Accueil MONDE Viols en Centrafrique : Bangui entre colère et désillusion

Viols en Centrafrique : Bangui entre colère et désillusion

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Après les accusations de viols d’enfants contre des soldats français, les habitants de Bangui demandent que justice «soit faite». «Inhumain», «inadmissible», «criminel» : suite aux accusations de viols d’enfants centrafricains par des soldats français, des habitants de Bangui, partagés entre dégoût et colère, demandent que justice «soit faite». Des enquêtes, ouvertes par la justice française et centrafricaine, doivent déterminer si ces soldats français ont réellement abusé d’enfants au camp de réfugiés de M’Poko, près de l’aéroport de Bangui, comme l’affirment des témoignages circonstanciés d’enfants compilés dans un document de l’ONU. Mais dans les rues de la capitale, des habitants estiment que les soldats français de l’opération Sangaris, en Centrafrique depuis décembre 2013 pour mettre fin aux violences contre la population, sont déjà coupables. «Ceux qui sont censés nous protéger se comportent aujourd’hui comme des violeurs. Il faut absolument qu’ils soient retrouvés, traqués et traduits devant la justice afin qu’ils répondent de leurs actes», affirme d’un ton furieux Judickaël Kpéngoulougna. Pour ce jeune chômeur, «depuis que la crise a éclaté en Centrafrique, les Centrafricains ont perdu le droit au respect. Même pour donner quelque chose à manger aux enfants, il va falloir qu’on les viole, ça doit finir». Florentine Guinawiune, mère au foyer d’une trentaine d’années, indignée : «Ce que les Sangaris ont fait, je pense que c’est inadmissible, (…) traiter les enfants comme ça parce qu’ils ont faim. Ils devaient assister ces enfants. C’est pas du tout humain.» «Ils sont venus pour aider et non pour violer», renchérit Ibrahim Ahamat, membre de la Coordination des musulmans de Centrafrique, qui parle d’actes «criminels».

Image de la France ternie
L’affaire est explosive et entache la réputation de l’armée française, très présente en Afrique. Les Français avaient pourtant été accueillis en héros dans les rues de Bangui à leur arrivée il y a un an et demi. Le 5 décembre 2013, une explosion de haine embrase Bangui : des miliciens anti-balaka ont lancé une vaste offensive dans plusieurs quartiers de la capitale, massacrant de nombreux civils musulmans et entraînant des représailles sanglantes des combattants Séléka, au pouvoir, contre la population. Des centaines de cadavres jonchent les rues.
Quelques heures plus tard, la France, intervenue six fois déjà dans son ancienne colonie depuis son indépendance en 1960, lance l’opération Sangaris. La foule acclame les soldats à leur passage, mais déchantera nombre de fois car des massacres se poursuivent les semaines et mois suivants. Sangaris sera parfois accusée de soutenir une communauté au détriment d’une autre. «Sangaris nous avait apportés de l’espoir au début de notre crise. Nous l’avions saluée. Nous ne comprenons plus ce qui se passe. Auraient-ils un agenda caché ? Pourquoi n’ont-ils pas mis fin à la crise et se comportent négativement ?», s’interroge Jean-Louis Damoino, étudiant. «C’est un comportement qui ternit l’image de la France venue en RCA aider les Centrafricains», déplore pour sa part Fred Patrick Mokoteme, 33 ans, enseignant dans une école privée de Bangui. L’archevêque de Bangui, Dieudonné Nzapalainga, a pour sa part souligné vendredi que la force Sangaris «est un grand groupe et dans tout groupe, il peut y avoir des brebis galeuses mais ça ne veut pas dire qu’on doit jeter l’anathème ou l’opprobre sur un groupe, bien au contraire (…)». «La mission Sangaris doit rester avec ses objectifs et aussi les moyens qu’on lui a assignée pour continuer ici», a-t-il ajouté, appelant ses compatriotes à ne pas pas «faire d’amalgame», ni «considérer que tous les éléments Sangaris sont maintenant des pédophiles». Bars, petits commerces, marchés : si l’indignation est la même partout, la situation reste calme à Bangui depuis les révélations parues mercredi dans le quotidien britannique The Guardian. Les patrouilles françaises continuent à circuler sur les grands axes et leur passage ne déclenche pas de réactions d’hostilité particulière.
Et le gouvernement centrafricain de transition n’a pour l’instant fait aucun commentaire. Pour Ibrahim Ahamat, ce n’est pas la première fois que des troupes étrangères commettent des viols de civils en Centrafrique, habituée aux coups d’État et rébellions armées depuis l’indépendance en 1960, et où se sont succédé de nombreuses opérations internationales de maintien de la paix. «Une cour pénale spéciale (chargée de juger les crimes graves commis durant la crise) a été créée en Centrafrique.
Qu’elle se saisisse de cette affaire, que les auteurs soient jugés, voire radiés de l’armée. Rien ne nous garantit que ces soldats, une fois rapatriés en France, seront réellement jugés pour que les victimes aient réparation», poursuit-il. Mais Aïcha se veut plus mesurée. Dans son salon de coiffure, la jeune femme a «seulement écouté à la radio que c’est l’armée française qui a violé des enfants de 9 ans». Mais, juge-t-elle, il faut désormais laisser la justice «faire son travail».

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