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Toxicomanie : le phénomène en expansion à Bouira

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La journée d’étude consacrée à la toxicomanie et organisée, jeudi dernier, à l’Université de Bouira par la direction de l’action sociale (DAS), a été une vraie réussite. Elle a, par l’intérêt particulier qu’elle présentait, permis de cerner dans son ensemble la problématique de la toxicomanie et de proposer les réponses qu’elle appelle. Ainsi, aux questions préoccupantes : qu’est qu’un toxicomane ? Qu’est-ce qu’un addictologue ? De quels moyens dispose–il dans sa tâche ? Quel message délivrer aux jeunes, les désœuvrés surtout qui sont les plus exposés à ce phénomène ?
Les professeurs et les docteurs qui ont animé cette rencontre, qui s’est déroulée ce jeudi à l’auditorium de l’université, ont, chacun, dans sa spécialité et ses connaissances, tenté d’y répondre. Parmi la douzaine de professeurs et de docteurs qui avaient présenté leurs communications, nous n’en retiendrons que celle du plus prestigieux d’entre eux, en l’occurrence de Mohamed Ould Taleb, en raison de son exhaustivité sur le sujet. Mais nous les citerons toutes parce qu’elles montrent le souci de cette journée qui est d’embrasser le sujet dans toute sa complexité. L’intervention de Melle Saïdani Fatma-Zohra, psychologue et orthophoniste a porté sur «Les conduites addictives chez les adolescents». Autrement comment les adolescents s’initient très tôt à la consommation de la drogue. La rue, le collège, le lycée sont des lieux privilégiés pour les adolescents pour faire connaissance avec le phénomène. Lui succédera plus tard le docteur Bekko Esadik du service psychiatrique de Ouargla. Il interviendra sur «Les motivations chez les toxicomanes». Autrement comment motiver, c’est-à-dire amener le jeune toxicomane à faire confiance au médecin traitant et faire confiance à ses propres forces pour surmonter cette cruelle épreuve. Cette communication est immédiatement suivie par celle du docteur Adouane M. du service de psychiatrie de Sétif sur « La prévention de la toxicomanie en Algérie. C’est l’aspect le plus important de cette journée, car c’est là que réside la vraie lutte et la vraie victoire sur ce fléau. Aussi, le travail commence-t-il très tôt. De préférence à l’école primaire. Il s’agit d’ouvrir les yeux des tous jeunes sur le tabac, l’alcool, le cannabis et les psychotropes avec lesquels l’enfant pourrait, tôt ou tard, faire connaissance. En le prévenant contre ces produits nocifs pour la santé, c’est-à-dire en l’informant et en le sensibilisant sur ce danger, on lui permet de les éviter plus tard. Bien qu’elle nous paraisse détroquée, la définition du professeur Ould Taleb reste valable. Pour lui, le toxicomane est un jeune chômeur. Pourtant, dans son intervention il dira que la prévention doit commencer à l’école primaire. Chacun sait, en effet, que la consommation de la drogue commence en général au CEM, avant de se poursuivre le lycée. Beaucoup de collégiens subissent la tentation de griller un joint pour montrer qu’il est «affranchi». La prise en charge du toxicomane par un addictologue est une nécessité absolue. à cet égard, le conférencier citera les deux grandes centres de désintoxication d’Oran et de Blida, sans compter les 35 annexes ouvertes un peu partout à travers le territoire national. Même s’il garde peu d’espoir pour une guérison complète (20% de chances sur 200 toxicomanes, selon sa propre étude), il insistait sur le traitement pour sinon guérir, du moins soulager la souffrance du sujet malade. Car en dépit du caractère délictueux de la prise de la drogue, le toxicomane est avant tout un être, un être déchu physiquement et moralement. Le professeur distingue deux types de toxicomanes : le consommateur occasionnel qui fume une sèche une fois par jour ou une fois par semaine et le consommateur abusif, celui qui ne sait pas se retenir. Mais le fait de ne fumer qu’occasionnellement n’épargne pas de la dépendance ou addiction. Et ne permet pas non plus d’éviter la déchéance physique et morale. Il a de même mis en garde contre les drogues dites douces. Elles sont, selon, le conférencier, tout aussi nocive, à la longue, que les drogues dites dures. La preuve : cet adolescent qui fumait 1 joint de cannabis par semaine. Il avait commencé à 17 ans. Malgré le traitement, il continue à 44 ans à fumer son joint par semaine. Sa femme et ses enfants ont fini par le quitter. Il vit solitairement cette épreuve.Le conférencier avait une autre raison de s’alarmer : l’Algérie était considérée comme un pays de transit. La drogue, ou le cannabis, n’arrivait du Maroc que pour être orienté vers les pays européens. Aujourd’hui, le pays produit son propre cannabis et la consommation est en forte progression. Selon lui, entre 1995 et 2015, la consommation a progressé de 900%. Conclusion, même s’il juge le traitement de la toxicomanie absolument nécessaire, même s’il estime que la solidarité doit s’exprimer d’une façon générale à l’égard des toxicomanes, il privilégie cependant la prévention, seul moyen efficace pour juguler le phénomène qui se répand à une vitesse hallucinante dans notre pays.
Ali D.

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