Les principales villes de Syrie se sont réveillées, samedi, sans le bruit du canon pour la première fois depuis le début de la guerre, après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu entre régime et rebelles initié par Washington et Moscou. Le Conseil de sécurité de l’ONU a mis tout son poids derrière cet accord, en adoptant vendredi soir à l’unanimité une résolution « l’approuvant pleinement », et appelant les parties concernées à respecter la trêve entrée en vigueur à 00H00 locale (vendredi 22H00 GMT). C’est « un jour et une nuit exceptionnels pour les Syriens », a affirmé le médiateur, l’envoyé spécial de l’ONU sur la Syrie Staffan de Mistura, qui a néanmoins affirmé que la journée de samedi sera « critique ». Une nouvelle réunion de la task force se déroulera à 14H00 GMT à Genève pour évaluer comment a été respecté le cessez-le-feu, dont sont exclus les groupes jihadistes Etat islamique et le Front al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaïda, qui contrôlent plus de 50% du territoire. Si le cessez-le-feu tient et l’aide humanitaire continue d’être acheminée dans les zones assiégées, M. de Mistura compte convoquer une nouvelle session de pourparlers de paix intersyriens le 7 mars à Genève après l’échec des précédentes discussions. C’est la première fois que la Syrie connaît un cessez-le-feu de cette ampleur, alors que la guerre a dévasté le pays depuis près de cinq ans, fait plus de 270.000 morts, déplacé plus de la moitié de la population et déstabilisé le Moyen-Orient et l’Europe avec son lot de réfugiés.
Les initiateurs de l’accord étaient sceptiques quant au respect de la trêve, alors que d’autres tentatives avaient échoué. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) et des militants, le calme régnait samedi dans les provinces centrales de Homs et Hama, dans celle de Damas et dans la région d’Alep (nord), où se trouvent forces du régime et rebelles.
Plaisir oublié
Aucun raid aérien n’était signalé contre les régions rebelles qui étaient depuis fin septembre la cible des frappes de l’aviation russe alliée du régime de Bachar al-Assad. Une journaliste de l’AFP, qui s’est rendue aux abords de la capitale Damas, a constaté une quiétude inhabituelle et n’a vu aucune colonne de fumée s’élever de fiefs rebelles comme Jobar et la Ghouta orientale, contrairement aux jours précédents.
Dans la ville d’Alep, qui depuis juillet 2012 est un champ de bataille entre régime et insurgés, des habitants de quartiers rebelles ont affirmé à l’AFP que si la trêve se poursuivait ils iraient au parc avec leurs enfants, un « plaisir » depuis longtemps oublié.
« Je me sens plus en sécurité, c’est très calme. Je souhaite ne pas être réveillé demain par le son des avions », a déclaré à l’AFP, juste après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, Mohamad Nohad, un jeune marié habitant le quartier rebelle al-Kalassé à Alep. A Jobar, quartier périphérique de Damas, Abdel Rahmane Issa, un soldat de 24 ans mobilisé depuis plus de trois ans, était ravi. « Je ne peux pas cacher que je suis heureux que la guerre s’arrête même pour quelques minutes. Et si cela continue on pourra rentrer chez nous ». La localité de Daraya, proche de Damas, était elle aussi calme depuis minuit, selon l’OSDH. Les militants ont posté des hashtags #Nous sommes tous Daraya » et « Pas de Daraya, pas de trêve », en solidarité avec cette localité que le régime a exclue du cessez-le feu, en affirmant qu’elle abrite le Front Al-Nosra, ce que l’opposition réfute.
Dans les régions où se trouvent l’EI et le Front Al-Nosra, quelques accrochages intermittents ont eu lieu samedi, selon l’OSDH.
Combats en territoire jihadiste
Dans le nord de la province de Lattaquié (ouest), des échanges de tirs ont opposé soldats et jihadistes ainsi que dans l’est de la province d’Alep avec l’EI. A Tall Abyad (nord), des combats opposaient forces kurdes à l’EI. En outre, une voiture piégée a explosé à l’entrée est de Salamiyé dans la province de Hama tuant deux soldats selon l’OSDH. Cette localité se trouve près de la ligne de front entre régime et EI. La trêve est censée favoriser un règlement politique de la guerre dans laquelle sont impliquées plusieurs puissances internationales et régionales. Outre l’aviation russe, celle de la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis bombarde les positions de l’EI et d’Al-Nosra en Syrie. La Turquie elle bombarde par intermittence les forces kurdes syriennes. Dans les heures précédant le cessez-le-feu, le régime et l’aviation russe ont bombardé intensément les zones rebelles, faisant plusieurs morts, selon l’OSDH. « S’il n’y avait pas eu l’opération militaire russe, il n’y aurait ni trêve, ni négociations en Syrie et l’EI et le Front al-Nosra se prépareraient à diviser Damas », a estimé Alexei Pushkov, chef de la commission des affaires étrangères de la Douma.