Placée au centre de rivalités régionales et internationales, la Libye sera, demain, au cœur d’une Conférence internationale à Berlin, après une semaine du cessez-le-feu, entré en vigueur depuis dimanche dernier.
L’arrêt des hostilités est décrété entre le Gouvernement d’union nationale de Fayez El-Serraj et les troupes du maréchal Khalifa Haftar, qui n’a pas apposé sa signature sur l’accord de l’arrêt des combats, lors de la rencontre de Moscou, tenue lundi dernier, alors que son rival, Fayez El-Serraj, avait signé cet accord. Les participants au rendez-vous de Berlin, demain, sur la crise libyenne devront examiner les questions importantes demeurant en suspens, le dépassement des divergences entre acteurs étrangers, en vue de maintenir le cap du cessez-le-feu pour discuter sur le mécanisme de surveillance de l’arrêt des combats, pour la relance effective du dialogue politique entre les Libyens, qui doit être à l’abri des interférences étrangères pour éviter de rééditer son échec, comme par le passé, après l’accord de Skhirat 2015. Si la crise libyenne s’illustrait, jusque-là, par les tensions et les conflits entre les deux principaux rivaux, Fayez el-Seraj et Khalifa Haftar, avec l’annonce par Ankara, mise en exécution, de l’envoi de ses troupes militaires en Libye, le rôle premier des pays étrangers -France, Italie, Qatar, Turquie, Émirat arabes unis, Arabie saoudite, Égypte, Russie, États-Unis- s’est révélé au grand jour, sur le cours des évènements dans ce pays, plongé dans le chaos, depuis 2011, suite à l’intervention de l’Otan dans la crise libyenne. À moins de quelques jours de la Conférence de Berlin, le Premier ministre italien, Giuseppe Conte avait annoncé l’éventuel envoi de ses troupes militaires en Libye, lors de ses déclarations aux médias, « si les conditions de sécurité et les objectifs politiques sont clairs» a-t-il déclaré, la semaine passée, faisant savoir que son pays est prêt à envoyer ses militaires pour superviser le cessez-le-feu, sans manquer de relever que son pays soutient la solution politique à la crise libyenne. Alors que de Moscou, à Rome et d’Ankara, à Alger et du Caire à Tunis et de Dubaï à Ryadh, ainsi que de Tripoli à Benghazi, un mouvement diplomatique intense est observé, depuis plus de dix jours, suivi de déclarations de hauts responsables des pays précités et des responsables libyens notamment Fayez el-Serraj, force est de constater que deux acteurs occidentaux influents sur la scène libyenne sont restés en retrait, sans pour autant ne pas être présents, demain, à la Conférence de Berlin. Le ministre allemand des Affaires étrangères Heiko Maas a rencontré à l’Est libyen, à Benghazi, le maréchal Haftar jeudi dernier et a assuré que ce dernier avait promis de respecter le cessez-le-feu et était prêt « en principe » à participer à la conférence internationale de Berlin. L’objectif premier de cette conférence consiste à consolider la trêve et surtout empêcher des ingérences étrangères en Libye, notamment par un soutien militaire. Sur cette base, un embargo sur les armes sera proposé aux participants, selon Berlin.
Le chef de l’EM US : «Les États-Unis prendront une décision sur le niveau de leur présence en Afrique…»
Il s’agit des États-Unis et de la France, qui leur absence sur le plan diplomatique ne signifie nullement, l’absence de leurs rôles respectifs, en direction de la crise et la scène libyenne et notamment dans l’ensemble de la région du Sahel. Lundi dernier, le chef d’État-major américain, Mark Milley, au moment où le président français Emmanuel Macron réunissait le G5-Sahel à Pau, dans le sud de la France, pour la relance des efforts de cette coalition comprenant, le Mali, le Niger, le Burkina Faso, le Tchad et la Mauritanie, le chef d’état-major américain, Mark Milley a assuré que son pays n’avait aucune intention de se retirer totalement d’Afrique, déclarant que « beaucoup pensent que -nous nous retirons d’Afrique- , c’est une description erronée et une exagération », a-t-il dit au groupe de journalistes dans l’avion de retour vers Washington, après une réunion qu’il a eue à Paris avec son homologue français, le général François Lecointre. Le responsable militaire américain avait déclaré également que « la question sur laquelle nous travaillons avec les Français, c’est le niveau de soutien que nous leur apportons. Est-ce trop? Est-ce trop peu? Est-ce que c’est ce qu’il faut?» avant de souligner qu’il rentrait à Washington « pour transmettre les demandes de Paris à M. Esper (secrétaire américain à la Défense Mark Esper : Ndlr) » pour que ce dernier prenne une décision. Il est à rappeler que dans la déclaration des Chefs d’État du G5 Sahel à Pau, avec le président Emmanuel Macron , les présidents des pays du G5 Sahel ont exprimé « le souhait de la poursuite de l’engagement militaire de la France au Sahel » et plaidé pour « un renforcement de la présence internationale à leurs côtés » sans manquer d’exprimer leur reconnaissance à l’égard de « l’appui crucial » apporté par les États-Unis et aussi ont exprimé le souhait de sa continuité. Réaffirmant que leur action commune « vise à protéger les populations civiles, à défendre la souveraineté des états du G5 Sahel conformément aux résolutions pertinentes du Conseil de Sécurité des Nations unies et aux accords bilatéraux en vigueur, ils ont souligné que leur action commune vise aussi « à prévenir une extension de la menace terroriste dans les pays frontaliers et à ramener la stabilité », condition indispensable du développement.
