Avec «Timbuktu», le réalisateur mauritanien Abderrahmane Sissako signe un plaidoyer poignant contre toutes les formes d’extrémisme. Il s’était confié à Metronews en mai dernier à Cannes. «J’essaie de raconter des histoires qui me semblent essentielles», confie Abderrhamane Sissako à metronews d’une voix basse et posée. Le cinéaste mauritanien de 53 ans n’a jamais dérogé à cette règle depuis ses débuts à la fin des années 1980. Après le succès de Bamako en 2006, porté notamment par Aïssa Maïga, il est de retour cette semaine en salles avec Timbuktu, un superbe plaidoyer contre l’intolérance, injustement boudé par le jury du Festival de Cannes, en mai dernier. «L’élément déclencheur de ce projet, c’est la lapidation d’un couple d’une trentaine d’années à Aguelhok (au Nord du Mali, ndlr), confie-t-il derrière ses lunettes de soleil, le visage triste. Cela s’est passé dans la grande indifférence des médias. Aujourd’hui, on parle plus facilement de la sortie de nouveaux téléphones que des gens qui meurent.» Ce drame, situé entre le conte et le pamphlet, nous ouvre les portes de Tombouctou, une ville tenue d’une main de fer par des djihadistes belliqueux armés de kalachnikovs. Soit autant d’hommes tenant en joug des habitants apeurés ou stoïques, obligés de raser les murs telles des ombres errantes.
«Il faut que l’Afrique s’indigne plus fortement et plus souvent»
«Il leur est interdit de chanter, de danser, de fumer, de jouer au football… commente Sissako. Aussi absurde que ça puisse paraître, ça se passe comme ça en vrai, et ça fait peur. Ces gens constituent un danger et causent un réel préjudice à l’Islam. Cette religion, comme d’autres, est régie par l’amour et la tolérance. Et quand ces deux choses sont prises en otage, c’est grave.» S’il parle avec la conviction d’un militant, l’intéressé ne se voit pas du tout en tant que tel. Il avoue d’ailleurs vouloir éviter d’aller «dans la déclaration d’une vérité», préférant privilégier un recul salutaire par rapport à la réalité qu’il filme. Philosophe, le réalisateur pense que la lutte contre l’obscurantisme, qui profite souvent d’un «tissu social fragilisé», doit se faire au sein même de la religion musulmane.
«C’est dans l’Islam qu’il faut mener le combat pour que d’autres ne se l’approprient pas, comme les extrémistes, qu’ils soient salafistes ou wahhabites, s’emporte Sissako. «Je parle de ceux qui défoncent les portes des mosquées ou qui arrivent à Tombouctou sans même parler la langue du pays. Je crois qu’il faut que l’Afrique s’indigne plus fortement et plus souvent». Message a été reçu cinq sur cinq.