes, les routes ayant été déblayées et l’internet restauré, ont constaté des journalistes de l’AFP. Pékin s’est dit « disposé à fournir une aide d’urgence en cas de catastrophe », selon un communiqué publié par l’ambassade de Chine en Birmanie sur sa page Facebook.
Le bureau du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a déclaré qu’il cherchait à confirmer des informations selon lesquelles des Rohingyas dans des camps de déplacés avaient trouvé la mort dans la tempête. Le HCR « tente de mener des évaluations détaillées dans les camps de déplacés et sur différents sites afin d’obtenir une représentation plus claire de la situation », a-t-il précisé. Bien qu’installés en Birmanie depuis des générations, la plupart des Rohingyas n’ont pas accès à la citoyenneté, ni à la santé ou à l’éducation dans ce pays à majorité bouddhiste, que l’armée gouverne depuis le coup d’Etat du 1er février 2021.
Sans aide ni nourriture
Au Bangladesh, les dommages dans les camps de réfugiés rohingyas, où vivent environ un million de personnes dans 190.000 abris de bambou et de bâches, étaient minimes, selon des responsables.
« Même si l’impact du cyclone aurait pu être bien pire, les camps de réfugiés ont été durement touchés et des milliers de personnes ont désespérément besoin d’aide », a déclaré l’ONU en lançant un appel urgent à l’aide. Des photos publiées par des médias d’Etat birmans ont montré de l’aide chargée sur un navire à Rangoun et destinée à l’Etat Rakhine. Mais selon des Rohingyas, rien ne leur est encore parvenu.
« Aucun gouvernement, aucune organisation n’est venue dans notre village », a déclaré à l’AFP un habitant de Bu Ma, Kyaw Swar Win, 38 ans. « Nous n’avons pas mangé depuis deux jours (…) nous n’avons rien reçu et personne n’est venu s’enquérir de nous ». Ces dernières années, une amélioration des prévisions météorologiques et des évacuations plus efficaces ont drastiquement réduit le nombre des morts sur le passage des cyclones.
Selon l’organisation ClimateAnalytics, la hausse des températures induite par le changement climatique pourrait avoir contribué à l’intensité de Mocha. « Les océans plus chauds permettent aux tempêtes de gagner rapidement en puissance, avec des conséquences dévastatrices pour la population », a déclaré Peter Pfleiderer, membre de l’organisation.
En 2008, le cyclone Nargis avait dévasté le delta de l’Irrawaddy en Birmanie, faisant au moins 138.000 morts.
Le gouvernement de l’époque avait fait l’objet de critiques internationales pour sa gestion de cette catastrophe naturelle, accusé d’avoir bloqué l’aide d’urgence et refusé l’accès aux travailleurs et aux fournitures humanitaires.