Le retour des revendications sociales ramène obligatoirement à la nécessité de passer à une économie productive à même d’assurer des rentrées substantielles de devises, en plus des recettes d’hydrocarbures.
Avec les experts, le président de la République s’accorde à dire que la diversification de l’économie est impérative, sauf que le mode d’emploi pour y parvenir n’est pas le même pour tous. M. Tebboune était d’accord sur la nécessité de réduire la dépendance par rapport aux hydrocarbures, avant de se prononcer sur la nécessité, selon lui, d’explorer le gaz de schiste alors qu’il nous a habitués au dialogue avant chaque prise de décision. Plusieurs spécialistes ont une position plus nuancée sur la question. Parmi ceux-là, MM. Mebtoul, Saïd Beghoul et Mourad Preure et même Chems-Eddine Chitour et Ferhat Aït Ali, actuellement ministres de son gouvernement. Au prétexte que l’épuisement des réserves conventionnels semble inexorable, M. Tebboune voudrait autoriser l’exploitation de ces ressources alors que l’idée a suscité des manifestations dès 2015, et ce pour diverses raisons, d’ordre écologique et sanitaire surtout. Le Pr Chitour disait que l’exploitation du gaz de schiste devrait attendre l’horizon 2030, lorsque la technologie serait mature. Mais le serait-elle, si on en juge par les conséquences désastreuses aux USA ?
« Le schiste reste très hypothétique au vu des caractéristiques géologiques des roches ciblées », assénait l’expert en énergie, Saïd Beghoul, en 2015. Il ajoutait : « Il n’y pas eu, au préalable, un vrai débat démocratique sur l’opportunité du gaz de schiste en Algérie. Le pays a d’éminents géologues et économistes, mais à ma connaissance ils n’ont jamais été consultés sur la faisabilité de ce projet ». Certes, grâce au schiste, les États-Unis sont devenus les rois du pétrole. Mais à quel prix ? D’abord il faut préciser qu’aux USA les ressources du sous-sol n’appartiennent pas au peuple ni à l’État, contrairement à ce qui est stipulé dans notre Constitution, mais à leur propriétaire. Les défenseurs de l’environnement et de la santé n’y peuvent rien, en dépit des conséquences désastreuses : destruction des paysages, pollution des eaux, séismes locaux, émission de gaz à effet de serre… Les effets sur la faune et la flore vont, chez l’homme, avec l’augmentation du nombre des cancers, des naissances prématurées et des troubles des systèmes nerveux et respiratoire… De plus, l’exploitation du gaz de schiste exige une quantité phénoménale d’eau, puisque chaque forage nécessite entre 15 et 20 millions de litres additionnés à des produits chimiques. Les eaux usées des forages risquent de polluer les nappes phréatiques, et cela ne peut se savoir qu’au bout de plusieurs années. Selon une étude publiée dans Sciences Advances, les entreprises de forage ont utilisé 770 % d’eau supplémentaire par puits entre 2011 et 2016. Conséquence : une augmentation de 1 440 % d’eaux usées toxiques relâchées.
L’Algérie détiendrait la troisième réserve de gaz de schiste au monde. La tentation est grande si on cherche la facilité. Le défi ne serait-il pas de n’en faire qu’une solution ultime, en cas d’extrême nécessité? Les énergies renouvelables représentent moins de 0,1% du bilan électrique algérien, contre 53,5 %, de l’énergie consommée en Suède. N’est-il pas temps d’en prioriser l’exploitation, comme le préconise le Pr Preure ? Ne faut-il pas tabler sur les industries et les autres secteurs sans prendre le risque de polluer les plus grandes des richesses qui soient : la nature et l’eau ? Pour sauver ces trésors, les Algériens ne seraient-ils pas capables de se serrer la ceinture et de retrousser les manches ?
A.E.T.