Jamais une élection présidentielle n’a suscité autant d’opacité, de remous, de rancœurs, d’appréhensions et de coups de gueule entre les partisans de la continuité avec pour candidat, le président sortant, Bouteflika, pour sa propre succession pour le scrutin du 18 avril prochain, et de l’autre côté, des citoyens qui rejettent et refusent le 5e mandat.
Cet antagonisme « féroce » dans les propos qui a commencé bien avant le lancement officiel de la campagne électorale a auguré déjà un fait inédit où les Algériens sont sortis deux vendredis successifs (22 février, et 1er mars) par centaines de milliers, sinon par millions dans plusieurs villes du pays pour dire non au 5e mandat. En effet, tel l’effet d’une boule de neige où la propension des citoyens dans ces marches pacifiques n’a laissé personne insensible.
Même si ces revendications, qui se sont focalisées sur le rejet du 5e mandat et un changement radical dans la gérance du pays, se sont déroulées dans le calme avec un haut degré de maturité politique de la part des manifestants. Cependant, il est utile de souligner qu’elles échappent à toute emprise des partis de l’opposition, encore moins à celle du pouvoir, mais qu’elles doivent se mettre à l’abri de toutes les tentatives de récupérations des uns et des autres.
Certes, l’élection présidentielle d’avril prochain vient de prendre une tournure exceptionnelle, sinon comment expliquer ces marches de protestations dont l’onde a dépassé les frontières du pays , où les Algériens établis à l’étranger ont manifesté aussi leur désapprobation à ce nouveau mandat qui le placent dans un surréalisme qui dépasse l’entendement de toute personne sensée. Car les partisans de la «Continuité» persistent dans leur détermination sur la candidature du Président, alors que la date buttoir pour les dépôts des dossiers de candidature à la Présidentielle 2019 est prévue pour aujourd’hui, le 3 mars à minuit.
Cela dit, l’élection présidentielle du 18 avril prochain n’a pas livré tous ses secrets et il faut s’attendre à de nouveaux rebondissements, du moins dans les candidatures. Reste que dans l’absolu, dire « non » au 5e mandat alors que la machine électorale s’est mise en branle avec la révision des listes électorales, la mise sur pied des directions de campagnes par les différents candidats peut devenir toxique pour un climat électoral qui s’annonce enflammé, car la crainte, en fait, c’est que ces marches, dites « spontanées », risquent de déborder et accoucher bien de surprises avec toutes conséquences sur la sécurité du pays. Et, dans pareil cas, la situation deviendrait incontrôlable.
Même si, jusqu’à maintenant, et en toute démocratie, la rue a exprimé à sa manière ce qu’elle pense de cette élection et comment elle appréhende l’avenir du pays, il n’en demeure pas moins que les mouvements de foules lorsqu’ils ne sont pas encadrés restent fragiles et sujets à toute instrumentalisation. Face à cette équation à plusieurs inconnues, que va faire le pouvoir, et quelles réponses va-t-il donner à ces protestations historiques qui veulent son effacement de la scène politique nationale, à fortiori son départ pur et simple ?
Mâalem Abdelyakine