En procédant le 5 septembre dernier à la création de nouveaux postes diplomatiques et la nomination en place de sept envoyés spéciaux, il était question pour le président de la République de rendre à la politique étrangère de l’Algérie une action proactive et une vision prospective. Pas que, et bien que plus que ça, nous, explique, hier, le Pr Berkouk M’hand spécialisé dans les questions géostratégiques et sécuritaires.
Ainsi, à travers cette action- une première dans les annales de la diplomatie nationale- consistant aussi en un mouvement dans le corps diplomatique et consulaire, « il y a volonté de booster et de revoir les objectifs de la politique étrangère de l’Algérie », analyse l’invité du Forum, précisant que la décision va dans le sens de faire passer la diplomatie algérienne de la logique de « représentation » à la logique d’ « influence ». Il en était temps en effet, à considérer notamment les bouleversements géostratégiques dans la région, le Maghreb et l’espace sahélo-saharien entendre, dont il y a, selon Pr Berkouk, quelque 12 pays qui se disputent le terrain stratégique, sécuritaire et économique.
Autrement, cite-t-il comme exemple, la France, l’Italie, les États-Unis, les Emirats arabes unis, l’Arabie saoudite… qui cherchent à tirer profit dans la région alors que la dernière alliance conclue par le Maroc avec Israël sioniste, non sans prendre en considération le rapprochement du Tchad avec l’entité sioniste sont autant de facteur d’instabilité qui ont poussé l’Algérie de revoir de fond en comble sa politique étrangère. « Cela va de la survie même de l’Etat-nation algérien», explique l’expert en géostratégie pour qui, la révolution opérée dans la diplomatie ne remet pas en cause les principes de l’Etat-nation, la souveraineté et la doxa de la politique étrangère nationale.
Au titre des enjeux derrière le passage de la diplomatie algérienne au stade d’influence, Pr Berkouk en énumère les axes principaux. Primo, il y a le besoin pour l’Algérie d’aspirer à une sécurité « juridique » durable en interne et pouvant s’expliquer par un « fonctionnement normal » des institutions. C’est-à-dire, aller vers une « stabilité systémique », explique notre invité. Entendre, tout changement doit suivre le processus constitutionnel où la classe politique se verra jouer un rôle plus performant sur le plan législatif. Secundo, l’autre enjeu de cette vision nouvelle de la politique étrangère qui n’est pas des moindres, sinon capital, vise la sécurité de l’Algérie dans l’espace géographique et géostratégique. Pour preuve, le constat établi par le Pr Berkouk pour la région maghrébine et sahélo-saharienne. Un constat selon lequel l’insécurité et l’instabilité politique prévalant au Mali et en Libye- combien même l’Algérie a réussi le pari de reprendre la main sur ces deux dossiers-, la crise politique en Tunisie à laquelle s’ajoutera, outre-mesure, le « pacte des loups » conclu entre le Maroc et Israël, sont des facteurs qui font dire à l’expert international que « la stabilité dans la région n’est pas pour demain, pas pour les dix prochaines années ». Loin du bouillonnement de l’espace régional qui s’étend du Mali jusqu’en Egypte, mais dont l’influence n’est pas du reste, pour le Pr Berkouk, le retour des talibans du pouvoir en Afghanistan doit y être considérer comme facteur d’instabilité.
Tertio, notre invité a évoqué l’enjeu économique dans une région en proie aux convoitises des puissances où la concurrence est sans pitié, mais dont l’Algérie plus que jamais a besoin de consolider ses relations stratégiques comme c’est le cas avec la Chine et la Russie, mais aussi projeter sur la révision des accords avec l’UE dans le but ultime de préserver les intérêts nationaux. Pourquoi ne pas aussi, suggère le professeur, de ne pas aller vers des partenariats stratégiques avec les pays émergents, comme l’Inde l’Indonésie (réhabiliter les relations historiques) le Brésil ou encore l’Argentine. C’est d’autant plus que le plan de relance économique vise à s’affranchir de la dépendance étouffante aux hydrocarbures. Autrement, la diversification de notre économique peut passer par la diversification des partenaires étrangers. Pour peu que les intérêts soient équitablement justes sur la base de la règle « gagnant-gagnant ».
Farid Guellil