Prévue, initialement, pour le 1er mars prochain, la rencontre de deux jours des ministres des Affaires étrangères, algérien, tunisien et égyptien, sur la crise libyenne, se tient finalement, depuis hier, dans la capitale tunisienne.
Selon le ministère des AE tunisien, le changement de ce rendez-vous s’est imposé suite à des «consultations» entre les ministres des pays précités, qui se sont engagés à consentir des efforts visant à faire converger les points de vue des acteurs libyens pour dégager une solution consensuelle à la crise politico-institutionnelle et sécuritaire, dans laquelle est plongé ce pays depuis six ans.
La réunion ministérielle de la Troïka, composée de l’Algérie, de l’Égypte et de laTunisie, se penche sur les résultats et les avancées enregistrés, ces dernières semaines, des tractations qu’ont menés les responsables algériens, égyptiens et tunisiens, avec les différents acteurs de la scène libyenne, pour les aider à mener un dialogue inter-libyen, et mettre, ainsi, fin à des années de violence armée entre les frères libyens. Situation qui a prolongé la crise chaotique dans ce pays, dont nul n’ignore, les Libyens en premier lieu, qu’elle est génératrice des pires scénarios, guettant le pays et son peuple depuis plus de six ans, notamment après l’intervention de l’Otan dans la crise qu’a secoué le pays, en févier 2011.
La rencontre de deux jours, à Tunis, du ministre algérien des Affaires maghrébines, de l’Union africaine et de la Ligue arabe, Abdelkader Messahel, et ses homologues Khemaies Jihnaoui et Samah Choukri, respectivement de Tunisie et d’Égypte, est très attendue notamment par les citoyens libyens qui, après six ans, peinent à renouer avec les conditions de sécurité et de paix, conditions fondamentales pour aller à l’édification des institutions, notamment politiques et militaires, et, par conséquent, la relance de l’économie libyenne.
Si les questions politiques, sécuritaires et militaires occupent, en première ligne, la majorité des médias locaux, régionaux et internationaux, il n’en demeure pas moins que les conditions socio-économiques des Libyens soient très difficiles, après la tournure qu’a pris la crise libyenne, de février 2011, vite transformée en conflit armé, précipitant l’intervention de l’Otan, dont ses bombardement ont touché considérablement les infrastructures de base du pays, ainsi que des entreprises. À cela, s’ajoutent le désordre et le chaos dans lesquels ont été plongés la Libye et son peuple, situation qui a profité aux groupes terroristes, aux réseaux de trafic de tout genre, armes, drogue, contrebande, notamment du pétrole. Rappelant, à ce propos, que la Libye accuserait déjà 360 millions de dollars de manque à gagner, en plus de la diminution de la production pétrolière dans ce pays, qui a chuté sous les 715 00 barils par jour (b/j), tandis que, avant la crise de février 2011, le chiffre pouvait atteindre les 1,6 million b/j.
Alors que les différentes composantes politiques libyennes peinent encore à dépasser la dernière ligne, pour enfin annoncer une nouvelle étape pour le pays, qui marquera le lancement d’une dynamique politique inter-libyenne, tant attendue, d’abord par le peuple libyen et ses voisins, notamment des trois pays, consentant, à ce jour, des efforts à aider les acteurs libyens à atteindre cet objectif, la rencontre de Tunis réussira-t-elle à rapprocher les points de vue, notamment entre le maréchal Khalifa Haftar et les responsables du gouvernement d’union, Fayez Es-Serraj? La rencontre de Tunis devra répondre, essentiellement, à cette question, une fois résolue, les efforts d’Alger, du Caire et de Tunis devront s’intensifier, pour faire réussir la suite de ce processus, notamment dans sa phase du dialogue inter-libyen, devant être à l’abri des interférences d’acteurs étrangers géographiquement à la région mais qui manœuvrent sur la scène libyenne.
Le dépassement des divergences, condition pour sortir du chaos
Pour les Libyens et les responsables des pays voisins à la Libye en conclave, depuis hier à Tunis, l’espoir y est, et même grand, même si des difficultés persistent lesquelles ont été à l’origine de l’absence de rencontre entre ces deux hommes, la semaine passée, au Caire, même si ces deux responsables, Haftar et Es-Serraj, y étaient présents.
Les efforts des uns et des autres dans leurs rencontres avec les responsables libyens, dont les principaux rivaux précités, tendent à convaincre ses derniers à se retrouver autour d’une table, la seule voie à même de sortir le pays de la logique de la force des armes et le langage de la violence. Ce qui ouvrira de nouvelles perspectives permettant de prémunir le pays d’une situation pouvant être irréversible car, pouvant engager le pays sur la pente de la partition, aux conséquences fâcheuses pour les Libyens, les pays du voisinage et même toute la région. Si le président du Conseil présidentiel en Libye, Fayez Es-Sarraj, a affirmé, samedi dernier, qu’«un an après le début de son travail dans la capitale, Tripoli, et malgré toutes les pressions exercées sur lui, le Conseil présidentiel du gouvernement d’union n’a épargné aucun effort pour construire le consensus entre tous les Libyens», il a fait savoir qu’il était «soucieux des tiraillements et conflits politiques et militaires entre les personnes d’un même pays». Ce qui ouvre des perspectives aux possibilités du dépassement du blocage et de voir les Libyens se lancer sur la voie de la construction d’un consensus national inter-libyen, avec l’aide des pays voisins qui sont en conclave en Tunisie, et qui seront reçus, aujourd’hui, par le président tunisien, Beji Caïd Es-Sebsi.
De son côté, le maréchal Khalifa Haftar a invité des pays à s’abstenir d’interférer et d’exécuter des agendas étrangers en Libye, des pays qui, selon lui, «mettent en œuvre des agendas», avant d’ajouter, en se demandant «quel est l’intérêt du Qatar dans le financement du maintien du chaos en Libye ?» Par ailleurs, sur le plan du rôle des Nations unies, pour le règlement de la crise libyenne, le ministre algérien des Affaires étrangères et de la Coopération internationale s’est exprimé sur la question de remplacer Martin Kobler.
À partir de Bruxelles, où il était, mercredi dernier, en visite officielle, sur la nomination d’un nouvel Envoyé de l’ONU en Libye, il a indiqué que celle-ci «pourrait avoir des impacts négatifs sur la coordination du processus de médiation en cours pour résoudre la crise en Libye». Aujourd’hui, prendra fin la réunion des ministres d’Alger, du Caire et de Tunis, au cours de laquelle il a été notamment question de définir le rôle de chaque pays dans le rapprochement de points de vue entre les acteurs libyens, en convergeant leurs approches respectives, afin d’enregistrer des avancées notables dans le processus devant conduire au lancement d’une dynamique politique nationale en Libye, tant attendue par le peuple libyen, qui suit de très près, non sans inquiétudes, outre le conclave en cours à Tunis mais aussi les efforts consentis, séparément et conjointement, par ses voisins, l’Algérie, l’Égypte et la Tunisie, visant à l’aider à dépasser cette étape cruciale et déterminante pour son avenir.
Karima Bennour