Dans leur 43e marche de suite, hier, à Alger, les étudiants, à travers les slogans scandés de vives voix ou les pancartes brandies ne semblent pas sensibles à l’appel au dialogue, lancé au Hirak, par le nouveau président Abdelmadjid Tebboune. En revanche, les manifestants ont réaffirmé leur soutien aux détenus d’opinion et autres manifestants victimes de la répression vendredi dernier.
Quelques centaines de manifestants ont renoué avec la mobilisation, hier, à travers les grandes villes du pays, mais aussi à Alger, lieu principal des rassemblements, à l’occasion du 43ème acte de ce Mouvement des étudiants débuté il y a près de dix mois. Une mobilisation très forte par rapport à mardi dernier, intervenant juste après l’élection présidentielle, très contestée par ce mouvement. La grande horloge dominant la place des Martyrs affiche 10H40, lorsque les étudiants, déjà rassemblés dès le matin, sont rejoints par de nombreux citoyens hommes, femmes, personnes handicapées et enfants, pour faire cause commune. Le dispositif sécuritaire était très impressionnant et tout le périmètre de la marche a été strictement sécurisé. Aucun incident n’a été heureusement signalé. Et pourtant, l’appréhension d’une répression était grande.
Des médecins étudiants bénévoles étaient sur place avec du matériel de premiers soins pour intervenir en cas de nécessité. Après avoir entonné l’hymne national, les marcheurs ont tenu à rendre tout d’abord hommage aux manifestants oranais réprimés vendredi dernier ainssi qu’aux blessés du Hirak. Se bandant un œil, référence aux blessés à l’œil enregistrés lors des manifestations précédentes, les marcheurs ont crié : « Ya waharna Bravo 3likum, W Ldjazaïr taftakhar Bikum ! », (bravo les Oranais, l’Algérie est fière de vous). Un manifestant a écrit sur une pancarte : « Aussi brutale et violente soit- elle, la répression ne pourra faire taire la voix de la Justice et de la liberté ». Un autre scandait : « Je suis Oran. Je suis Bouira. Je suis toute l’Algérie ». Des marcheurs ont proposé de constituer des collectes et un «fonds populaire» pour rassembler de l’argent et aider les familles des blessés. Des appels et pancartes appelaient aussi à la libération des détenus du Hirak et les militants, Lakhdar Bouregrâa, Samir Belarbi et autres. Avec les cris de « Dawla madania machi 3askaria » (État civil et non pas militaire !) et « Istiklal ! » (Indépendance !), la procession humaine a démarré en empruntant la Rue Bab Azzoune, la place de la Rue Ali Boumendjal, l’Émir Abdelkader, Larbi Ben M’hidi, l’avenue Pasteur et la place Audin.
En réponse à l’offre de dialogue du président de la République, Abdelmadjid Tebboune, avec le Mouvement populaire juste après son élection, le Hirak estudiantin a fait recours encore une fois au génie populaire pour apporter sa réponse. Un nouveau chant est innové pour la circonstance : « Ma Ma Ma Ma ! Jina majabounach ! Ma Ma Ma Ma ! Tebboune Mayahkamnach ! » Ils ont critiqué durement l’élection présidentielle qui a vu sortir de l’urne le président Tebboune et le «faible taux de participation» à l’élection. « Makach Hiwar M3a l3ssabat ! » (Pas de dialogue avec les bandes), criaient les manifestants.
Ils rejettent ainsi le dialogue, mais surtout dénoncent toute personnalité acceptant le dialogue au nom du Hirak sans une satisfaction préalable de ses revendications : « Vive le génie populaire. Le Hirak est guidé par une puissance surhumaine. Que les élites, les partis et le pouvoir se taisent ! Nos revendications sont justices équitables, État civil et social », explique une pancarte. « Il n’y aura pas de dialogue. C’est nous la majorité. C’est nous le pouvoir », crie encore un manifestant. Un autre le coupe : « On en a marre de ce système. Pour moi, il n’y a plus rien à attendre d’eux. Il faut qu’ils s’en aillent tous. La mari3a, la corruption,… assez, c’est assez. Nous continuerons jusqu’au bout ».
Sur une grande pancarte déployée, on peut lire : « Parce que la structuration du système politique, ses institutions et la Constitution ont été conçus sur les mesures de l’anarchie et la corruption et non pas sur les critères de Justice et de transparence, nous décidons que notre Hirak se poursuivra ». En traversant le Boulevard Amircouhe en direction de la Place Audin, les manifestations criaient : « Maranach habssine ! » (Nous n’arrêterons pas !). Vers 13H30, la manifestation a pris fin sur des chants patriotiques et sans incidents.
Hamid Mecheri