Pour ceux qui avaient couvert le procès de Khalifa Bank, en 2007, l’ingrédient qui manquait pour comprendre le fil de l’histoire et essayer de comprendre cette scabreuse affaire était : le principal accusé, Rafik-Abdelmoumène Khelifa ! Aujourd’hui, il est là, en chair et en os et a commencé à répondre aux questions lui-même, mettant un peu de lumière là où, il y a huit (8) ans, il n’y avait que des supputations ou des témoignages pas toujours vérifiables. Le moment tant attendu par tous est arrivé hier, après la fin de la lecture de l’arrêt de renvoi quand le juge, Antar Ménouer, appela le principal accusé à la barre. La première question posée à Khelifa a été celle relative à la falsification des actes de propriété pour l’obtention de deux crédits auprès de BDL Staouéli, d’un montant de 50 puis de 60 millions de dinars. D’un ton très sûr, il déclara qu’il n’a jamais procédé à la falsification d’aucun acte car : «La description de la villa et du local ne correspondent pas à mes propriétés, d’un côté, et, de l’autre, ces actes ont permis à une entreprise de commerce de bénéficier de crédit, je n’ai eu connaissance de ces deux actes qu’en 2004 », a-t-il affirmé. Questionné par le juge sur la manière dont il aurait alors obtenu les prêts auprès de la banque publique, il déclara qu’il possédait un ancien compte qui lui aurait permis de bénéficier de «facilités» pour l’obtention du prêt afin de créer une entreprise de fabrication de médicaments. Abdelmoumène Khelifa nia aussi avoir signé un quelconque acte, en compagnie des membres de sa famille, auprès de l’étude de Me Rahal, comme il nie aussi s’y être rendu en compagnie du directeur de la banque BDL de Staouéli, Idir Issir, pour signer une hypothèque de sa maison et de sa pharmacie. Il asséna à l’assistance que : «C’est une histoire qui ne tenait pas debout, que tout était monté de toutes pièces : «Ni les deux actes falsifiés ne m’appartiennent, encore moins l’hypothèque de ma maison, la signature n’est pas la mienne, et l’hypothèque de la maison et de la pharmacie n’est pas sensée», a-t-il tenu à préciser. Concernant la création de la banque Khalifa, l’accusé affirme qu’il n’avait pas besoin de recourir à des prêts bancaires car les bénéfices générés de ses deux sociétés suffisaient. Il déclara aussi qu’en sa qualité de pharmacien il avait eu beaucoup de difficultés à obtenir des crédits bancaires pour son activité, ce qui l’a poussé à créer sa propre banque quand, à partir de 1996, l’État a permis la création de banques privées : «C’était pour pouvoir octroyer des crédits aux pharmaciens ainsi qu’à des praticiens d’autres secteurs» a-t-il dit. Il continua ensuite en affirmant qu’au début il ne possédait que 76% des parts sociales de la banque, le reste était détenu par des membres de sa famille et quelques amis. Khelifa continuait de répondre aux questions du président du tribunal de manière assez calme, mais en niant toutes les accusations et les faits retenus contre lui comme ce concernant sa parenté avec l’ex-gouverneur de la Banque d’Algérie, Keramane Abdelouahab, il affirma que ce dernier et lui-même ignoraient les liens de parenté éloignés qui les liaient et ce n’est que par la suite qu’il l’a appris, car c’était une parenté par liens de mariage. En réponse à une autre question du président du tribunal concernant le montant ayant été déclaré lors de la création de Khelifa Bank, il répondit : «Oui, le montant était légal». Il refusa ensuite les déclarations d’Idir concernant les actes d’hypothèque et reconnut que l’activité pharmaceutique à l’époque marchait très bien. Le président du tribunal demanda par la suite si la femme de Khelifa dirigeait les deux sociétés, il répondit que oui : «Elle était la directrice et j’étais le directeur technique». «Qu’avez-vous fait avec le prêt de 10 milliards obtenus auprès de la BDL de Staouéli ? », demanda le président, «Je l’ai utilisé pour la société de fabrication de médicaments», répondit-il. Abdelmoumène Khelifa reconnaît par la suite, pour la première fois, des infractions à la loi quand il a procédé au changement des statuts de la banque sans aviser la Banque d’Algérie, et ce, après que le directeur de Khalifa Bank, Kaci Ali, eut démissionné et qu’il eut retiré ses actions. Ce fut ensuite sur la manière dont était dirigée la banque que l’accusé, en réponse à des questions du tribunal, s’étala. Il parla des dépôts d’argent opérés par les clients, des transferts entre les banques, vers l’étranger. Quand le président lui demanda les raisons pour lesquelles, quelque temps seulement après sa création, Khalifa Bank obtenait des dépôts de très nombreux clients, il répondit que c’était dû au taux d’intérêt proposé qui est arrivé à 17 %, alors qu’il oscillait entre 7 et 11% auprès des autres banques. «Et Khalifa Bank s’en sortait-elle en offrant ce taux élevé ?», s’est demandé le président. Les questions oscillèrent ensuite entre la création, en un laps de temps très court, d’une dizaine d’entreprises et l’installation d’agences commerciales de Khalifa Bank à travers tout le territoire national.
Hadj Mansour