La presse mondiale revient au lendemain des manifestations en Algérie sur la marée humaine dans les principales villes du pays et leur caractère pacifique.
Un impact considérable dans l’opinion publique internationale et un fait est relevé, la fraternisation entre manifestants et les forces de sécurité, du jamais vu si l’on compare aux affrontements violents d’hier sur les Champs Elysées, lors de la manifestation des gilets jaunes. La presse française est celle qui consacre le plus de place aux manifestations dans le pays et insiste sur leur coté pacifique mais aussi sur la détermination des manifestants à faire partir Bouteflika et à rejeter ses propositions de sortie de crise. Dans sa globalité, la presse se dit incapable de déterminer le nombre des manifestants, elle parle, par contre de centaines de milliers, de « marée humaine » ou de « foules massives ». Jeune Afrique note dans un article « l’impossible décompte des manifestants ». « Des centaines ? Des milliers ? Le nombre de manifestants ayant participé aux marches contre le cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika a fait l’objet de différents décomptes. Sur les réseaux sociaux, des internautes algériens ont vertement interpellé dès le mois de février les journalistes de l’Agence France-Presse (AFP) qui parlaient de +plusieurs centaines+ de manifestants des jours de protestation à Alger, alors que des milliers de personnes marchaient dans les rues selon des clichés et des vidéos prises ce jour-là », a-t-il écrit, s’interrogeant : « Et si l’important était ailleurs ».
France 24 résume cette difficulté sur son site en estimant que « le nombre exact de manifestants à Alger est difficile à établir, ni les autorités ni les protestataires ne communiquant de chiffres ». Par ailleurs, certains titres de la presse française n’ont oublié de noter que les manifestations de vendredi interviennent « alors que les autorités ont proposé, lundi, une feuille de route pour la transition rejetée par l’opposition », comme le souligne La Tribune. « Il s’agit du 4e vendredi consécutif de contestation massive contre le chef de l’État algérien, qui a annoncé lundi le report de l’élection présidentielle prévue le 18 avril », écrit le même journal, tandis que TV5 Monde note que « chaque manifestation en Algérie efface l’autre » pour montrer l’évolution du nombre de participants-plusieurs millions a travers le pays – et des revendications.
Le quotidien Libération qui écrit « En Algérie, la rue dépend des vendredis », fait remarquer que « si l’issue du mouvement reste incertaine, chaque jour qui passe depuis le 22 février voit la multiplication d’actions collectives et citoyennes venant réaffirmer la volonté des Algériens d’écrire eux-mêmes leur destin ». Le journal évoque une « atmosphère détendue et de joie » de la jeunesse algérienne pleine de « vitalité et de fraîcheur » face à « un pouvoir vieillissant qui ne sait plus quoi inventer pour se maintenir ». De son côté, Le Monde souligne que le mouvement est « rétif à toute forme de +structuration+ », faisant observer que « trois semaines après sa naissance, la mobilisation des Algériens est dirigée autant contre le régime que contre les organisations politiques et syndicales traditionnelles ». Côté ambiance, il relève que « comme les semaines précédentes, l’emblème national – vert et blanc, frappé du croissant et de l’étoile rouges – est omniprésent : drapeaux de toutes tailles, brandis ou portés en cape, écharpes, casquettes… Le drapeau algérien est également largement déployé aux balcons des immeubles ».
Radio France Internationale (RFI) a estimé que la « forte mobilisation » de vendredi était un « test contre Bouteflika », estimant que les décisions du président de la République « n’auront pas suffi à apaiser la colère de la rue ». Dans son éditorial « Trop tard, trop peu », Le Figaro a estimé qu’en politique, « quand on +lâche+, le risque est de devoir concéder davantage. Voire parfois de tout perdre », soulignant que « c’est à cette loi immémoriale que le pouvoir algérien risque de se trouver douloureusement confronté ».
« Par excès de confiance, par incapacité́ à élaborer un +plan B+, le camp présidentiel s’est accroché à la candidature de Abdelaziz Bouteflika. Longtemps, trop longtemps. Avant de devoir prendre acte de l’inéluctable », a-t-il ajouté. Paris-Match relève pour sa part qu’une « nouveauté » dans les manifestations de vendredi, soulignant que « de nombreuses pancartes à Alger ont fustigé la France, ancienne puissance coloniale, et son président Emmanuel Macron ».
« +C’est le peuple qui choisit, pas la France+, proclamait une grande banderole. +L’Élysée, stop ! On est en 2019, pas en 1830+, date de la conquête de l’Algérie par la France, rappelait une pancarte », a écrit le magazine. Sur le même sujet, Le Monde évoque l’ironie de certains slogans qui s’adressent directement au président français comme « Macron, tu es trop petit pour l’Algérie d’aujourd’hui », ou « Macron, occupe-toi de tes “gilets jaunes ». +La France, 132 ans ça suffit, halte à l’ingérence+, indique une pancarte », relate le quotidien du soir. La presse britannique va plus loin dans ses analyses et estime que les gouvernants ne méritent pas ce peuple à la bravoure légendaire.
Mokhtar Bendib