à six semaines de la date du Brexit, les responsables européens ont alerté, mercredi, sur le «risque très réel» d’un divorce brutal du Royaume-Uni et de l’UE, après la rencontre infructueuse Johnson-Juncker de lundi, appelant à ne «pas faire semblant de négocier».
«Le risque d’un «no deal» reste très réel, ce sera peut-être le choix du gouvernement du Royaume-Uni, mais ce ne sera jamais le choix de l’Union européenne», a mis en garde le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker dans l’hémicycle du Parlement à Strasbourg. Dans ces six minutes de discours, il a été régulièrement interrompu par les huées des eurodéputés britanniques pro-Brexit, que Jean-Claude Juncker a salués ironiquement comme ses «fans». Le président de la Commission européenne a considéré qu’un accord était «toujours souhaitable et toujours possible». «Je ne suis pas sûr que nous réussirons, il nous reste très peu de temps, mais je suis sûr que nous devons essayer», a considéré le Luxembourgeois qui doit passer le flambeau de l’exécutif européen le 1er novembre à l’Allemande Ursula von der Leyen. Plus de trois ans après le référendum qui a vu les Britanniques voter à 52% pour une sortie de l’Union européenne, un déjeuner lundi entre le Premier ministre britannique Boris Johnson, Jean-Claude Juncker, le négociateur en chef de l’UE, Michel Barnier, et le Premier ministre luxembourgeois Xavier Bettel n’a pas fait avancer le casse-tête du Brexit d’un iota. Boris Johnson envisage ouvertement un divorce sans accord, malgré certaines prévisions alarmantes, de son propre gouvernement, de pénuries alimentaires, de médicaments et de risques de troubles de l’ordre public. «Il ne s’agit certainement pas de faire semblant de négocier», a prévenu mercredi le négociateur en chef de l’UE Michel Barnier, s’exprimant également devant le Parlement européen. Une critique voilée qui pourrait viser Boris Johnson, accusé dans son pays de manquer de sérieux dans les négociations. Dans «cette extraordinaire et complexe négociation», «il est de notre responsabilité de poursuivre ce processus avec de la détermination, avec de la sincérité», a estimé M. Barnier, insistant sur le «besoin de solutions juridiquement opérationnelles» concernant la situation de l’Irlande, seul pays avec lequel le Royaume-Uni a une frontière terrestre.
Maillot de foot vert
La question irlandaise reste au cœur des discussions. Londres exige la suppression du «backstop» ou filet de sécurité, la clause de sauvegarde prévue pour empêcher le retour d’une frontière physique entre l’Irlande du Nord, province britannique, et la république d’Irlande. Dans ce cas, l’UE réclame à Londres des solutions alternatives au «backstop», prévu pour maintenir le Royaume-Uni dans un «territoire douanier unique» à défaut d’autre solution. «Cela ne suffit pas de nous expliquer pourquoi il faudrait supprimer le «backstop», a averti Michel Barnier, expliquant qu’il y avait derrière ce mécanisme «des garanties très concrètes dont tous les citoyens irlandais ont besoin», ainsi que «pour la santé et la sécurité des consommateurs des 27». Lors du débat qui a suivi, le leader des pro-Brexit, l’eurodéputé Nigel Farage a accusé Michel Barnier d’avoir voulu «depuis le début les coincer (les Britanniques, ndlr) à l’intérieur» du marché unique. Juste avant lui, une eurodéputée nord-irlandaise du Sinn Fein, parti républicain qui milite pour une Irlande réunifiée, Martina Anderson, est intervenue dans l’hémicyle en brandissant son passeport irlandais, vêtue du maillot vert de James McClean, un footballeur né en Irlande du Nord mais qui a choisi de représenter la République d’Irlande lors des matches internationaux. «Nous, Irlandais du Nord de l’Irlande, avons le droit à la citoyenneté européenne», a-t-elle lancé. Le Royaume-Uni espère progresser suffisamment dans les discussions pour faire du sommet européen du 17 octobre une étape cruciale pour finaliser un nouvel accord. Tout éventuel nouvel accord avec Londres ne pourra entrer en vigueur sans l’aval du Parlement européen. Les eurodéputés doivent voter à la mi-journée une résolution sur le Brexit, la première pour le Parlement nouvellement constitué après les élections de mai. Le texte, sur lequel se sont mis d’accord les principaux groupes politiques sauf l’extrême droite, reste fidèle aux positions du précédent Parlement: tout faire pour éviter un «no deal», réaffirmer que l’accord déjà négocié est «juste et équilibré», souligner qu’un nouveau report ne sera soutenu que si «des raisons et un objectif valables existent».