Des milliers d’étudiants et enseignants, appuyés par des citoyens de tout âge, ont marché à nouveau, hier, dans la Capitale comme à travers plusieurs wilayas du pays, pour une 44e manifestation grandiose de suite, et ce depuis le 26 février historique jour de la première marche nationale des étudiants pour le changement du système politique en place et l’édification d’un État de droit.
Ainsi, la famille estudiantine a maintenu sa manifestation hebdomadaire malgré le deuil national de trois jours décrété par le président Tebboune suite au décès, survenu soudainement, du chef d’état-major de l’ANP, le général Ahmed Gaïd Salah, décédé lundi dernier d’un arrêt cardiaque.
S’il y a une image frappante à cette action de protestation, aucun slogan ou pancarte n’a visé le défunt, Chef d’état-major de l’ANP depuis 2004 qui s’en va à l’âge de 79 ans, après avoir géré à la tête du Commandement de l’ANP, plus de 10 mois durant, l’une des graves crises politiques qu’a vécue l’Algérie.
«Malgré qu’il était visé depuis plusieurs mois dans les manifestations populaires, maintenant il n’est plus parmi nous. Notre éducation et notre Religion ne nous permettent pas de s’en prendre aux morts. Rebbi yerahmou (Paix à son âme), par respect au défunt et à sa famille. Sa mort (Ahmed Gaïd Salah, ndlr) ne change rien pour le mouvement populaire pacifique, car le peuple qui sort depuis le 22 février dernier n’est contre personne, mais contre tout un système», nous affirme une étudiante croisée sur les lieux avant l’entame de la marche. La marche s’est ébranlée de la Place des Martyrs peu après 10h30. Hier, après avoir entonné l’hymne national «Kassaman», comme de coutume, les marcheurs se sont dirigés vers la place Maurice-Audin en empruntant la rue Bab-Azzoune, le Square Port-Saïd, la Place Émir-Abdelkader et la Grande Poste. Munis de pancartes, drapeaux frappés des couleurs nationales, les manifestants ont renouvelé l’attachement du peuple et sa détermination à l’édification d’un État de droit. Ainsi, rejoints et soutenus par des centaines de citoyens, femmes et hommes, personnes âgées et jeunes, à partir de la Place des Martyrs, et tout au long de l’itinéraire de la marche, qui s’étendra jusqu’à la Place Maurice-Audin, les étudiants ont scandé les habituels slogans, comme «Algérie libre et démocratique», «On continuera pacifiquement notre lutte». «Pas de dialogue, pas de chantage, libérez les otages». Les étudiants ont scandé également des slogans en faveur de « la liberté de la presse » et de « l’indépendance de la justice». Un étudiant rencontré près de la Fac centrale d’Alger nous a indiqué que «le peuple qui aspire à la liberté ne s’arrêtera pas, il a trop soif !» Il y a lieu de noter qu’avant la 45e marche populaire citoyenne pacifique à travers le pays, vendredi prochain, qui coïncidera avec le 41e anniversaire de la mort de feu président Houari Boumedienne, sa citation mémorable «l’état ne disparaît pas avec la disparition des hommes » est revenue dans la bouche de plusieurs manifestants que nous avons rencontrés à la marche d’hier.
Louisa Dris Aït Hamadouche: «L’Algérie à l’abri d’un effondrement constitutionnel»
Rencontrée, hier, en marge de la manifestation des étudiants à Alger, la politologue Louisa Dris Aït Hamadouche, enseignante à l’Université d’Alger, nous a déclaré que « l’Algérie n’est pas menacée d’un effondrement constitutionnel» vu, a-t-elle poursuivi, que « la passation de consigne entre le transfert de pouvoir de l’ancien à l’actuel chef d’état-major s’est faite de façon naturelle». Pour elle, « aujourd’hui nous sommes là face à une logique biologique et générationnelle qui offre une possibilité de transition générationnelle qui aurait dû se faire avant même que la biologie ne s’impose comme un fait inévitable.
Mais bon. Nous sommes face à un début de transition générationnelle à travers la biologie. La disparition de l’ex-Chef d’état-major est significative, dans le sens où il a occupé une place extrêmement importante sur l’échiquier politique depuis plusieurs mois déjà». Ce qui est positif, selon Louisa Aït Hamadouche, c’est le fait que «la passation de consignes entre le transfert de pouvoir, de l’ancien à l’actuel chef d’état-major, s’est faite de façon naturelle. Ce qui montre bien que ce qui est très important, c’est que l’Algérie n’est pas menacée d’un effondrement constitutionnel. C’est quelque chose de positif et c’est ce qui doit rassurer quant à la nécessité de faire des changements politiques profonds sans que cela remette en cause la stabilité des Institutions de l’État», a-t-elle conclu.
Mohamed Amrouni