L’ appel du chef d’état-major, Ahmed Gaïd Salah, au « dialogue constructif » en vue de sortir de la crise politique à laquelle est confronté le pays, a fait réagir des personnalités nationales et des acteurs politiques de la scène nationale, apportant chacun de son côté sa réponse et position, à l’instar de l’avocat Mustapha Bouchachi et l’ancien chef du gouvernement Ahmed Benbitour qui ont réaffirmé leur rejet de toute initiative de dialogue, avec Abdelkader Bensalah et son premier ministre, Nourredine Bedoui. Par contre le parti d’El Moustakbel et les partis islamistes tels le MSP et le FJD l’ont salué . SAÏD SADI : « IL S’AGIT DE TENTATIONS AUTORITAIRES » L’ex-président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), Saïd Sadi, a attribué à Gaïd Salah des « tentations autoritaires » et se montre un peu sceptique sur la volonté de l’Armée à répondre favorablement aux aspirations des citoyens. « Une chose se profile un peu plus de semaine en semaine. Il se confirme qu’une rencontre féconde entre l’état-major et la révolution citoyenne a de moins en moins de chance de se produire. Si la raison ne prévaut pas, si les choses n’évoluent pas rapidement vers plus de lucidité, si les inclinations maladives à la ruse ne cèdent pas, le croisement, s’il devait avoir lieu, ne se fera pas dans le calme et la sérénité attendus par le mouvement », met-il en garde.
BOUCHACHI : « PAS DE DIALOGUE AVEC LES FIGURES DU RÉGIME DE BOUTEFLIKA »
Pour l’avocat Mustapha Bouchachi, « Il est sûr que le dialogue est une méthode civilisée pour régler les problèmes. Mais je veux poser une question : dialoguer avec qui ? Comment et pourquoi ? La feuille de route des Algériens, qui manifestent pacifiquement, depuis le 22 février dernier, est claire : ils veulent le départ du régime et tous ses symboles ». Les Algériens ont une position, souligne- t-il « de principe par rapport au chef de l’état par intérim et au Premier ministre, celle de ne pas dialoguer avec les figures du régime de l’ex-président Bouteflika», a-t-il tonné dans une vidéo postée sur sa page Facebook, après le discours de Gaïd Salah. Bouchachi en veut pour preuve le boycott massif des consultations politiques organisées par Abdelkader Bensalah, le 22 avril dernier. « Les invités et les acteurs politiques ne sont pas partis parce qu’ils considèrent que les représentants du régime n’ont pas de crédibilité nécessaire pour engager un dialogue. Le chef de l’état par intérim a vécu dix-sept ans avec le régime, des dizaines d’années pour le Premier ministre. Les Algériens ne peuvent pas croire que ceux-là peuvent engager une période de transition avec, au bout, la construction d’institutions d’un nouvel état», affirme-t-il. à cet effet l’avocat a lancé : «si on veut un vrai dialogue, on doit le faire pour élaborer une feuille de route consensuelle. Nous voulons une période de transition dirigée par des hommes et des femmes acceptés par les Algériens. Ils auront à adopter les législations nécessaires pour organiser des élections présidentielles ou d’autres consultations avec une commission indépendante pour organiser les scrutins et un gouvernement neutre composé de cadres honnêtes».Conclu-t-il.
BENBITOUR PROPOSE D’ALLER VERS UNE TRANSITION
D’UN AN De son côté Ahmed Benbitour, ancien chef du gouvernement, propose une période de transition de 8 à 12 mois, avant la tenue des élections présidentielles. « Nous avons certainement besoin d’une période de transition d’une durée de 8 à 12 mois pour préparer les conditions nécessaires pour les élections présidentielles transparentes et crédibles. La période de transition permettra de fixer une feuille de route pour le prochain président », a soutenu Benbitour lors d’une réunion avec des opposants jeudi passé.
EL MOUSTAKBEL : LE DIALOGUE COMME «MOYEN UNIQUE DE SORTIE DE CRISE
Le Front El Moustakbel d’Abdelaziz Belaïd à adopté le dialogue comme «moyen unique de sortie de crise et s’éloigner des calculs pour trouver les mécanismes et de rapprochement des points de vue de nature à réunir le climat idoine à la tenue d’une élection présidentielle. Dans son communiqué le Front El Moustakbel a par ailleurs mis en garde contre «une période de transition» considérant que les élections sont «l’unique solution démocratique pour sortir de la crise dans le cadre de la Constitution».
LE FJD : « UNE RÉPONSE FAVORABLE AUX PROPOSITIONS DE L’OPPOSITION »
Même attitude affichée par le porte-parole du Front pour la justice et le développement (FJD), Lakhdar Benkhellaf, qui a salué la teneur du message du chef d’état-major de l’ANP aux propositions de l’opposition représentée par l’Alliance des forces de changement, tout en suggérant un report de l’élection présidentielle. Le porte-parole du parti d’Abdallah Djaballah propose un report de six mois pour permettre l’ouverture d’un large dialogue devant réunir des représentants de l’institution militaire, de la société civile, du mouvement populaire et des partis de l’opposition, excluant de fait les partis traditionnellement loyaux au pouvoir.
LE MSP SALUE TOUTE OPTION VERS UN DIALOGUE LARGE
Le Mouvement de la Société pour la Paix (MSP) salue et apprécie toute « option sincère vers un dialogue large et inclusif, soutenu et parrainé par des institutions crédibles », a-t-il affirmé dans un communiqué. « Le MSP n’a pas cessé et ne cesse d’appeler à la nécessité de recourir aux mécanismes de dialogue pour résoudre les crises, surmonter les difficultés et parvenir à un consensus national le plus large » a précisé le MSP, en souhaitant, dans son communiqué, que «des institutions crédibles», allusion à l’Institution militaire, accompagnant le processus. Le parti d’Abderrazak Makri estime même que c’est la meilleure voie pour aboutir à une solution «consensuelle » à la crise politique qui secoue le pays, qui doit passer par « la satisfaction des revendications portées par le mouvement de contestation populaire ». Par ailleurs le même parti dénonce «tous les appels à la division et à l’escalade, susceptibles de menacer l’unité nationale », en réitérant son appel à la poursuite de la mobilisation populaire pacifique, pour le changement du système politique en place.
Sarah Oubraham