Accueil MONDE Turquie : les Faucons de la liberté, ennemis publics numéro 1

Turquie : les Faucons de la liberté, ennemis publics numéro 1

0

Le groupe terroriste kurde, qui a revendiqué son deuxième attentat en moins d’un mois à Ankara, promet de poursuivre les attaques dans le pays.

Même si le commanditaire ne faisait plus vraiment de doute, jeudi matin, la confirmation est tombée. « Nous, les Faucons de la liberté du Kurdistan (TAK, NDLR), nous revendiquons l’attaque du 13 mars 2016, à 18 h 45, au cœur d’Ankara, capitale de la République fasciste de Turquie. » Un attentat-suicide sanglant, dans un quartier très fréquenté de la métropole anatolienne, qui a fait 35 morts et 120 blessés. Dans un communiqué martial, rédigé en kurde, les TAK (classés sur la liste des organisations terroristes par les États-Unis et l’Union européenne) confirment également l’identité du kamikaze : Seher Cagla Demir, une jeune femme de 24 ans. Un nom qui, dès le lendemain de l’attaque, faisait déjà le tour des médias turcs et des réseaux sociaux. Il y a tout juste un mois, les TAK frappaient une première fois la capitale turque lors d’un attentat-suicide contre des bus de l’armée, tuant 29 personnes. En frappant de nouveau « la citadelle barbare » en son cœur, l’organisation terroriste kurde souhaitait « venger » les civils tués lors des combats qui font rage dans le sud-est de la Turquie.

« Un prête-nom »
En effet, depuis juillet, plusieurs dizaines de civils sont morts au cours de lourdes opérations militaires menées par les forces de sécurité turques dans plusieurs cités kurdes. Des opérations censées déloger les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan, le PKK (bête noire d’Ankara depuis trois décennies), retranchés dans les zones urbaines de la région. Une organisation avec laquelle les Faucons de la liberté du Kurdistan tiennent pourtant à marquer leur différence, jugeant notamment la ligne du PKK trop modérée. Dès leur fondation, en 2004, ils se font connaître par plusieurs attaques dans l’ouest de la Turquie visant des militaires mais également des touristes, quand le PKK, lui, choisit de ne s’attaquer qu’aux forces de sécurité. Une prise de distance vis-à-vis du PKK à laquelle ne croit pas Nihat Ali Özcan, analyste en sécurité au think tank Tepav. « Même si l’organisation TAK se déclare dissidente du Parti des travailleurs du Kurdistan, elle fait en réalité partie intégrante de la stratégie du PKK », avance-t-il. Selon lui, les TAK ne sont qu’un prête-nom de l’organisation kurde, utilisé pour « mener des opérations visant les civils sans affecter leur réputation auprès des populations qu’elle défend ».

Changement de cap
Le PKK préserverait ainsi dans le même temps son image – finement travaillée – hors des frontières de la Turquie. Depuis plus d’un an, l’organisation kurde a su gagner les faveurs des puissances occidentales en devenant, via le PYD (sa branche syrienne), le principal allier au sol de la coalition anti-Daech en Syrie. La stratégie de la terreur, mise en œuvre ces dernières semaines en Turquie, montre cependant le changement de cap opéré par le PKK. « Au fil des décennies, l’État et la population turcs se sont habitués à voir des attaques contre la police et l’armée, rappelle Nihat Ali Özcan ». Désormais, avec « cette évolution beaucoup plus radicale, conséquence des agissements parfois violents de l’État turc, le PKK veut forcer le gouvernement à négocier avec lui », sous peine de voir les attentats contre des civils se poursuivre.

Psychose
Un gouvernement turc vertement critiqué ces dernières semaines et pointé du doigt pour ses manquements. « Il y a clairement une faiblesse de l’État quand, en l’espace de cinq mois, la Turquie est victime d’une attaque de Daech (contre une manifestation pour la paix, faisant 103 morts, NDLR) et deux du PKK », explique Nihat Ali Özcan. La faute à de sérieuses lacunes de la part de ses services de renseignements que l’analyste explique par les purges successives effectuées par l’éxécutif turc « dans l’ensemble des services de police et de renseignements ».
Ces faiblesses sécuritaires alimentent un climat de tension omniprésent en Turquie. Alors qu’au sud-est les combats entre membres du PKK et forces de sécurité se poursuivent pour un neuvième mois consécutif, dans l’ouest, une certaine psychose gagne peu à peu la population. Ce jeudi, la République allemande a ainsi décidé de fermer, pour un jour, son ambassade à Ankara ainsi que son consulat et son lycée à Istanbul. Et, depuis plusieurs jours déjà, des messages d’alerte appelant à éviter les lieux publics s’échangent sur les portables.

Menaces
Une menace que l’analyste en sécurité du Tepav ne veut pas sous-estimer : « Les jours à venir seront de plus en plus dangereux, car les groupes terroristes ont perçu les faiblesses de l’État et redoublent d’efforts en se lançant dans une compétition de puissance. »
Face à cela, le gouvernement multiplie les déclarations et promet – après chaque attentat – un renforcement drastique des mesures de sécurité à travers le pays. Pas de quoi refroidir les TAK, apprend-on à la lecture de leur communiqué de jeudi. « Même si le gouvernement fasciste de l’AKP a décidé de prendre des mesures de sécurité, cela ne sera pas un problème pour nous. » Et de menacer : « Les gens qui vivent en Turquie doivent savoir que, tant qu’il y aura une dictature fasciste ici, personne ne pourra vivre en sécurité. Nous allons continuer notre action tant que la République de Turquie perpétrera les massacres et occupera le Kurdistan. »

Article précédentAïn Témouchent : réouverture de la pêche de l’espadon
Article suivantANSEJ à Chlef : 506 projets financés en 2015