Le parti d’Ahmed Ouyahia, le RND, continue sa descente aux enfers. À un mois qui nous sépare de son congrès extraordinaire, prévu du 5 au 7 mai prochain, les choses semblent se compliquer davantage. Ainsi, deux communiqués interposés, pour le moins compromettants, mettent la lumière sur le malaise qui prévaut au sein de la deuxième force politique.
En effet, lundi dernier, un groupe de militants, se réclamant du RND, adoubés par au moins une douzaine de cadres, issus de la sphère dirigeante du parti, d’ex-parlementaires et autres anciens cadres, se sont réunis pour dénoncer une sorte de fait accompli, eu égard aux préparatifs du prochain rendez-vous électif, empreint, selon eux, de «dérives et d’irrégularités», pouvait-on lire sur un document rendu public. Les auteurs ne sont pas des moindres, puisque parmi eux figurent des cadres issus du bureau politique et du conseil national. Parmi ceux-là même qui ont mené, en janvier 2013, un mouvement de redressement, à l’origine duquel, d’ailleurs, l’actuel chef du RND avait fini par claquer la porte, avant qu’il ne reprenne, à nouveau, le dessus et les commandes du parti, en juin 2015. Un état de fait qui laisse croire à un scénario presque similaire à celui de la crise qui a miné le RND, à la veille de la tenue de son dernier congrès. Ceci, dans la mesure où les initiateurs de cette rencontre parallèle, non seulement parce qu’ils sont les mêmes, à l’image de Nouria Hafsi et Zitouni Tayeb, mais, cette fois-ci, surtout, il s’avère qu’il sont rejoints par d’autres têtes qui ont élargi le front de dissidence, à croire le même document signé par les 12 «apôtres». visiblement, ces derniers sont prêts à braver l’homme fort du parti, et à croiser le fer avec lui. C’est du moins ce qui en ressort des travaux de cette réunion clandestine, laquelle était sanctionnée par une résolution signée par Hafsi, Smati Zoghbi, Yahi mustapha, Kerrouche Smaïl, Boumezouad Merouane, Hita Amara, comme membres du conseil national, et de Teyeb Zitouni du bureau politique. À cette mouvance, s’agrègent aussi des cadres dissidents et ex-députés, tels que Boussahia Tounsi, Saâdi Azeddine, Sahel Ali et Kacem Kebir. Les frondeurs reprochent à l’actuelle direction politique, à sa tête, le SG par intérim, Ahmed Ouyahia, d’avoir enfreint aux règles démocratiques, et d’avoir «violé» les textes régissant le fonctionnement du parti. Seule différence, à la clé, c’est qu’à l’heure actuelle, le patron du RND traverse une sale période, en raison des attaques incendiaires qui l’ont ciblé, et qui émanent de son ennemi juré du FLN. À ce titre, il est bon de rappeler qu’Amar Saâdani, puisque c’est de lui qu’il s’agit, avait couronné ses déclarations, la semaine dernière, par réclamer, tout bonnement, l’éviction de l’actuel directeur de cabinet auprès de la présidence de la République de son poste, rien que ça. Et de surcroît, Saâdani n’est pas le genre de personnage qui prêche dans le désert.
Car, de par ses déclarations retentissantes, les effets immédiats ont souvent suivi ses annonces. Pour revenir aux griefs mis en avant par les frondeurs, ces derniers contestent «une violation par la Commission préparatoire du congrès» des règles du jeu démocratique, comme le montre, selon eux, l’absence de transparence, quant au choix des congressistes devant assister au congrès. Pour eux, ces délégués ont été désignés en lieu en place qu’ils soient issus des urnes. Ceci, en plus du «viol» des pratiques démocratiques, et «l’exclusion» des militants et cadres, lors des débats menés autour de ce rendez-vous, ont dénoncé les frondeurs. Des raisons, somme toute, et par lesquelles les partisans de la dissidence justifient leur demande de «report» du congrès extraordinaire, à une date ultérieure. Autrement dit, les conditions actuelles ne permettent pas «la réussite» de ce rendez-vous, estiment les rédacteurs du communiqué. Il est bon de rappeler que la décision d’organiser ce congrès aux délais requis a été prise par le conseil national du parti, lors d’une session tenue en fin janvier dernier. Une rencontre, lors de laquelle, Ouyahia avait annoncé l’ouverture pour la première fois d’une liste de candidatures au poste de SG du RND aux militants du parti. Ceci n’était qu’une réponse, par laquelle l’ex-chef du gouvernement visait à dissiper la polémique grandissante autour de l’alternance aux commandes du parti, dès lors que les chefs de cette formation politique ont été propulsés au poste par simple plébiscite. Une pression de plus qui pèse sur les épaules de «l’homme des situations de crise». Lequel responsable politique se doit d’accepter, lors du prochain congrès, d’affronter Belkacem Mellah, pour n’en citer que cet ex-directeur de communication, auprès du Premier ministère, déjà en course dans la