La corruption et le népotisme sont une marque déposée du makhzen et sont érigés comme institution et mode de gestion de l’administration publique. Les sujets de sa majesté, le roitelet M6, font chaque jour face à une machine où les passe-droits sont légion et dont les mors broient les petites gens, ceux que les pontes de la famille royale et le makhzen considèrent comme la populace pour paraphraser un homme politique de l’extrême droite française. Et quand cette institution devient le régent des recrutements dans le corps de la justice, on se dit forcément que le Rubicon est franchi et que les souffrances du peuple marocain ont atteint un point de non-retour.
Samedi dernier le Comité national des victimes de l’examen du barreau et la Coordination nationale des recalés aux examens de recrutement judiciaire ont manifesté devant le Parlement, brandissant des slogans appelant à la transparence et à l’intégrité dans l’attribution des diplômes universitaires et des spécialisations juridiques. Ce comité dénonce le népotisme et le favoritisme qui ont prévalu durant la tenue des examens professionnels du secteur de la justice. La manifestation devant le parlement a été organisée alors que certaines victimes des pratiques relevées lors de l’examen du barreau et du concours de délégué judiciaire et greffier ont sollicité l’intervention de Mohamed Benalilou, président de l’Instance nationale pour l’intégrité, la prévention et la lutte contre la corruption, auquel ils ont soumis une liste de revendications parmi lesquelles la démission de Abdelatif Ouahbi, ministre de la Justice du gouvernement Akhenouch.
Le comité a publié au terme du rassemblement devant le parlement un communiqué dans lequel il a affirmé que cette manifestation est une continuation du programme de lutte prévu et « une dénonciation des violations et des manipulations qui ont entaché les examens du ministère de la Justice, ainsi que l’injustice, l’exclusion et la discrimination qui les accompagnent ». Ils ont appelé à « lier la responsabilité à la reddition de comptes et à rendre justice aux personnes concernées ». Abdel Nasser Oulad Abdallah, membre du Comité national des victimes de l’examen du barreau, a souligné que les preuves de l’ampleur de la corruption s’accumulent de jour en jour, notamment après le scandale entourant la vente de diplômes d’études supérieures. Il a exprimé sa surprise face à la « réussite » de certains titulaires de ces faux diplômes aux examens, alors que des individus compétents sont exclus. Il a appelé à une enquête judiciaire sur l’impact des réseaux de falsification sur les résultats des examens, soulignant la nécessité pour le pouvoir judiciaire de « riposter aux réseaux corrompus qui exercent leur influence sur les concours publics ».
Il faut rappeler dans ce cadre que ces candidats recalés aux épreuves de qualification pour la profession d’avocat et au concours des greffiers manifestent depuis bientôt trois ans. Ils ont pris le pli de descendre dans la rue pour protester contre le « favoritisme et le népotisme dans l’accès aux concours de recrutement au ministère de la Justice ».
L’année dernière, ils avaient manifesté pour dénoncer la participation de Mohamed Abdelwahab Rafiki, connu sous le nom d’Abou Hafs, une figure salafiste éminente et conseiller du ministre de la Justice, au concours des greffiers. Bien que ne remplissant pas les conditions légales, il avait été reçu à ce concours. Au Maroc, la loi sur la fonction publique stipule que l’âge des candidats aux concours de la fonction publique ne doit pas dépasser 45 ans, or ce dernier est âgé de 55 ans. L’autorisation donnée à Rafiki pour passer le concours des greffiers a été justifiée par le fait que la loi permet aux candidats aux concours de la fonction publique de soumettre une demande à ce sujet au Premier ministre, afin d’obtenir une dérogation. Cependant, les candidats recalés estiment que les résultats du concours des greffiers et d’accès aux postes administratifs dans le secteur de la justice sont le reflet de la corruption qui marque les concours de recrutement au ministère de la Justice. Et cet exemple n’est qu’une goutte dans l’océan de la corruption dans lequel pataugent les Marocains. Le secteur de la santé est lui également décrié. Plusieurs patients se sont vus demander de l’argent pour obtenir un rendez-vous ou bénéficier d’une visite médicale dans les dispensaires et autres centres publics de santé. Les réseaux sociaux avaient même relayé, il y a moins d’une année, une vidéo montrant une patiente décédée dans la cour d’un centre de santé tout simplement parce que son accompagnateur n’avait pas d’argent pour payer l’agent chargé de l’accueil dans cette structure censée offrir des soins gratuits aux malades. Le Makhzen a bâti sa puissance sur la corruption, le favoritisme et le népotisme. Les sujets de M6 en souffrent et ils ne manquent pas de l’exprimer publiquement ce qui laisse supposer qu’une colère sourde est en train de couver et que le front social pourrait exploser bientôt pour faire vaciller les fondements du royaume.
Slimane B.