L’Algérie traverse l’une des plus importantes ères de son histoire depuis l’Indépendance. Après les premières marches citoyennes du 22 février dernier, nous assistons à l’expression de la colère populaire qui se traduit par des mobilisations pacifiques, chaque vendredi, et d’autres quotidiennes, de plus en plus générales et fortes.
Depuis le 22 février, les vendredi sont consacrés aux manifestations pacifiques dans tout le territoire national. La contestation vient en réponse à la décision du président de la République de se représenter, pour un cinquième mandat de suite, à sa propre succession, à l’occasion de la Présidentielle prévue le 18 avril prochain. Chose que les manifestants considèrent comme contraire à leurs aspirations au changement de tout le système politique. En attendant que le message de la rue soit entendu, et alors que les marches pacifiques ont été la voie choisie par le peuple pour faire satisfaire ses revendications, des voix s’élèvent pour appeler, ce même peuple, à opposer une désobéissance civile à l’État, sans mesurer les conséquences d’une telle action sur la sécurité du pays.
De nombreux appels anonymes, en effet, ont vu récemment le jour, en appelant à une grève générale dans tous les secteurs d’activité du pays. Hier, la vie quotidienne a été quasi-paralysée : administrations désertées par les employés, commerces et cafétérias fermés et le trafic ferroviaire à l’arrêt. Une situation effrayante, car ce débrayage est poussé à tel point qu’il risque de pénaliser les simples citoyens en premier lieu. Si dans les jours qui ont suivi les premières marches de protestation, la population y a largement adhéré, tant les appels ont été soutenus par des personnalités nationales respectées et par des partis politiques et autres organisations de la société civiles, les Algériens ont pris, aujourd’hui, ces voix à la désobéissance avec prudence, consciente des retombées d’une telle action sur la dynamique citoyenne en cours et la sécurité du pays.
Car, une telle situation ne conviendrait qu’aux semeurs de trouble et de chaos généralisé. Le fait que personne ne connaisse absolument rien de l’identité des personnes derrière les appels anonymes sur les réseaux sociaux ne porte pas bons signes. Il est clair que des parties poussent à l’anarchie dans la société et à la désarticulation des institutions de l’État. Cela se confirme aussi par la volonté d’abandonner le caractère des marches citoyennes, en empêchant l’émergence de figures d’activistes qui incarnent ces mouvements. Des volontés aussi d’écarter tout acteur politique, y compris dans l’opposition, de prendre attache avec la foule, qui reste ainsi attachées à ces mots d’ordres, appelant au rejet du cinquième mandat et au changement du système politique.
Beaucoup de leaders de l’opposition, des figures politiques et autres personnalités historiques, ont exprimé leur soutien à ces mouvements dés les premières heures. Quoique, certaines figures dans ce lot ont été huées ou carrément invitées à quitter les carrés des marches.
De nombreuses pages Facebook, consacrées à ces manifestations, publient, à la veille de chaque vendredi, des consignes à suivre pour la mobilisation. Dans une de ces pages, appelée « Le mouvement des jeunes du 22 février », les marcheurs ont été prévenus de ne surtout pas laisser le mouvement se faire récupérer par des chefs politiques. Allant jusqu’à montrer du doigt les acteurs prônant la démocratie et les valeurs d’une Algérie républicaine.
Louisa Hanoune, secrétaire générale du PT, qui a participé lors des précédentes marches populaires, a dénoncée «une stratégie de terreur» émanant, selon elle, des attaques et appels de certains intellectuels et activistes pour le rejet des partis politiques. «Ceux qui appellent, y compris parmi les intellectuels et les activistes, pas tous, au refus des partis politiques, voire à leur dissolution, préparent consciemment ou inconsciemment la transformation du sursaut révolutionnaire en un printemps arabe. C’est-à-dire, au chaos cinglant, ou ils préparent le lit d’un système pire que celui du parti unique et qui ne peut être que fasciste », a-t-elle accusée, samedi, lors d’une conférence de presse.
Pour Hanoune, ces personnes veulent à tout prix isoler la société, en tentant de dissoudre toutes ses formes d’organisation. De leur côté, des citoyens prennent conscience des conséquences chaotiques que véhiculent l’idée d’une désobéissance civile. Ils doutent également des velléités des auteurs ; tant leur identité ne s’est pas déclinée. D’où les intentions de faire tourner cette situation à leur avantage. Hier, un internaute écrit sur sa page Facebook : « Malgré que je suis de ceux qui ne sont pas allés travailler aujourd’hui, en signe de sympathie avec le mouvement de mobilisation (…), je pense que la désobéissance civile ne serve pas l’intérêt du citoyen en premier lieu».
«C’est une grève générale et non pas une désobéissance civile»
Elle servira beaucoup plus les ennemis du mouvement. Poursuivre le rythme des marches pacifiques et civilisées est le seul moyen pour fermer le jeu à ceux qui veulent dévier notre mouvement». Aïssa Manseur, un expert agronome qui a était toujours présent lors des marches de vendredi, a écrit : «On ne doit pas se comporter comme le gouvernement, en prenant des décisions non calculées et ambiguës». Des personnalités politiques de l’opposition ont aussi réagi. «Il faut faire la distinction entre une grève générale et la désobéissance civile», a tweeté hier, Abdelmadjid Menasra, cadre dirigeant du MSP, ajoutant : «OUI à la grève. NON à la désobéissance civile pour sauvegarder notre mouvement pacifique aspirant au changement démocratique ! ».
Hamid Mecheri