succession au trône du parti. Réagissant au communiqué de ses adversaires, Ouyahia s’est «indigné» des agissements du groupe des frondeurs. D’emblée, il a appelé les militants et cadres des structures locales et centrales que «le cheminement vers le congrès extraordinaire suivra se poursuivra selon le rythme convenu», comme pour rejeter la demande de report, formulée par le camp adverse. Ainsi, pour le SG par intérim, la réunion des congressistes, prévue samedi prochain, à travers les wilayas est maintenue, aussi bien que celle des congrès régionaux du samedi qui suivra. Et au-dessus de tout, le congrès extraordinaire se tiendra dans les délais fixés, a-t-il indiqué le communiqué du RND, rendu public hier. Par des propos qui s’apparentent à un défi lancé à ses adversaires, Ouyahia invite les cadres réfractaires, dont certains ont la qualité de congressiste, à participer à ces rencontres pour «mesurer leur représentativité et promouvoir leurs vues». Une manière, en quelque sorte, pour les dissidents de jauger leur capacité de mobilisation, en faisant face, ainsi, à la «majorité qui est l’arbitre», lit-on dans le document portant la griffe d’Ouyahia. Mine de rien, le chef du RND prend de la hauteur sur ses opposants qu’il qualifient de «groupuscule minoritaire» qui ne peut «imposer son diktat» dans le parti. En tout état de cause, si Ouyahia a jugé utile de répondre, c’est qu’il y a vraiment feu dans la maison. Cela étant dit, connaissant le personnage, celui-ci n’a presque jamais réagi d’aussi prompte manière, pour dire que les choses vont bon train.
Farid Guellil
La réponse du SG à ses détracteurs
Le secrétaire général, par intérim, du Rassemblement national démocratique (RND), Ahmed Ouyahia, a répondu aux griefs d’un groupe restreint de cadres du parti qui appelle à son départ et au report du congrès. Dans un communiqué qu’il a rendu public, hier mercredi, Ahmed Ouyahia dit avoir pris connaissance avec regret du contenu de ce communiqué, signé par un groupe de cadres du RND.«C’est avec regret, mais aussi une profonde indignation, que j’ai pris connaissance du communiqué diffusé, mardi 5 de ce mois, dans la presse par, un certain nombre de cadres et d’anciens militants du parti», a-t-il écrit d’emblée. Et comme réaction, il assure que le congrès extraordinaire se tiendra à la date prévue, à savoir du 5 au 7 mai. Ahmed Ouyahia a, ainsi, informé «les militants et les responsables, locaux et centraux, que le cheminement vers le congrès extraordinaire se poursuivra, selon le rythme convenu par la commission nationale préparatoire, composée de deux tiers du conseil national». Il précise, ainsi, que la réunion des congressistes au niveau de chaque wilaya se tiendra le 9 avril, et les congrès régionaux auront lieu le 16 avril prochain. Ahmed Ouyahia, qui n’a visiblement pas apprécié la sortie médiatique de ces cadres, minoritaires en fait au RND, a souligné que «certains signataires du communiqué sont des congressistes de droit. Il leur appartient d’aller mesurer leur représentativité, et promouvoir leurs vues au niveau de leurs wilayas d’appartenance, ou au niveau des précongrès régionaux qui les concernent, ou même devant le congrès extraordinaire. Ils feront, ainsi, face à la majorité qui est l’arbitre». Se montrant ferme et sûr de lui, Ahmed Ouyahia a affirmé en conclusion qu’«aucun groupuscule ni aucune minorité n’imposera désormais son diktat au sein du RND». Un message qu’il a clairement adressé «aux auteurs du communiqué». Attaqué de l’extérieur de son parti par notamment le premier responsable du FLN, qui, il est vrai, tire sur tout ce qui bouge, Ahmed Ouyahia décide, ainsi, de contrer le timide mouvement de déstabilisation interne, agit de l’extérieur selon certains dirigeants du RND. Il défie donc les frondeurs qui ont mené leur premier conclave, le 4 avril passé, de démontrer leur représentativité. Parmi ces «frondeurs», il y a Tayeb Zitouni, ancien président de l’APC d’Alger-Centre, Nouria Hafsi, présidente de l’UNFA, Mostafa Yahi, Mokhtar Boudina, Zoghbi Smati Azzeddine, Saâdi ou encore Ali Sahel. Ces protestataires dénoncent les «dérives» de la commission nationale de préparation du congrès présidée par Ahmed Ouyahia et réclament de ce fait le report du congrès. En réalité, le secrétaire général par interim du RND fait face à une campagne de dénigrement organisée par un site électronique, qui se pose souvent en relais de Amar Saidani , qui se croit suffisamment puissant pour dicter au chef de l’Etat qui est aussi Président du FLN, sa conduite et lui demande de démettre Ouyahia de son poste de directeur de cabinet, l’accusant de manquer de fidélité à Bouteflika. Des invectives gratuites auxquelles le SG par intérim du RND n’a pas jugé utile de relever et d’y répondre.
M. B.