Deux employés de l’ambassade israélienne ont été tués mercredi soir par balles à proximité du musée juif de Washington, en plein centre de la capitale américaine.
L’auteur, Elias Rodriguez, un citoyen de Chicago âgé de 30 ans, aurait crié : « Liberté pour la Palestine ! » et a affirmé avoir agi « pour Ghaza», avant de se rendre calmement à la police.
L’attaque s’est déroulée alors qu’un événement diplomatique rassemblait de jeunes professionnels juifs et des représentants diplomatiques dans les locaux du musée. Loin de fuir, Rodriguez a attendu l’arrivée des forces de l’ordre, assumant pleinement son geste. Il n’était connu d’aucun service de sécurité, et les autorités affirment qu’il a agi seul. Si les autorités américaines, à commencer par Donald Trump, ont aussitôt qualifié la fusillade d’acte « antisémite », plusieurs voix s’élèvent pour replacer l’événement dans un contexte plus large : celui d’une révolte croissante face à l’impunité israélienne dans la bande de Ghaza, où l’État hébreu mène depuis 17 mois une guerre qualifiée de génocidaire, causant des dizaines de milliers de morts, en majorité civils. Les propos tenus par l’assaillant font écho à un profond sentiment de colère partagé par des millions de personnes à travers le monde, choquées par les massacres perpétrés à Ghaza, les bombardements sur les hôpitaux, les écoles et les camps de réfugiés. Pour certains observateurs, ce type d’action ne relève pas uniquement d’un fanatisme individuel, mais d’un désespoir politique croissant dans un monde où les instances internationales peinent à imposer des sanctions à Israël. « C’est le cri d’un homme seul, mais porteur de la voix de milliers de victimes ignorées », commente une militante pro-palestinienne américaine. « Ce n’est pas un acte de haine, c’est un acte de rupture. »
Israël détourne l’attention du génocide à Ghaza
Au lieu d’interroger les causes profondes du geste, Israël s’est empressé d’en faire un levier politique. Le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Sa’ar, a accusé certains responsables européens d’« incitation à la haine», insinuant que les critiques envers la politique israélienne alimenteraient les violences. Le Premier ministre Netanyahou est allé plus loin, en visant directement Paris, Londres et Ottawa – trois capitales qui ont récemment dénoncé les « exactions » de l’armée israélienne à Ghaza. Il a ordonné un renforcement immédiat de la sécurité dans les ambassades israéliennes à travers le monde. Mais les réactions ne se sont pas fait attendre : Paris a qualifié les accusations israéliennes de « honteuses » et « infondées ».
À Bruxelles, l’ambassadeur israélien a lui-même reconnu que « les images des enfants de Ghaza sous les bombes » avaient érodé le soutien de l’Europe à Israël.
Vers un basculement narratif ?
Alors que l’appareil diplomatique israélien tente de faire passer toute critique de sa politique pour de l’antisémitisme, des voix dissidentes s’élèvent au sein même d’Israël. Yair Golan, ancien général et dirigeant du parti de gauche « Les Démocrates », a dénoncé « un gouvernement qui alimente la haine et l’antisémitisme, isolant les Juifs dans le monde entier. » L’acte commis à Washington ne peut être compris isolément. Il est le reflet d’une rupture morale et politique profonde, dans un monde de plus en plus indigné par l’impunité d’un État accusé de crimes contre l’humanité. Si la violence n’est jamais une solution, elle révèle ici le degré de désespoir atteint face au silence complice des grandes puissances. Le tir de Rodriguez ne visait pas des civils au hasard. Il visait des représentants d’un État accusé de génocide. Qu’on le veuille ou non, c’est un acte politique. Et il oblige à poser la seule vraie question qui dérange : quand l’injustice devient la règle, la révolte devient-elle un devoir ?
M. Seghilani