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Travail des enfants : une dure réalité à Adrar

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Durant les vacances scolaires d’hiver, les enfants sont confrontés à une liberté totale suite à l’absence des parents qui, agissant ainsi, participent à leur indépendance, impossible à contrôler par la suite. Certains sont affectés directement aux écoles coraniques qui prennent le relais des écoles sous l’œil vigilant du « taleb », craint et appréhendé car, avec lui, on ne rigole pas. Les travaux ou boulots qu’entreprennent ces enfants diffèrent d’un quartier à l’autre. Il y a ceux qui ramassent et font les poubelles, et Mébarek est l’un d’eux. L’inspection des détritus commence en fin d’après-midi, et le secteur retenu est bien défini au risque de ne pas piétiner celui des autres, ce qui entraînerait des rixes à coup sûr. La fouille est minutieuse et fructueuse, mais parfois rien parce que d’autres ramasseurs sont passés par là. Une fois la tournée terminée, en retourne à la maison où commence un tri, car tout doit être bien rangé pour être vendu le lendemain au plus offrant. Plastique à part, vêtements, chaussures, c’est fou ce que les gens jettent ; parfois les objets sont en bon état.

Certains comme Abdelkader ont opté pour une petite table confectionnée à partir de planches qui servira pour la vente de cigarettes. Ce garçon, âgé d’une quinzaine d’années, est orphelin de mère, décédée à la suite d’une longue maladie. Son père n’a pas attendu trop longtemps pour se remarier. La marâtre allait faire voir de toutes les couleurs à notre adolescent qui encaisse sans broncher au risque de déclencher la colère paternelle. Devant cette situation qui empirait quotidiennement, l’école buissonnière s’avérait comme un véritable refuge et une escapade, afin de se soutirer aux paroles acerbes et véhémentes de la belle-mère.
L’idée de quitter le logement familial germait dans sa tête et un beau jour, sans crier gare, sans prévenir personne, il tire doucement la porte et s’éclipse pour ne plus revenir. Le propriétaire d’un café l’accueille et lui réserve un petit espace pour installer sa table. Le matin, il devait par contre se mettre sur la terrasse et commencer son boulot : vendre des cigarettes. Mais durant l’hiver, le froid était rigoureux. La tête recouverte d’un bonnet, une petite veste de survêtement pour se couvrir du vent, Abdelkader se frotte les mains, histoire de se revigorer. Paquets de cigarettes, briquets, quoi, tout l’attirail du fumeur ! Afin de ne pas retenir les plus pressés, il doit toujours avoir de la monnaie. Treize heures, une petite pause s’impose, un sandwich est avalé à la hâte et, de nouveau, il est devant sa table, boulot oblige !

Qu’il vente, qu’il pleuve, Abdelkader est omniprésent
Un autre jeune a trouvé une autre astuce pour glaner quelques sous : vendre des oranges. Ahmed a connu un parcours en dents de scie. Des parents analphabètes, des frères et sœurs en bas âge, il fallait agir avec dextérité et rapporter quelque chose à la maison. Le fond pour commencer, il ne l’avait pas : sa mère dut se défaire de son unique bijou, une bague en or héritée de la maman et qui allait servir à quelque chose au lieu de la garder au doigt. Grâce à l’argent de la vente, des oranges sont achetées et installées sur la charrette d’un ami de la famille qui s’est proposé à les aider : une aubaine ! Sept heures du matin, le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt. Abdelkader quitte le logis pour déambuler dans les artères de la ville et entamer la vente à la criée. Allez, oranges sucrées à 120 DA le kilo, venez goûter, elles sont succulentes. Il est un peu plus de midi quand il s’immobilise enfin à l’abri d’une ombre pour casser la croûte : un quartier de pastèque avec un morceau de pain et de l’eau, bien-sûr ! La journée se termine vers 20 heures, juste le temps de défaire sa charrette, de donner à manger à la bête, d’avaler une soupe, et Abdelkader s’affale, complètement avachi, un repos mérité car une rude journée l’attend encore demain.
Djamel, c’est le prénom d’un autre gamin qui a eu une autre idée de se faire un peu d’argent. Ses parents lui ont dégoté un baby-foot, et comme c’est un garçon débrouillard a vite fait de le rentabiliser grâce à des parties à cinq dinars. La queue est longue et les enfants de la cité viennent à en découdre afin d’affirmer leur supériorité.
Djamel, casquette vissée sur le crâne, le teint basané, une veste et un pantalon usés, ne bronche pas. Il doit veiller au bon déroulement et éliminer les mauvais payeurs, pas de place pour les vicieux. Heureusement, sa forte corpulence lui permet de s’imposer sans difficulté. Les parties ne se terminent qu’aux alentours de vingt et une heures. Ahmed rentre chez lui faisant le compte, une somme rondelette, pourvu que ça continue !
Safi A.T.

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