L’historien Benjamin Stora a remis, au président français Emmanuel Macron, la synthèse de son travail mémoriel sur l’histoire de la guerre d’Algérie. Le document qui n’évoque dans aucun de ses chapitres la repentance de la France ou d’éventuelles excuses présentées à l’Algérie, est dans sa finalité, un essai de la France de se réconcilier avec sa propre histoire coloniale.
Le document suscite déjà le débat aussi bien à gauche qu’à droite de la classe politique française, au moment où l’extrême –droite observe un wait and see. Le rapport qui contient 146 pages, ne fait qu’effleurer les crimes coloniaux, les déportations de populations, les crimes contre l’humanité ou encore la restitution des archives et certains objets historiques à l’instar de l’épée de l’Émir Abdelkader ou encore le canon Baba Merzoug.
Les essais nucléaires de la France dans le sud algérien prennent une large part dans le travail réalisé par Benjamin Stora. Cela s’explique par le fait que d’anciens appelés français et de scientifiques, qui avaient travaillé sur les sites des essais nucléaires à In Ekker et Reggane, sont engagés dans un véritable travail français pour obtenir réparation pour les effets, sur leurs organismes, des irradiations.
Il n’évoque pas les ravages des essais sur la nature et sur les populations des oasis qui entouraient les sites des essais.
Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune avait rappelé, dans une de ses déclarations à la presse, que le dossier des essais nucléaires est primordial dans le règlement du lourd contentieux algéro-français. D’autre part, Bejamin Stora accorde la part belle au dossier des harkis ou encore les pieds-noirs contraints de quitter l’Algérie après l’Indépendance. Pour l’historien français, pour parvenir à une réconciliation apaisée, il est primordial, pour l’Algérie et la France, d’engager une véritable dynamique de pardon des victimes des supplétifs de l’armée française. C’est une façon de demander à la victime d’absoudre son bourreau, ce qui n‘est pas juste quand on prétend vouloir parvenir à une réconciliation entre l’Algérie et la France. Les victimes de l’armée coloniale sont invitées par le travail de l’historien français à pardonner sans demander des explications ou encore réparation.
Ce qu’il y a lieu de retenir de ce rapport est qu’il est destiné à une consommation franco-française. Le président français, Emmanuel Macron, fragilisé par la gestion approximative du dossier de la Covid-19, lui qui est en chute libre dans les sondages, lorgne déjà sa réélection pour un nouveau mandat. Évoluant dans une scène politique avec une droite marquée par une cacophonie qui l’a fragilisée et une offensive de l’extrême droite emmenée par marine Le Pen, qui est en train de pêcher des appuis dans son vivier électoral, il verrait d’un très bon œil le ralliement à ses thèses, le filon que constituent les déportés d’Algérie, Harkis et Pieds-noirs et leurs descendances. C’est ce qui explique d’ailleurs l’empressement des autorités françaises à affirmer que la France n’est pas prête à demander pardon, mais qu’elle compte parvenir à la réconciliation de ses composantes pour permettre à la République en marche (LREM), le parti de Macron, d’envisager une réélection sans mettre la France de Jeanne d’Arc devant ses responsabilités d’ancienne puissance coloniale qui doit assumer ses crimes et demander pardon. Et cela laisse supposer qu’il reste encore beaucoup de travail à faire pour mettre la France devant ses responsabilités.
Slimane Ben