Accueil MONDE Primaires américaines : Bernie Sanders, le «révolutionnaire» qui bouscule Hillary Clinton

Primaires américaines : Bernie Sanders, le «révolutionnaire» qui bouscule Hillary Clinton

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Le socialiste a gagné sept des huit derniers scrutins des primaires américaines. Il est l’idole des jeunes et talonne Clinton dans la course à l’investiture.

Il se dit « socialiste », autant dire un rouge pour les Américains. À 74 ans, il est l’idole des jeunes, et talonne Hillary Clinton dans la course à l’investiture alors qu’il y a quelques mois encore personne ne le connaissait en dehors du Vermont. On parle beaucoup de Donald Trump depuis le début de la campagne, mais à gauche le phénomène « Bernie » a pris tout le monde par surprise. Il a gagné en début de semaine les primaires du Wisconsin, sa septième victoire sur les huit derniers scrutins, avec pas moins de 14 points d’avance sur Clinton. Mieux, il a attiré plus de 80 % des moins de 30 ans, et séduit autant d’électrices qu’Hillary. Un quasi-exploit si l’on considère que sa rivale s’appuie sur une formidable machine de guerre, un nom, un réseau, une manne de dollars quasi illimitée et la bénédiction de l’establishment.
Est-ce à dire qu’une de l’Amérique a viré à l’extrême gauche ? Peut-être pas, mais, comme chez les républicains, un certain nombre de Démocrates en ont ras-le-bol de la paralysie du système politique, de la dominance de Wall Street, de la mainmise des milliardaires sur les campagnes électorales, et trouvent alléchante la « révolution politique » que leur vante Bernie Sanders. Le sénateur du Vermont, qui s’apparente en fait davantage à un social-démocrate, promet de limiter l’influence des banques, de réduire les inégalités, de réformer le financement des campagnes… Il milite pour une hausse des impôts, plus de dépenses publiques, un système de santé à la française, des universités gratuites, une hausse du salaire horaire à 15 dollars… Des propositions sympathiques mais pour la plupart totalement irréalisables. Tant pis s’il leur promet la lune. Ce vieux monsieur aux cheveux blancs hirsutes et au sourire lumineux a l’air sincère, authentique. Contrairement à Hillary Clinton qui n’a cessé de changer d’opinion comme de chemise, il répète avec conviction la même chose depuis trente ans. À la virgule près.

Tête nouvelle
Bernie représente tout ce qu’Hillary n’est pas. C’est une tête nouvelle, même s’il fait de la politique depuis longtemps. Il propose des idées révolutionnaires et inspire les foules, alors que Clinton se présente comme la candidate de la continuité. Et il refuse d’avoir l’aide d’un SuperPac, ces organisations financées par des milliardaires et des lobbies qui peuvent lever dans la plus parfaite opacité des montants illimités. Ce qui ne l’empêche pas de collecter des sommes records de la part de petits donateurs. Il a levé 44 millions de dollars le mois dernier, soit davantage que sa rivale ! À chaque meeting, il martèle, sous les acclamations de la foule, que le don moyen est de 27 dollars. Dans les sondages, à la question « quel est le candidat le plus honnête, celui en qui vous avez le plus de confiance ? », il devance de très loin Clinton. En revanche, il est à la traîne sur la question de l’expérience. Il ne connaît en effet rien à la politique étrangère et ne semble pas avoir beaucoup potassé le sujet, du moins jusqu’au dernier débat télévisé. Il ne semble pas non plus très au point lorsqu’on lui demande concrètement comment il va limiter la taille des banques. Dans une interview récente, il s’est contenté de formules vagues. Ce qui lui a valu d’ailleurs des critiques acerbes de la part d’Hillary Clinton.
Jusqu’à maintenant, la campagne était restée courtoise, à la différence des Républicains. Mais à l’approche des primaires de New York, le fief Clinton, le ton monte. L’ex-secrétaire d’État a accusé Sanders de ne pas être un vrai démocrate (il a été longtemps sous l’étiquette Indépendant) et d’être vendu au lobby de l’armement.
Le sénateur du Vermont a riposté en disant qu’il n’était pas « qualifiée » pour le bureau Ovale. Malgré ses victoires, Bernie a peu de chances de remporter l’investiture, question d’arithmétique. Hillary Clinton a une grosse avance en termes de délégués, et il faudrait qu’il gagne avec d’énormes marges les scrutins à venir pour la rattraper.
Mais compte tenu de l’afflux ininterrompu de dons, il est probable qu’il puisse rester en lice jusqu’à la fin des primaires. Ce qui exaspère le camp Clinton qui espérait une issue rapide pour pouvoir concentrer ressources et énergie sur le scrutin de novembre.

Premier socialiste à mobiliser l’Amérique
En attendant, Bernie Sanders peut être fier. Il restera dans les annales comme le premier socialiste à avoir mobilisé l’Amérique. Il a ensuite obligé Hillary à gauchiser ses positions. Elle a ainsi déclaré qu’elle était contre l’accord commercial avec l’Asie, s’est opposée à un projet de pipeline, et parle davantage de réduire les inégalités. Il y a une chance enfin que sa « révolution » remodèle le Parti démocrate. Depuis les années 1990, l’aile gauche a été marginalisée.
Sous la houlette de Bill Clinton notamment, le Parti a adopté des positions très centristes, démantelant une partie de l’État providence, faisant les yeux doux à Wall Street et durcissant le système judiciaire. Mais les milleniums, selon les sondages, voient d’un meilleur œil le socialisme que le capitalisme.
Bernie Sanders, dans la foulée d’Occupy Wall Street, a lancé des idées jusqu’ici limitées à une frange radicale, qui ont une chance d’être popularisées par la nouvelle génération de militants. Pour les États-Unis, c’est déjà un bon bol d’air frais !

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