
L’armée israélienne a commis, à l’aube de ce mardi, deux nouveaux massacres sanglants dans le centre et le sud de la bande de Ghaza, ciblant directement des civils et des familles déplacées, alors que ses frappes se poursuivent sans relâche dans l’est, le centre et le sud du territoire assiégé.
Dans le camp de réfugiés d’Al-Bureij, au centre de Ghaza, l’occupation a frappé de plusieurs drones suicides l’école « Abou Helou Est », qui abritait des familles déplacées. L’attaque a fait plusieurs morts et blessés parmi les civils, dont de nombreux enfants. Au sud, à Khan Younès, une autre frappe a visé une tente de la famille Al-Bayouk, près de la faculté Al-Ribat dans la zone côtière de Mawassi, tuant quatre personnes, dont deux enfants. Parallèlement, l’armée israélienne a intensifié ses bombardements sur les quartiers est de la ville de Ghaza, notamment Zeïtoun et Choujaïya, accompagnés de pilonnages et de destructions systématiques d’habitations. À Deïir El-Balah, un raid a frappé un appartement près de la boulangerie Al-Banna, faisant un mort et plusieurs blessés. À Rafah, un autre bombardement a visé les environs du chalet « Riviera » dans la zone de Mawassi, refuge de milliers de déplacés, causant la mort d’un civil et blessant plusieurs autres. Depuis le 7 octobre 2023, le bilan de l’agression israélienne s’élève désormais à 57 575 martyrs et 136 879 blessés. Selon des sources médicales, rien que depuis le 18 mars dernier, date de la reprise de l’offensive après un cessez-le-feu avorté, 7 013 personnes ont été tuées et 24 838 blessées. La situation reste dramatique : des dizaines de victimes demeurent encore sous les décombres, sans que les secours ne puissent les atteindre.
Lutter contre la faim et désespoir pour survivre
Au milieu de la mort et des ruines, la famine poursuit son œuvre meurtrière. À Mawassi Khan Younès, des centaines de milliers de déplacés, surtout venus de Khan Younès et Rafah, se pressent chaque jour autour des dernières cuisines collectives encore actives, espérant un maigre repas. Hommes, femmes et enfants font la file avec de vieilles casseroles ou des boîtes rouillées, pour un peu de lentilles, de boulghour ou de soupe — souvent sans même un morceau de pain.
« Je me lève chaque matin avec l’unique espoir de ramener une marmite de soupe de lentilles pour mes dix enfants », raconte Salman Abou Ramadan, déplacé, qui brave chaque jour les bombardements pour se rendre à la ‘tekia’. « On attend des heures, au milieu des ventres affamés, juste pour un bol qui ne suffit même pas à calmer la faim. » Les bénévoles, comme Mohamed Rabah, confirment les difficultés : manque cruel de légumes, de légumineuses, pénuries organisées par le blocus israélien qui empêche toute entrée de nourriture depuis mars. Les rares stocks arrivent parfois des aides détournées ou revendues à prix exorbitants, tandis que les transferts de fonds sont grignotés par des frais de change énormes qui dépassent 40 %. Trop affamés pour rester chez eux, certains Palestiniens risquent leur vie pour tenter d’obtenir de la farine ou quelques vivres auprès des centres d’aide internationale. Mais là encore, la mort guette. Anis Chaer témoigne : « Je suis allé jusqu’à un centre d’aide à Rafah, malgré les bombardements. Mais c’était l’enfer : des foules affamées, des tirs, des blessures délibérées… On nous vise exprès pour nous tuer ou nous handicaper. La plupart repartent les mains vides, moi aussi. » Talal Abou Al-Araj, lui, a renoncé : « J’ai failli mourir sous mes yeux. J’ai vu trop de corps. J’ai préféré affronter la faim plutôt que les balles. »
Appels au cessez-le-feu ignorés
Face à la catastrophe humanitaire, l’ONU, par la voix de l’UNRWA, tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme. L’agence souligne que « le temps est compté pour les habitants de Ghaza : nourriture, médicaments et lieux sûrs ont disparu ». Plus d’un million d’enfants vivent désormais au rythme de la guerre et du déplacement permanent, privés d’école et d’alimentation de base. Les autorités israéliennes continuent pourtant de bloquer toutes les livraisons humanitaires. Depuis le 2 mars, aucun passage n’est ouvert pour faire entrer les convois d’aide, malgré les milliers de camions immobilisés aux frontières.
21 mois de guerre : une extermination planifiée
En plus des massacres quotidiens, l’armée israélienne poursuit sa politique de déplacements forcés. Mardi, un nouveau communiqué sommait tous les habitants de plusieurs blocs à Khan Younès d’évacuer immédiatement vers l’ouest, incluant même ceux qui vivent sous des tentes dans ces quartiers. Une longue liste de zones, dont l’hôpital Nasser et plusieurs mosquées et quartiers entiers, est aujourd’hui vidée de ses habitants sous la menace directe.
Depuis octobre 2023, la guerre a déjà fait plus de 194 000 morts et blessés, majoritairement des enfants et des femmes, plus de 11 000 disparus, et a jeté des centaines de milliers de personnes sur les routes de l’exil interne, piégées dans un cycle infernal de bombardements et de famine. Dans ce contexte, l’appel de l’UNRWA résonne comme un dernier cri : « Un cessez-le-feu immédiat est vital pour sauver ce qu’il reste d’enfants à Ghaza et offrir à cette région un futur qui ne soit pas fait que de sang et de ruines. » En attendant, dans les cuisines collectives, les files de casseroles rouillées et de ventres vides continuent de s’allonger, sous les drones et les bombes. Parce qu’à Ghaza, en 2025, survivre est devenu un acte de résistance.
M. Seghilani