Et pour revenir au chef d’état-major américain, le général Mark Milley, celui-ci a indiqué, que « Les États-Unis prendront une décision sur le niveau de leur présence en Afrique, notamment dans la région où opèrent la France et le G5 Sahel, d’ici deux mois environ », déclarant qu’ « Il n’y a pas de calendrier précis » avant d’ajouter que « nous aurons probablement des décisions au niveau du ministre de la Défense dans un mois ou deux, peut-être six semaines » a-t-il indiqué. Aussi de son côté, le responsable américain Mark Esper avait annoncé, son intention de mettre en œuvre « la stratégie de défense nationale définie par son prédécesseur Jim Mattis » qui recentre les efforts du ministère de la défense américain, vers les concurrents stratégiques des états-Unis : la Chine et la Russie, au dépens de la lutte anti-terroriste.
La Conférence de Berlin signe une nouvelle étape
Demain, le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo assistera à la conférence internationale sur la Libye. Il compte faire part du soutien de son pays aux efforts pour consolider la trêve, avait indiqué, jeudi dernier, le département d’État américain. Une cessation des hostilités entre les deux protagonistes libyens, en vigueur depuis dimanche dernier, aux portes de la capitale libyenne est respectée, selon des responsables onusiens et autres, mais que nul n’ignore que le cessez-le-feu est très fragile en Libye, sur fond du jeu des grandes puissances étrangères dans ce pays, risquant de devenir le nouveau terreau des milliers de terroristes étrangers, de retour de Syrie, après leur défaite, et leur déferlement et installation en Turquie n’est pas envisageable par le président turc, après que son pays ait fortement contribué à les mobiliser, depuis 2012, dans le sillage de la guerre d’acteurs étrangers –membres de l’otan et leurs alliés- contre la République syrienne.
Berlin, qui verra la participation des principaux protagonistes libyens, le président du Conseil présidentiel du GNA, Fayez el-Serraj et le chef de l’Armée nationale libyenne, le maréchal Khalifa Haftar, enregistrera la participation de Présidents et de Chefs de gouvernement de pays étrangers ainsi que voisins à la Libye. Seront présents: le locataire du Kremlin, Valdimir Poutine, le président turc Receep Tayip Erdogan, le locataire de l’Elysée, Emmanuel Macron, le président Égyptien, Abdelfattah Essisi, le Premier ministre italien et son homologue du Royaume-Uni et aussi de hauts responsables de l’Union européenne, les pays voisins à la Libye: l’Algérie et la Tunisie. Il est à rappeler que le président de la République, Abdelmadjid Tebboune avait reçu, deux appels téléphoniques, en l’espace de moins d’une semaine, de la Chancelière allemande, Angela Merkel, l’invitant à prendre part à la conférence de Berlin, au moment où Alger vivait au rythme d’un ballet diplomatique, de responsables libyens, composant la délégation conduite par Fayez El-Serraj et celle représentant Khalifa Haftar et celui de hauts responsables de pays impliqués sur la scène libyenne: Turquie, Italie et l’Égypte outre le déplacement, du chef de la diplomatie, Sabri Boukkadoum, mardi et mercredi derniers, à Ryadh et Dubaï, et la visite, jeudi dernier, à Alger, à deux jours avant la Conférence de Berlin, du premier ministre italien, Giuseppe Conte, lors de laquelle, il a été reçu par le président Tebboune. Le ministre allemand des Affaires étrangères Heiko Maas a rencontré à Benghazi le maréchal Haftar et a assuré que ce dernier avait promis de respecter le cessez-le-feu et était prêt « en principe » à participer à la conférence internationale à Berlin. L’objectif premier de cette conférence consiste à consolider la trêve et surtout empêcher des ingérences étrangères en Libye, notamment par un soutien militaire. Sur cette base, un embargo sur les armes sera proposé aux participants, selon Berlin.
Karima Bennour