Les superficies emblavées en céréales et légumes secs dépassent le seuil des 100 000 hectares, dans la wilaya d’Aïn Témouchent. Selon des informations qui restent quelque peu crédibles, plusieurs fellahs sont revenus à la monoculture céréalières pour moult raisons.
Primo: parce qu’il y a des facilités de financement de la campagne labours-semailles et des crédits octroyés au titre du crédit dénommé Rfik à zéro intérêt. Secundo: les prix pratiqués par les CCLS pour les semences et la production sont encourageants, en plus des possibilités d’enlèvement des semences et intrants à régler lors de la campagne moissons battages. Tertio: la main-d’œuvre qui fait défaut pour les autres spéculations telles que la viticulture, la production animale et le maraîchage n’est pas ressentie avec la même acuité pour la céréaliculture. Cette saison les prévisions de productions céréalières s’annoncent importantes, si l’on se réfère aux propos des fellahs de la région d’Aïn Témouchent. Les plus optimistes sont ceux de la plaine de la M’léta qui a été bien arrosée. L’observateur qui sillonne plusieurs zones aperçoit un immense tapi vert qui berce, au gré de vents doux. Au cœur de la M’léta les axes des céréales font cacher une vache. Les pluies de la dernière semaine de mars ont provoqué le versement des blés et orges. D’ores et déjà, les machinistes se préparent pour la grande campagne qui coïncide avec le mois de Ramadhan et bien avant pour les zones précoces. Les marché hebdomadaires d’Aïn El-Arbaâ, Hammam Bou Hadjar et Aïn Témouchent élargissent leurs activités aux produits et matériels qui vont avec la campagne moissons-battages. Des lots de sachets en plastique, le fil d’attache, l’outillage d’accompagnement, les pièces détachées, les pneus de remorques et de moissonneuses batteuses, les accessoires de botteleuses et autres effets de champ font le décor des marchés. Les chapeaux de paille attirent aussi de nombreux curieux et acheteurs, dont principalement les maquignons, les céréaliers et les personnes âgées. Cependant, l’assistant ne peut être indifférent quand il constate des étendues de céréales transformées en fourrages. Depuis le croisement reliant la RN108 à la bretelle du CW34A menant à El-Malah, une grande parcelle d’orge, épis formées et grains à l’état pâteux, a été fauchée, mercredi et jeudi passés. Quel gâchis! La spéculation bât son plein en ce début du mois d’avril. Les rumeurs font circuler les prix du fourrage à 600 da la botte. En pesant le pour et le contre, des spéculateurs préfèrent faucher les céréales que d’attendre la moisson. Et ils n’ont pas besoin d’attendre car la proposition vient des spéculateurs qui prennent contact avec les céréaliers. Pas n’importe lesquels, les beaux champs sont d’abord localisés et le marchandage commence avant que les machines se mettent à l’œuvre. Voilà comment on procède pour abattre des étendues de céréales. Les intermédiaires font tout d’abord leurs enquêtes et appâtent les acheteurs, non pas ceux de la région mais ceux venant de contrées lointaines. Il s’agit-là d’habitués qui se reconnaissent et connaissent les intermédiaires qui préparent tout avant l’arrivée des spéculateurs. De cette manière on fausse les statistiques et les prévisions des services habilités. Car au passage des commissions personne ne croit que de telles superficies feraient l’objet de fauchage. Faut-il comprendre que les fellahs sont libres, ils peuvent faucher les céréales comme ils peuvent les moissonner? Apparemment oui, car ce n’est pas la première fois qu’on pratique la fenaison précoce à titre spéculatif dans la wilaya d’Aïn Témouchent. Comment peut-on empêcher les agriculteurs et les convaincre à moissonner leurs champs de céréales, les orges notamment. Voilà une question intéressante. Car ces gens doivent être recensés par les services dûment habilités pour qu’ils ne bénéficient pas des aides et crédits lors de la prochaine campagne. D’habitude, ce sont les champs semés en vesce avoine qui sont transformés en fourrage. Cette tradition tend à disparaitre dans notre région et les causes sont nombreuses. L’une d’elle est la rareté et la cherté de la semence d’avoine.
C’est un produit importé. Pourquoi donc continuer à importer les semences de plusieurs spéculations de différents produits agricoles? Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans cette histoire. Que sont devenus les instituts en charge du développement de la génétique des semences en Algérie? Voilà l’autre question choc. Le grand travail qui attend le secteur de l’agriculture en Algérie est celui des instituts de développement des grandes cultures stratégiques qui n’arrivent pas à mettre au point des variétés de semences propres à notre climat et à notre sol. Cette question relance le débat et nécessite une grande réflexion.
Boualem Belhadri