Le procès Sonatrach 1 se poursuit toujours au tribunal criminel d’Alger, avec les auditions des accusés dans le dernier groupe, qui réunit les compagnies et groupes étrangers impliqués dans cette affaire, à savoir le groupe Contel Funkwerk, Contel Algérie à responsabilité limitée, la société allemande Funkwerk Plettac et Saipem Contracting Algeria (Italie). Le premier à passer à la barre est le représentant de la société italienne Saipem Contracting pour la réalisation du lot 3 du gazoduc GK3. Répondant au chef d’accusations, le représentant a d’emblée, nié tous les faits en assurant que Saipem a réalisé la totalité du projet avec de grosses pertes du côté de l’entreprise italienne. Le projet de la réalisation du lot 3 du gazoduc GK3 a été accordé à Saipem Algérie Contracting pour un montant de 586 millions de dollars, sans frais de matière première, qui étaient, selon les termes du contrat, à la charge de Sonatrach. L’offre initiale de Saipem était de l’ordre de 680 millions de dollars. Elle est, de ce fait, supérieure de 20% par rapport au budget initial de ce projet et de 40% par rapport au prix du marché national et international. Une différence de l’ordre de 6 milliards de dinars, de l’aveu des spécialistes. Sur ce point, l’accusé a indiqué que ces chiffres erronés, et qu’ils n’ont pas pris en considération les difficultés auxquels était affronté la société. D’autre part, l’accusé s’est étalé sur les caractéristiques du projet GK 3 lot 3 qui est 5 fois plus coûteux que le projet GPL/222, en affirmant que la comparaison , entre celui-ci et les lots 1 et 2, devrait prendre en considération tout les éléments techniques, chose qui n’a pas été faite par les spécialistes ayant établi ce rapport erroné.
Au sujet du choix du gré à gré, dans le mode de délivrance de cet impressionnant projet, le représentant de Saipem dira que la seule offre jugée en mesure de réaliser le projet GK3 était bel et bien Saipem, tout en assurant que la société italienne a travaillé d’arrache-pied pour présenter la meilleure offre et gagner le marché. Néanmoins, il a indiqué que Saipem a accepté de réduire les coûts sur le volet de la sécurité.
Toutefois, il a indiqué que la situation sécuritaire avait un rôle important dans le prix de l’offre. En effet, il a indiqué qu’en raison de l’instabilité sécuritaire, Saipem a dû dépenser plus en recrutant un nombre plus important de travailleurs, ce qui s’est répercuté sur le budget de logement. Pourquoi recruter plus ? Parce que la société était contrainte d’arrêter les travaux la nuit. Sur ce, il a martelé en disant que « Saipem a continué la réalisation du GK3 à pertes, et ce, après que la justice algérienne ait décidé de geler les comptes bancaires de l’entreprise, même ceux qui ne sont pas liés au GK3». Pour ce qui est des négociations avec Sonatrach pour réduire les coûts, l’accusé précisera que Saipem a accepté de négocier vu la situation du moment et que le projet ait été de grande envergue pour son pays. Répondant à une question du juge chargé de l’affaire Mohamed Reggad, relative aux comptes bancaires gelés, l’accusé a précisé que ce fut un coup dur pour Saipem qui a du tenir ses engagements de réaliser le GK3 en ayant recours à l’argent de l’entreprise. «On ne pouvait pas mettre un terme à notre collaboration avec Sonatrach. On a du continuer les travaux de réalisation en dépit des pertes colossales qu’on a encaissé», a-t-il rajouté.
S’agissant des exonérations fiscales dont a bénéficié Saipem au titre du GK3, il dira qu’il n’est pas au courant de la réglementation algérienne.
Il est à noter que justice pense que ce marché a été octroyé à Saipem parce que le fils de l’ex-P-DG de Sonatrach, Réda Meziane, en détention actuellement, travaillait depuis 2006 comme conseiller auprès du patron de Saipem Algérie, contre une rémunération de 140 000 DA. S’agissant des 4 millions de dinars que Tullio Orsi, a offerts à Réda Meziane, l’accusé explique qu’il s’agit d’un «prêt personnel sans écrit». Il confirmera, donc, les dires du fils de l’ex-P-DG de la Sonatrach.
Groupement Funkwerk : «la dévaluation du dinar nous a causé des pertes»
Par la suite, le représentant de la société allemande Funkwerk Plettac s’est présenté à la barre. Suivant la même ligne de défense que le représentant du Saipem, l’accusé niera tout en bloc. Il est à rappeler que Funkwerk est suivi dans le cadre de cinq (5) marchés frauduleux d’une valeur de 1100 milliards de centimes accordés par l’ex-P-DG de Sonatrach au groupe allemand Contel Algérie Funkwerk Pletarc dans le cadre d’un projet d’acquisition de ces équipements de télésurveillance et de protection électronique des complexes du groupe national à travers le pays. Ces contrats, précise-t-on, ont été accordés dans le cadre du gré à gré en contrepartie d’actions acquises au profit des deux fils du patron de Sonatrach, Fawzi et Réda Méziane, dans le groupe Contel.
Répondant à la question du juge, quant aux raisons du mode gré à gré dans l’octroi des projets, et non le moins disant comme le stipule la réglementation algérienne, l’accusé a rappelé que Sonatrach ne peut pas appliquer le mode de moins disant sauf dans la mesure où il y aurait deux soumissions identiques. Au sujet de l’offre de Contel qui était de 40% plus élevée que celles de Serpe et VSAT Martec qui ont soumissionné aux côtés de Siemens, l’accusé a indiqué que le matériel fourni, doté d’un système infrarouge et anti-explosion et reposant sur des poutres porteuses de caméras capables de résister à des vents de 180 km/h, justifie, amplement les prix. En outre, il a rappelé qu’en soumissionnant au marché Funkwerk a fait son offre en dinar algérien, contrairement aux autres, qui l’ont fait en devise, ce qui causé des pertes à Funkwerk. Lorsqu’on avait soumissionné le dinar a fortement été dévalué, passant de 92 DA à 110DA contre 1 euro. «C’est Funkwerk qui a encaissé cette dévaluation du dinar et non la Sonatrach» , précisera-t-il. Pour ce qui est de l’idée de créer le groupement Contel Algérie Funkwerk Pletarc, l’accusé dira que cette idée est venue de Sonatrach. «Nous avons accepté parce qu’il nous fallait quelqu’un qui connaissait de prés le marché algérien», signalera-t-il.
Pour sa part, le représentant de Contel Algérie, avait l’air déstabilisé en passant à la barre. Ayant la voix qui tremblait il avait du mal à garder son sang froid.
à l’heure ou nous mettons cet article sous presse, l’audition des prévenus se poursuit dans le cadre du dernier groupe. Aujourd’hui, il sera question probablement d’écouter les 78 témoins.
Lamia Boufassa