Des millions d’Algériennes et d’Algériens ont marché à nouveau, hier vendredi, à travers le pays, pour une 7e manifestation grandiose de suite et en date depuis le 22 Février historique.
À Alger, la manifestation était encore beaucoup plus mobilisatrice, déterminante et tranchante surtout avec un mot d’ordre appelant à la restitution de la souveraineté au peuple algérien, changer le système avec une feuille de route qui passerait sans les symboles et figures du système en place. Dans la capitale, la marche a tenu toute ses promesses par la mobilisation, la manière pacifique et le niveau des revendications qui fait de plus en plus mouche et suivi assez souvent par un effet immédiat sur le terrain. Ainsi, les manifestants ont battu le pavé, simultanément, à travers tout le pays, munis de pancartes, drapeaux frappés des couleurs nationales, pour revendiquer la mise en place d’une nouvelle République. Après six vendredis consécutifs depuis le 22 février dernier, la 7e grande marche était celle de la victoire et projetant sur l’espoir d’en arracher encore à d’autres succès populaires et citoyens après la démission du président Bouteflika. La révolte nationale pacifique était d’ailleurs hier à son premier vendredi post-Bouteflika, l’ex-président sortant après 20 ans de règne à la tête du pouvoir.
L’affluence des marcheurs était à son comble vers 11h à la Grande-Poste d’Alger, comme aussi au niveau des places Maurice Audin, le 1er Mai ou encore la place des Martyrs. Sur place, a-t-on constaté, une mobilisation plus importante que le précédent vendredi, où des centaines de milliers d’Algériennes et d’Algériens ont affiché leur détermination à faire évincer «tous les partisans et les anciens fidèles de l’ex-Président», maintenant que lui-même ait quitté le pouvoir.
«Bouteflika c’est fini ! À qui le tour ?»
Place Maurice Audin, des manifestants portent une grande banderole entre les mains et sur laquelle on pouvait lire : «les 3 B, dégagez ! C’est la décision du peuple le seul et l’unique souverain.» «Le peuple exige le changement politique profond du système en place. Le peuple va maintenir la pression sur le pouvoir en place. Nous exigeons le départ des symboles du système Bouteflika, comme le président du Sénat, Abdelkader Bensalah, le Premier ministre, Noureddine Bedoui, et du président du Conseil constitutionnel, Tayeb Belaïz », comme nous l’a lancé un étudiant, rencontré parmi ses compères, non loin de l’esplanade de la Grande-Poste.
«Le peuple veut une République civile»
Au fur et à mesure que les marcheurs avancent, la foule ne faisant que s’élargir. À la Place Audin, Hayet, une mère de trois enfants, nous dira que « le peuple réclame l’activation de l’article 7. Le peuple veut choisir son gouvernement de transition». Hamid, son mari, lui emboîte le pas : «Il est temps de prendre en compte le pouvoir légitime, l’incontournable, celui du peuple», et de préciser que « le peuple veut aller sur la voie de l’élaboration d’une législation garantissant l’État de droit, les libertés individuelles et collectives. » Sur place, des discussions et des chuchotements sont engagés entre manifestants, portant notamment sur la période de transition. Les youyous fusaient de partout et exprimant la victoire contre l’ex-président de la République. Tarek, un jeune qui suivait de près nos échanges, a affirmé que « ce vendredi est le premier après le départ de Bouteflika. C’est donc une journée qui se veut être pleine d’espoir après cette victoire partielle, (la démission du chef de l’État).» Ou encore de juger que « le peuple veut aller vers une vraie transition démocratique», avant de poursuivre sa marche, en tenant à immortaliser une scène avec son Smartphone en tenant le drapeau national à bras-le-corps.
Gaid Salah ? Chacun y va de son propre avis !
Contrairement aux cas de Bensalah, Belaïz et Bedoui, dont la démission est exigée par des manifestants, les avis des marcheurs divergent sur Gaïd Salah, le chef d’état-major de l’ANP. Croisé devant le tunnel des Facultés, Hakim nous à indiqué que « je pense que le peuple ne cessera de manifester ses revendications soulevées depuis le 22 février dernier, tant que celles-ci ne sont pas encore satisfaites. L’application de l’article 102 risque de privilégier des changements de forme et non pas de fond», estime notre interlocuteur comme pour renvoyer à l’article 7 surtout qui confère le pouvoir et la souveraineté au peuple algérien. «C’est vrai qu’El Djeïch (Armée nationale) est le nôtre. Mais Gaïd fait, lui aussi, partie du système en place, on réclame son départ. “Goulna Ga3, c’est ga3” (Nous avons dit tous, c’est tous), point barre ! », a conclu Hakim.
Un autre jeune, par contre, scande, «Djeïch, Chaâb khawa khawa !» (Armée et peuple sont des frères), avant de répondre à Hakim que «Gaïd Salah s’est rangé du côté du peuple et il s’est engagé à satisfaire toutes ses revendications parmi lesquelles figurent le départ du système et une transition démocratique, pour construire une Algérie nouvelle et un État de droit. »
Mohamed Amrouni