Dans un pré verdoyant de Syrie, des combattants en treillis beige sautent une série d’obstacles: ils s’entraînent pour défendre leur région fédérale kurde, dans le nord du pays, proclamée en mars par ce peuple sans Etat. Serrant leur fusil sous le soleil printanier, ces combattants, comme des milliers d’autres, suivent une formation obligatoire de neuf mois pour rejoindre les Forces de protection autonomes (FPA).
Celles-ci, selon leur commandant en chef Renas Roza, seront responsables de la défense de la région fédérale proclamée le mois dernier lors d’une réunion de représentants de partis kurdes, arabes et assyriens.
«Ceci est le noyau d’une nouvelle armée qui défendra la région fédérale dans le nord de la Syrie», explique à l’AFP M. Roza dans son bureau à Rmeilane, près de la frontière turque. Le commandant se trouve sous une grande affiche du logo des FPA: un long sabre courbé traversé par un fusil sous une étoile rouge à cinq branches.
Selon M. Roza, des milliers d’hommes kurdes, arabes et chrétiens syriaques âgés de 18 à 30 ans ont suivi cette formation obligatoire. Pendant les deux premiers mois, les conscrits apprennent les rudiments de l’armée. Ils suivent ensuite des cours sur les droits de l’Homme et la façon de traiter avec les civils.
Neuf mois de service
Fadi Abdo Lahdo, un combattant syriaque en cours de formation dans le camp de Bawr, près de Rmeilane, explique que ses formateurs sont issus des forces commandos des Unités de protection du peuple kurde (YPG), branche militaire du Parti de l’union démocratique (PYD), principale formation kurde du pays. «Nous apprenons à franchir des obstacles, qu’ils soient naturels ou en dur», raconte ce combattant à la peau claire, les yeux plissés sous le soleil.
«J’ai servi cinq mois, il me reste quatre mois pour terminer mon service», déclare Rinas Ahmad, un conscrit de 18 ans aux cheveux gominés. «Nous avons été formés sur le comportement à avoir avec les civils pour ne pas devenir comme l’armée syrienne», ajoute-t-il. Les Kurdes de Syrie ont bénéficié du chaos généré par cinq ans de guerre, qui a morcelé le pays, pour étendre leur contrôle dans certaines régions du nord.
En 2012, ils ont instauré un système de trois «administrations autonomes» – Afrine, Kobané et Jaziré – qui ont désormais leurs propres forces de police et des écoles indépendantes. Et en mars, ils ont annoncé à Rmeilane l’établissement de la «région fédérale» unissant les trois cantons. Une assemblée de 31 membres est chargée de préparer le terrain pour ce projet. L’initiative a été rapidement critiquée à la fois par l’opposition et le régime, qui rejettent catégoriquement un système fédéral en Syrie.
Les insoumis traqués
Les Kurdes continuent néanmoins leurs préparatifs. Les camps d’entraînement sont actuellement opérationnels dans les cantons d’Afrine et Jaziré et le seront bientôt dans celui de Kobané, assure M. Roza.
Et garde à celui qui ne voudrait pas se soumettre au service militaire. «Nous vérifions les papiers des gens en les contrôlant aux checkpoints. S’ils n’ont pas fait la formation, nous les y amenons», affirme un porte-parole. Les habitants non-kurdes vivant dans les régions contrôlées par le PYD, qui se plaignaient déjà d’un service militaire obligatoire de six mois, doivent en faire désormais trois supplémentaires.
Les FPA ont commencé à se déployer dans les zones récemment reprises au groupe jihadiste Etat islamique (EI). Bien qu’elles ne soient pas encore impliquées dans les combats en première ligne, elles coopèrent avec les YPG et l’alliance arabo-kurde des Forces démocratiques syriennes (FDS). Ainsi, les combattants des FPA sécurisent les villes reprises à l’EI – comme Chadadi, dans la province de Hassaké. Les Kurdes contrôlent plus de 10% du territoire syrien et les trois-quarts de la frontière avec la Turquie, et ont joué un rôle-clé dans la lutte contre l’EI depuis l’émergence du groupe radical sunnite en Syrie en 2013.